Dépoussiérer le droit contre les passeurs de migrants pour le rendre plus efficace. C'est le but donné à la proposition de directive. Il est vrai que la tâche est cruciale vu
la permanence des flux migratoires vers l’UE. Or, les personnes qui
organisent et dirigent les trafic se trouvent hors d’atteinte de la
justice européenne. Cette proposition entend remédier à cette
situation de vide juridique en étendant la compétence des autorités
judiciaires nationales afin de mieux sanctionner ces cibles dites « de
grande valeur ».
Il faut dire que le cadre juridique actuel de l'UE
est obsolète. Adopté en 2002, donc avant l’adoption du traité de
Lisbonne, il est trop faible et lacunaire. L'objectif général de cette
proposition de directive est donc de mettre en place un instrument de
droit pénal européen qui définit clairement et sanctionne efficacement
le délit de facilitation de l'entrée, du transit et du séjour
irréguliers dans l'UE, conformément aux dispositions du Traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne ainsi que du Protocole des Nations Unies contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air.
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Pourquoi cette proposition ?
Dans
son discours sur l'état de l'Union du 13 septembre 2023, la présidente
von der Leyen a appelé au renforcement de tous les outils dont dispose
l'UE pour lutter efficacement contre le trafic de migrants, en
actualisant le cadre législatif actuel, vieux de plus de 20 ans.
L'évaluation
de 2017 de l'actuel paquet Facilitateurs, a souligné les défis liés à
une définition large de ce qui constitue un délit de facilitation de
l'entrée, du transit et du séjour non autorisés.
Elle a notamment
souligné le fait qu’elle n’a pas réussi à clarifier la situation, ni à
susciter la sécurité juridique nécessaire quant à la distinction entre
la facilitation de la migration irrégulière et l’aide humanitaire, en
raison de la définition large de l’infraction et de l’absence
d’exemptions.
De quoi parle-t-on ?
Cette proposition de
directive fait partie d'un ensemble de mesures qui concrétisent l'appel
de la présidente von der Leyen et visent à moderniser et à renforcer le
cadre juridique existant et à doter l'Union de règles adaptées. Elle met
à jour et modernise les règles de droit pénal de l'UE existantes du «paquet Facilitateurs», composé de la directive du 28 novembre 2002 établissant
une définition commune de l'infraction de facilitation de l'entrée, du
transit et du séjour irréguliers, et de la décision-cadre adoptée le même jour
sur le renforcement du cadre pénal pour empêcher la facilitation de
l'entrée, du transit et du séjour irréguliers.
Cette proposition est
accompagnée d'une proposition de règlement qui renforce la coopération
policière ainsi que les pouvoirs d' Europol en codifiant la création du
Centre européen contre le trafic de migrants.
Ces deux initiatives
complètent les initiatives existantes dans le domaine de la lutte contre
le trafic de migrants, en mettant en œuvre le plan d'action renouvelé
de l'UE contre le trafic de migrants (2021-2025).
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Quel est le problème ?
Le
trafic de migrants vers l’UE atteint de nouveaux sommets, alimenté par
une demande croissante due à des crises émergentes et qui s’aggravent,
notamment les récessions économiques, les urgences environnementales
provoquées par le changement climatique, ainsi que les conflits et la
pression démographique dans de nombreux pays tiers.
Le trafic de
migrants est à l'origine de l'augmentation des arrivées irrégulières
vers l'UE : en 2022, environ 331 000 entrées irrégulières ont été
détectées aux frontières extérieures de l'UE, le niveau le plus élevé
depuis 2016, ce qui représente une augmentation de 66 % par rapport à
l'année précédente.
- A lire aussi sur securiteinterieure.fr : Pression migratoire aux frontières européennes: Frontex alerte sur un phénomène massif qui va durer
En 2023, jusqu'à fin septembre, environ 281 000
franchissements irréguliers des frontières extérieures de l'UE ont été
détectés, ce qui représente une augmentation de 18 % par rapport à la
même période en 2022. Cela coïncide avec une augmentation des activités
de contrebande, comme en témoigne un nouveau record avec plus de 15 000
passeurs de migrants signalés par les États membres à Frontex en 2022.
Compte tenu de l’augmentation des arrivées irrégulières en 2023 et des
diverses crises mondiales dans divers pays d’origine et de transit, on
peut s’attendre à des flux migratoires constamment élevés et
potentiellement accrus vers l’Europe et aux activités criminelles de
trafic illicite qui y sont liées.
