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jeudi 25 juin 2020

Criminalité économique et financière : les ministres de l’Intérieur veulent des partenariats public-privé à l’échelle européenne



Le premier semestre 2020 ne se limite pas uniquement à la question de la gestion de la crise sécuritaire générée par l’épidémie du Covid-19. Il a trait aussi à une intensification de la lutte contre la criminalité financière. Europol, qui avait, au demeurant, fait le lien entre crise sanitaire et impact criminel, a annoncé la création de son Centre européen sur la criminalité financière et économique. Les 27 ministres du Conseil du mois de juin viennent d'enfoncer le clou en énonçant dans des conclusions un ensemble de lignes directrices face à ce type de criminalité.
A retenir notamment :
  • une révision du cadre juridique anti-blanchiment,
  • la création d’un modèle de « cellule de renseignement financier » (en France, Tracfin) dont peuvent s’inspirer les États membres,
  • la mise en place de partenariats public-privé,
  • la concrétisation de l’interconnexion des registres nationaux de comptes bancaires. 


De quoi parle-t-on ?

Selon une estimation prudente, le produit de la criminalité organisée au sein de l'Union européenne (UE) a atteint 110 milliards d'euros par an. En dépit de tous les efforts déployés, le taux de confiscation d'avoirs d'origine criminelle dans l'UE pourrait être d'à peine 1,1 %.


Les enquêtes financières sont de la plus haute importance pour l'Union européenne en vue de prévenir la criminalité organisée et le terrorisme et de lutter contre ces phénomènes.

Pour le Conseil des ministres, l'approche "Follow the money" ("Suivez l'argent") est centrale pour :
  • s'attaquer aux aspects financiers de la criminalité organisée ,
  • identifier de nouvelles pistes dans le cadre des enquêtes sur la criminalité organisée.


Il note qu'une telle approche appelle des mesures coordonnées dans un large éventail de domaines étroitement liés.
C’est le cas concernant :
  • le recouvrement des avoirs,
  • l'utilisation d'actifs virtuels (ou crypto-actifs) et de monnaie fiduciaire,
  • la coopération et la coordination entre les différentes cellules de renseignement financier (CRF),
  • leur coopération avec les autorités répressives, fiscales et douanières au niveau national,
  • le rôle d'Europol et sa coopération avec le secteur privé.

Parallèlement, le Conseil des ministres constate que la coopération et le flux d'informations pourraient encore être améliorés aux niveaux national et européen, notamment:
  • entre les différentes autorités répressives,
  • entre les autorités fiscales et répressives,
  • entre les établissements financiers et les autorités répressives.


Il prend acte à ce sujet de la diversité des principales parties prenantes participant à la lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Il souligne en parallèle qu'il est nécessaire que tous les acteurs (autorités répressives, douanières et fiscales, bureaux de recouvrement des avoirs et cellules de renseignement financier) :
  • aient effectivement accès aux informations financière,
  • renforcent leur coopération dans les enquêtes nationales et transfrontières.

D’où vient-on ?


L'examen à mi-parcours de la stratégie de sécurité intérieure renouvelée pour l'Union européenne mentionne la nécessité de :
  • continuer d'améliorer la lutte contre la criminalité financière et le blanchiment d'argent,
  • de faciliter le recouvrement d'avoirs,
  • conformément à la directive anti-blanchiment, les États membres doivent mettre en place d’ici le 10 septembre 2020, des registres nationaux centralisés des comptes bancaires. Ces registres prévoient un accès direct des cellules de renseignement financier (CRF) à ces registres.

La directive sur l'utilisation d'informations financières fait obligation aux États membres de fournir un accès direct à ces registres centralisés aux bureaux de recouvrement des avoirs.

Un rapport de la Commission sur l'interconnexion des registres nationaux des comptes bancaires a permis de conclure que :
  • l'interconnexion des registres des comptes bancaires est techniquement possible,
  • constituerait un outil précieux pour la coopération transfrontière entre autorités compétentes, en particulier entre les CRF, les autorités répressives et les bureaux de recouvrement des avoirs.


Des travaux d'analyse ont été menés par la Commission et Europol qui font apparaître que les paiements en espèces sont utilisés par des criminels pour le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.


Première priorité : mettre encore plus l’accent sur les enquêtes financières

Le Conseil des ministres invite le Collège européen de Police (CEPOL) à continuer à élaborer et à mettre en œuvre un programme de formation complet pour les enquêteurs financiers.
Cette tâche doit être menée en étroite coopération avec Europol.


Le Conseil des ministres invite la Commission  à envisager de compléter ce cadre par un accès plus harmonisé, plus immédiat et plus direct des bureaux de recouvrement des avoirs aux différents registres publics.
C’est le cas que des registres fonciers centraux, les registres centraux des entreprises, les registres centraux des véhicules ou les registres maritimes centraux.

Le Conseil invite les Etats membres:
  • à veiller à ce que les enquêtes financières fassent partie des enquêtes pénales de tout type portant sur la criminalité organisée,
  • à promouvoir davantage les équipes communes d'enquête (ECE);
  • à soutenir leurs acteurs traitant des priorités du projet EMPACT et du plan d'action opérationnel ayant pour thème "Fonds d'origine criminelle, blanchiment de capitaux et recouvrement des avoirs", afin notamment:
    • d'échanger les bonnes pratiques et les expériences,
    • de partager les informations financières collectées,
    • de renforcer la coopération entre les autorités répressives, les autorités douanières, les autorités fiscales, les bureaux de recouvrement des avoirs et les cellules de renseignement financier,
    • de renforcer la coopération avec les pays tiers dans le cadre des enquêtes financières.

