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mercredi 23 novembre 2022

Croatie, Bulgarie, Roumanie, l’espace Schengen va connaître un 8e élargissement... ou pas

 


Feu vert pour le Parlement européen qui, dans 2 résolutions, approuvées le 18 octobre et le 10 novembre, émet un avis favorable à l'admission de la Croatie, la Bulgarie, et Roumanie à l'espace Schengen.

Même son de cloche du côté de la Commission européenne qui, dans un récent rapport, plaide en faveur de l’entrée effective de ces 3 pays. Ce document estime qu'ils mettent en œuvre les mesures de sécurité prescrites par « l’acquis de Schengen », c’est-à-dire l’ensemble des règles juridiques relatives à l’espace Schengen. Il invite le Conseil de l’UE, instance décisionnaire, à prendre sans plus tarder les décisions nécessaires, en permettant à ces trois pays, qui ne font pas encore pleinement partie de l’espace sans contrôles aux frontières intérieures, d’y adhérer.

Côtés Etats membres représentés au sein du Conseil de l’UE, la situation est plus délicate.  Le mois dernier, le parlement néerlandais a exprimé, dans une résolution, son refus à l'intégration de la Roumanie et de la Bulgarie à l'espace Schengen. Selon certains échos, le parlement européen suédois devrait également s'y opposer.

Le ministre autrichien a lui aussi exprimé de sérieuses réserves, s'inquiétant des flux migratoires passant par la route migratoire des Balkans.

Preuve s’il en est, à l’heure où les flux s’intensifient, particulièrement sur cette route et où, en France, le débat politique s’enflamme autour des migrants débarqués de l'Ocean Viking le 11 novembre, que la gestion de ces flux migratoires au sein de l’espace Schengen est particulièrement sensible.

A ce propos, plusieurs autres pays, dont la République tchèque, le Danemark,  l'Allemagne, la Norvège, la Suède et la France ont actuellement réintroduit des contrôles aux frontières notamment en raison des risques migratoires.

Aussi, le vote au Conseil "Justice et Affaires intérieures" du 8 décembre devrait être pour ces trois pays, tout sauf une sinécure.

Securiteinterieure.fr fait le résumé du rapport de la Commission favorable à l'adhésion de la Croatie, la Bulgarie, et Roumanie à l'espace Schengen.


Une obligation d’adhérer à l’espace de libre circulation

L’espace Schengen a commencé en 1985 en tant que projet intergouvernemental entre cinq États membres – la France, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg – s’est progressivement développé au cours de 7 phases d’élargissement pour devenir aujourd’hui le plus grand espace de libre circulation au monde. 

À ce jour, l’espace Schengen comprend 26 pays, s’étend sur plus de 4 millions de kilomètres carrés et compte près de 420 millions d’habitants. 22 États membres de l’UE participent à l’espace Schengen. 

L’Irlande participe à certaines parties importantes de l’architecture de Schengen, à l’exception de l’acquis relatif aux frontières extérieures et de la suppression des contrôles aux frontières intérieures. Quatre États non membres de l’UE, à savoir l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse, ont chacun signé des accords avec l’Union sur l’association à l’application de l’acquis de Schengen et font donc également partie de l’espace Schengen.


Le cas de la Bulgarie, la Croatie, Chypre et la Roumanie

Tous les autres États membres, sauf un, sont tenus d’adhérer à l’espace Schengen une fois qu’ils remplissent les conditions et devraient donc être alors autorisés à le faire. Quatre de ces cinq États membres, à savoir la Bulgarie, la Croatie, Chypre et la Roumanie, sont déjà partiellement liés par l’acquis de Schengen, mais les contrôles aux frontières intérieures avec ces États membres n’ont pas encore été levés. Lorsque la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie appliqueront intégralement l’acquis de Schengen, l’espace Schengen passera à 4,5 millions de kilomètres carrés, avec une population de 450 millions d’habitants.


Où va-t-on ?

Lorsque la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie appliqueront intégralement l’acquis de Schengen, l’espace Schengen passera à 4,5 millions de kilomètres carrés, avec une population de 450 millions d’habitants. 

Le nouveau mécanisme renforcé d’évaluation et de contrôle de Schengen, auquel la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie seront immédiatement soumises après que les décisions relatives à l’application intégrale de l’acquis de Schengen auront été prises, permettra de déterminer en temps utile tout manquement éventuel et toute mesure corrective éventuelle.