La proposition de directive estime
que plus de 90 % des migrants irréguliers qui atteignent l'UE font appel
aux services de passeurs, pour la plupart organisés en groupes
criminels. En outre, les réseaux de passeurs tirent des bénéfices
substantiels de leurs activités criminelles, avec des estimations allant
de 4,7 à 6 milliards d'euros par an dans le monde .
Le cœur de la proposition : clarifier les infractions qui devraient être criminalisées
Cette proposition clarifie donc les infractions qui devraient être criminalisées. Il s'agit notamment de :
- la facilitation menée en vue d'un avantage financier ou matériel ou de la promesse d'un tel avantage;
- la facilitation qui est très susceptible de causer un préjudice grave à une personne même si elle est menée sans avantage financier ou matériel ;
- l'incitation publique de ressortissants de pays tiers, par exemple via Internet, à entrer, à transiter ou à séjourner de manière irrégulière dans l'Union européenne.
La proposition précise également que l'objectif de la directive n'est pas de criminaliser:
- les ressortissants de pays tiers pour le fait de faire l'objet d'un trafic illicite,
- l'assistance apportée à des membres de leur famille,
- l'assistance humanitaire.
En
outre, la définition affinée prévoit également que le délit de
facilitation peut avoir lieu sur le territoire de n'importe quel État
membre, facilitant ainsi la coopération judiciaire entre États membres.
Renforcer la répression par des sanctions plus harmonisées
Depuis
l’adoption du « paquet anti-passeurs» en 2002, les réseaux criminels
impliqués dans le trafic de migrants ont de plus en plus recours à la
violence envers les migrants et les forces de l’ordre, mettant ainsi des
vies en danger.
La proposition introduit la définition des infractions
pénales aggravées (par exemple, infraction commise dans le cadre d'un
groupe criminel organisé, causant un préjudice grave ou mettant en
danger la vie ou la santé, causant la mort) auxquelles correspondent des
sanctions pénales plus sévères.
Les niveaux minimum et maximum des
sanctions dans la directive proposée sont plus élevés que ceux prévus
par l'actuel paquet facilitateur (qui prévoyait un niveau maximum
d'emprisonnement d'au moins 8 ans) et ont été déterminés en tenant
compte du régime global des sanctions introduit par Instruments de droit
pénal de l’UE.
Le délit principal de facilitation serait puni d'une
peine d'emprisonnement maximale d'au moins 3 ans, tandis que les délits
aggravés (par exemple crime organisé, recours à une violence grave)
seraient punis d'au moins 10 ans et les délits les plus graves
(provoquant la mort) de 15 ans.
Renforcer les ressources des États membres
Afin
de garantir que les États membres luttent efficacement contre le trafic
de migrants, la directive proposée exige que les États membres veillent
à ce que, pour garantir une prévention, des enquêtes et des poursuites
efficaces contre les contrevenants, les autorités répressives et
judiciaires nationales :
disposent de ressources adéquates, soient suffisamment formées et spécialisées.
En
outre, les États membres devraient œuvrer à la prévention du trafic de
migrants, par le biais de campagnes d'information et de sensibilisation,
de programmes de recherche et d'éducation.
– Améliorer la portée juridictionnelle
Les
personnes qui organisent et mènent des activités de trafic de migrants
résident souvent en dehors de l’UE et se trouvent donc hors de portée de
la juridiction des États membres. La directive proposée étend la
compétence des États membres afin d'accroître les possibilités de
sanctionner des cibles dites « de grande valeur » qui organisent des
activités de contrebande.
La directive proposée étend également la
compétence aux infractions commises à bord de navires ou d'aéronefs
immatriculés dans un État membre ou battant son pavillon, ainsi qu'aux
infractions commises par des personnes morales exerçant des activités
commerciales mais pas nécessairement établies dans l'UE.
Favoriser la collecte de données pour meilleure compréhension de de l'ampleur du trafic
Le
manque de données solides, complètes et comparables sur les infractions
liées au trafic de migrants et les réponses de la justice pénale aux
niveaux national et européen a été identifié dans l'évaluation de 2017
comme un élément problématique car cela empêche les décideurs politiques
et les praticiens nationaux de surveiller et de mesurer l’efficacité de
leurs mesures.
Pour remédier à cette lacune et garantir un meilleur
suivi, la proposition impose aux États membres de collecter et de
communiquer des données statistiques sur une base annuelle.
Cela
contribuerait à une meilleure compréhension de la nature et de l'ampleur
du trafic de migrants, à la détection des cas et aux réponses des
systèmes de justice pénale des États membres, en soutenant l'élaboration
de politiques fondées sur des preuves.
synthèse et traduction par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
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