Deuxième priorité : renforcer le cadre législatif

Le Conseil des ministres s’inquiète également du fait que les actifs virtuels jouent un rôle croissant dans le blanchiment de capitaux. Il insiste par conséquent sur la nécessité de mettre en œuvre de manière effective la cinquième directive anti-blanchiment, qui traite des monnaies virtuelles.

Le Conseil invite la Commission:
  • à examiner la nécessité d'améliorer encore le cadre juridique applicable aux actifs virtuels mis en place par la cinquième directive anti-blanchiment, en couvrant par exemple également les monnaies virtuelles non échangeables contre de la monnaie fiduciaire,
  • à reprendre avec les États membres le débat sur la nécessité d'une limitation législative des paiements en espèces au niveau de l'UE.


Le Conseil des ministres invite aussi la Commission:
  • à envisager de renforcer le cadre juridique relatif à la gestion des biens gelés en vue d'une éventuelle confiscation ultérieure. Il s’agit de :
    • inclure le principe de la planification avant saisie,
    • accorder aux bureaux de recouvrement des avoirs des pouvoirs supplémentaires, par exemple,
  • des pouvoirs conservatoires de gel temporaire d'urgence afin d'écarter le risque de disparition des avoirs.



Troisième priorité : favoriser une meilleure collaboration entre cellule de renseignement financier (CRF)

Le Conseil des ministres souligne l'importance que revêt l'échange d'informations financières entre les
cellules de renseignement financier et les autorités répressives sera renforcé par la directive sur
l'utilisation d'informations financières.

Il constate parallèlement que la coopération et le flux d'informations pourraient encore être améliorés aux niveaux national et européen:
  • entre CRF d'États membres différents,
  • entre les CRF et les entités du secteur privé tenues de signaler les transactions suspectes aux
  • CRF,
  • entre les CRF et les autorités répressives, fiscales et douanières au niveau national.

Il note que certaines compétences des cellules de renseignement financier ne sont pas harmonisées dans l'ensemble de l'Union européenne, ce qui pourrait affecter la capacité des CRF à accéder aux informations (financières, administratives et répressives),  en particulier celles détenues par des entités assujetties.


Dès lors, le Conseil des ministres invite :
  • les Etats membres à renforcer l'échange d'informations financières entre les CRF, les bureaux de recouvrement des avoirs, ainsi que les autorités douanières, fiscales et répressives;
  • la Commission à :
    • concevoir un modèle de CRF convenant au mieux au système juridique et administratif nationaux,
    • poursuivre une réflexion sur un mécanisme de coordination visant à faciliter le travail transfrontière des CRF.

Quatrième priorité : mieux impliquer le secteur privé

Le Conseil des ministres est conscient de l'importance que revêtent la transmission par les entités du secteur privé,
d'informations qualitatives dans les déclarations de transactions suspectes aux CRF.
En conséquence, il :
  • souligne l'importance que revêt la mise en place de partenariats public-privé pour améliorer la qualité et la précision des transactions suspectes, tout en promouvant une approche fondée sur les risques plutôt qu'une déclaration fondée sur la conformité,
  • invite la Commission à évaluer la nécessité d'un cadre juridique renforcé pour la mise en place de tels partenariats public-privé.
 

Cinquième priorité : interconnecter les registres centraux et les différents mécanismes centralisés nationaux

Le Conseil des ministres invite les Etats membres à participer à un débat constructif avec la Commission en ce qui concerne une future interconnexion des registres nationaux de comptes bancaires. Le but est :
  • d'accélérer sensiblement l'accès aux informations financières,
  • de faciliter la coopération transfrontière entre les autorités compétentes et leurs pendants européens.


En parallèle, le Conseil des ministres invite la Commission  à envisager de renforcer encore le cadre juridique afin d'interconnecter les mécanismes centralisés nationaux (registres centraux ou systèmes électroniques centraux de recherche de données) des États membres en ce qui concerne les comptes bancaires, ce qui permettrait d'accélérer l'accès aux informations financières.


Sixième priorité : assurer une gestion à long terme du système FIU.net

La décision du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a interdit le traitement des données à caractère personnel menées par Europol en raison des préoccupations concernant les personnes qui ne sont pas considérées comme des suspects. 
Cette interdiction est aux fins de l'administration technique du FIU.net.
Toutefois, le CEPD a suspendu cette interdiction pour une période d'un an afin d'assurer une transition harmonieuse de l'administration technique du FIU.net vers une autre entité qu’Europol.


En conséquence, le Conseil des ministres invite la Commission :
  • à trouver, dès que possible, un arrangement temporaire pour l'administration technique du
  • FIU.net,
  • à présenter une proposition de solution à long terme pour le FIU.net.

Septième priorité : permettre à Europol de jouer pleinement son rôle

Le Conseil des ministres invite Europol :
  • à exploiter toutes les possibilités offertes par le nouveau Centre européen sur la criminalité financier et économique,
  • à entamer les travaux préparatoires en vue de la conclusion d'un arrangement de travail portant sur la coopération avec le Parquet européen.



synthèse du rapport par securiteinterieure.fr 



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