Une obligation d’appliquer « l’ acquis de Schengen »

L’acquis de Schengen fait partie intégrante du cadre juridique de l’UE et comporte des obligations et des responsabilités importantes que chaque nouvel État membre doit accepter intégralement en tant que candidat à l’adhésion. En particulier, les nouveaux États membres doivent se préparer et être aptes à gérer efficacement les frontières extérieures au nom de tous les autres États de l’espace Schengen, ainsi qu’à délivrer des visas Schengen uniformes. Ils doivent être en mesure de coopérer efficacement avec les services répressifs d’autres États et être à même de se connecter aux systèmes d’information pertinents, tels que le système d’information Schengen, et de les utiliser, afin de maintenir un niveau élevé de sécurité après la suppression des contrôles aux frontières intérieures. Enfin, ils doivent veiller à ce que les droits fondamentaux et les exigences en matière de protection des données soient respectés dans le cadre de ces activités.


Le décalage actuelle : les obligations de sécurité sans les avantages de la liberté

Alors que ces États membres appliquent activement la majeure partie de l’acquis de Schengen, ils ne bénéficient pas de tous les avantages découlant de la participation à l’espace Schengen sans contrôles aux frontières intérieures.

La récente mission d’information volontaire effectuée en Bulgarie et en Roumanie, ainsi que la dernière nouvelle inspection menée en Croatie, en particulier ses résultats en matière de contrôle des droits fondamentaux aux frontières extérieures, confirment de que ces pays continuent à respecter effectivement les rigoureuses normes de Schengen et ont montré que leur mise en œuvre de ces normes est exemplaire. 

Or, au-delà du respect de ces exigences, l’application intégrale de l’acquis de Schengen dépend de l’approbation unanime de tous les autres États membres qui appliquent l’acquis de Schengen dans son intégralité


Des progrès substantiels accomplis par la Bulgarie, la Croatie, Chypre et la Roumanie en matière de sécurité

Compte tenu de leur situation géographique stratégique, la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie jouent un rôle essentiel pour assurer la sécurité de notre frontière extérieure commune et contribuent efficacement à un niveau élevé de sécurité et de prospérité, comme l’ont montré les crises récentes. Tous les outils, structures et procédures nécessaires sont en place pour gérer efficacement le franchissement des frontières extérieures, ainsi que les menaces éventuelles qui pèsent sur la sécurité à ces frontières, contribuant ainsi à la lutte contre les formes graves de criminalité revêtant une dimension transfrontière. Ces pays ont également fait preuve d’un degré élevé d’engagement pour assurer une réaction efficace à la pression migratoire et aux défis qui y sont liés, en développant une coopération étroite avec leurs voisins proches. En outre, conformément au nouveau règlement relatif à l’évaluation de Schengen, les États membres pour lesquels a été adoptée une décision du Conseil prévoyant que les dispositions de l’acquis de Schengen doivent s’appliquer intégralement sont évalués au plus tard un an à compter de la date d’application intégrale de l’acquis de Schengen dans ces États membres. Cette disposition s’applique à la Bulgarie, à la Roumanie et à la Croatie à la suite de l’adoption des décisions respectives.


Le cas spécifique de Chypre

En outre, le processus d’évaluation de Schengen visant à évaluer l’état de préparation à l’adhésion à l’espace Schengen est en cours pour Chypre.

Conformément aux dispositions de l’acte d’adhésion de 2003, certaines dispositions de l’acquis de Schengen sont déjà applicables à Chypre depuis la date d’adhésion. Le 28 mai 2019, Chypre a fait part de sa volonté et de son engagement d’appliquer toutes les parties de l’acquis de Schengen et de faire l’objet d’évaluations de Schengen, dans la mesure du possible compte tenu de la situation particulière de Chypre, telle qu’elle est reconnue dans un protocole de cet acte d’adhésion de 2003. Le système d’information Schengen sera bientôt mis en service à Chypre et ce processus sera vérifié dans le cadre d’une évaluation de Schengen spécifique en 2023.


Que pense(nt) la Commission européene (et le Parlement européen) ?

Depuis 2011, la Commission a toujours estimé que la Bulgarie et la Roumanie étaient prêtes à faire partie de l’espace Schengen sans contrôles aux frontières intérieures. Il en va de même pour la Croatie depuis 2019. La Commission a demandé instamment au Conseil de prendre les décisions permettant à la Bulgarie, à la Roumanie et à la Croatie d’adhérer à la zone sans contrôles aux frontières intérieures. Le même engagement a été pris à plusieurs reprises par le Parlement européen dans une la résolution 2018/2092(INI) du 11 décembre 2018, dans la résolution 2022/2852(RSP) du 18 octobre 2022 du Parlement européen ainsi que le vote du Parlement européen du 10 novembre 2022 en faveur de l’adhésion de la Croatie à l’espace Schengen.

D’après le rapport, des progrès significatifs ont été accomplis et des mesures politiques importantes ont récemment été prises en faveur de l’application intégrale de l’acquis de Schengen en Bulgarie, en Roumanie et en Croatie. Le Parlement européen s’est fermement prononcé en ce sens et il s’agit d’une priorité essentielle pour la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne.

Toujours selon le rapport, l’adhésion de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie à l’espace Schengen répond à la fois à une promesse européenne et à une attente légitime d’adhésion dès lors que toutes les conditions convenues sont vérifiées et remplies. Selon le sondage Eurobaromètre hiver 2021/2022, L’espace Schengen bénéficie d’un soutien massif de la population européenne et il convient d’éviter de retarder encore l’exercice de leurs droits par les citoyens bulgares, roumains et croates. Le Parlement européen, la présidence du Conseil et la Commission européenne se sont montrés résolument attachés à cette nouvelle vague d’adhésions à un espace Schengen sans contrôles aux frontières intérieures et ont apporté un soutien politique et technique total et continu à ce processus.


Le cas de la Bulgarie et de la Roumanie 

Conformément aux dispositions l’acte d’adhésion de 2005, la Bulgarie et la Roumanie ont mené à bien leurs processus d’évaluation de Schengen respectifs en 2011. Le processus a commencé en 2009 et toutes les parties pertinentes de l’acquis ont fait l’objet d’une évaluation approfondie conformément aux procédures applicables. Le Conseil a pris acte de l’achèvement du processus d’évaluation le 9 juin 2011. Le projet de décision du Conseil relative à l’application de la totalité des dispositions de l’acquis de Schengen dans la République de Bulgarie et la Roumanie a fait l’objet d’un avis favorable du Parlement européen le 8 juin 2011. Malgré les résultats positifs et l’achèvement du processus d’évaluation de Schengen, aucune décision n’a été prise par le Conseil depuis plus de onze ans en ce qui concerne l’application intégrale de l’acquis de Schengen en Bulgarie et en Roumanie et la levée des contrôles à leurs frontières intérieures.

Étant donné que les processus d’évaluation pour la Bulgarie et la Roumanie se sont achevés en 2011 et que le règlement relatif au mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen ne permet pas de lancer de nouveau une évaluation formelle de la Bulgarie et de la Roumanie, ces deux pays ont publié, le 2 mars 2022, en vue de renforcer la confiance mutuelle et en considération du développement de l’acquis de Schengen dans l’intervalle, une déclaration commune invitant, sur une base volontaire, une équipe d’experts placée sous la coordination de la Commission à «veiller à l’application, notamment, des derniers développements de l’acquis de Schengen depuis l’évaluation, en mettant l’accent sur la gestion des frontières extérieures et la coopération policière».

L’équipe d’experts sur place a présenté le rapport de la mission au groupe «Affaires Schengen» du Conseil le 26 octobre 2022 et a conclu qu’elle n’avait relevé aucun problème concernant l’application par la Bulgarie et la Roumanie des derniers développements de l’acquis de Schengen et que les deux États membres continuaient de remplir les conditions nécessaires pour appliquer intégralement toutes les parties pertinentes de l’acquis de Schengen. 

Le cas de la Croatie

À la suite de la déclaration de la Croatie indiquant qu’elle était prête à entamer le processus d’évaluation de Schengen en vue d’une décision du Conseil relative à l’application intégrale de l’acquis de Schengen, le processus d’évaluation a eu lieu au cours de la période 2016-2020. 

Le Conseil «Justice et affaires intérieures» de décembre 2021 a confirmé la conclusion de la Commission, énoncée dans la communication du 22 octobre 2019, selon laquelle la Croatie remplissait les conditions nécessaires à l’application de toutes les parties de l’acquis de Schengen . En outre, le Conseil a invité la Croatie à continuer à œuvrer avec constance à la mise en œuvre de l’acquis de Schengen, ainsi que des engagements qui y sont liés. Le 29 juin 2022, le Conseil a consulté le Parlement européen sur le projet de décision relative à l’application intégrale de l’acquis de Schengen en République de Croatie. Le projet de décision du Conseil a fait l’objet d’un avis favorable du Parlement européen le 10 novembre 2022. 

synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr 



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