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jeudi 29 février 2024

Retrait des contenus terroristes : la coopération marche, mais…

 


« La coordination fonctionne bien entre les autorités des États membres et Europol ». Voici ce que déclare un rapport sur l'application du règlement du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste (règlement « TCO »). Il indique qu'il avait eu une incidence positive sur la limitation de la diffusion de ces contenus. Plus exactement, les Etats ont nommé leurs autorités chargées de demander le retrait. Quant aux fournisseurs de services d’hébergement, ils semblent jouer le jeu en retirant les contenus signalés. Pour ce qui est de la solution technique d’Europol, elle fonctionne efficacement et elle poursuit sa montée en puissance.
Toutefois le rapport souligne une zone d’ombre, à savoir le retrait par les petits fournisseurs de services d’hébergement. Ici, le chantier n’en est qu’à ses débuts.


Pourquoi le retrait des contenus trroristes est important ?

Selon Europol, dans ses rapports sur la situation et les tendances du terrorisme (TE-SAT)  publiés ces dernières années, les terroristes utilisent largement l’internet pour diffuser leurs messages visant à intimider, à radicaliser, à recruter et à faciliter les attaques terroristes.

Le rapport précise que si les mesures volontaires et les recommandations non contraignantes ont permis de réduire la disponibilité des contenus à caractère terroriste en ligne, certains éléments, notamment le petit nombre de fournisseurs de services d’hébergement adoptant des mécanismes volontaires ainsi que la fragmentation des règles de procédure entre les États membres, ont limité l’efficacité et l’efficience de la coopération entre les États membres et les fournisseurs de services d’hébergement et ont rendu nécessaire la mise en place de mesures réglementaires.

Le rapport souligne aussi que l’enjeu est capital dans le contexte de conflit et d’instabilité actuel, qui a une incidence sur la sécurité de l’Europe.
La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine et l’attaque terroriste commise par le Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 ont provoqué une augmentation de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne.

Que prévoit le règlement ?

Le règlement TCO fournit aux États membres un cadre juridique au niveau européen pour protéger les citoyens contre l’exposition à du matériel terroriste en ligne.
Le règlement vise à assurer le bon fonctionnement du marché unique numérique en luttant contre l’utilisation abusive des services d’hébergement pour diffuser au public des contenus à caractère terroriste en ligne.  Il a pour objectif d’empêcher les terroristes d’utiliser l’internet pour diffuser leurs messages visant à intimider, à radicaliser, à recruter et à faciliter les attaques terroristes.


Quelle est la panopolie juridque de l’UE ?

Le cadre réglementaire visant à lutter contre les contenus illicites en ligne a été renforcé par l’entrée en vigueur du règlement sur les services numériques, le 16 novembre 2022.
En outre, l’entrée en vigueur du règlement sur les services numériques, le 16 novembre 2022, étend le paysage réglementaire au moyen d’une législation horizontale dont le large champ d’application vise à instaurer un espace numérique plus sûr pour les consommateurs, à prévoir des mesures efficaces de lutte contre les contenus illicites et à établir des conditions de service plus transparentes.
Le règlement sur les services numériques confère à la Commission de vastes pouvoirs de surveillance, d’enquête et d’exécution pour prendre des mesures destinées aux très grandes plateformes en ligne et aux très grands moteurs de recherche.
Ces mesures comprennent des demandes d’informations et des enquêtes sur les mesures de modération des contenus adoptées par les entreprises, ainsi que la possibilité d’infliger des amendes.

Quels sont les premiers resultats en termes de retrait ?

Au 31 décembre 2023, le rapport indique que la Commission avait reçu des informations sur au moins 349 injonctions de retrait de contenus à caractère terroriste émises par les autorités compétentes de six États membres (l’Espagne, la Roumanie, la France, l’Allemagne, la Tchéquie et l’Autriche), qui, dans la plupart des cas, ont conduit les fournisseurs de services d’hébergement à prendre rapidement des mesures de suivi pour supprimer les contenus à caractère terroriste ou en bloquer l’accès.
Cela prouve que les outils prévus par le règlement commencent à être utilisés et permettent de garantir le retrait rapide des contenus à caractère terroriste par les fournisseurs de services d’hébergement,. Selon les informations reçues par la Commission, ces injonctions de retrait n’ont pas été contestées.

Au total, au 31 décembre 2023, la Commission avait été informée de l’envoi d’au moins 349 injonctions de retrait à Telegram, Meta, Justpaste.it, TikTok, DATA ROOM S.R.L., FLOKINET S.R.L., Archive.org, Soundcloud, X, Jumpshare.com, Krakenfiles.com, Top4Top.net et Catbox, par les autorités compétentes espagnoles, roumaines, françaises, allemandes, autrichiennes et tchèques.

Et la France dans tout ça ?

Au 31 décembre 2023, 23 États membres avaient désigné une ou plusieurs autorités habilitées à émettre des injonctions de retrait (la liste est disponible sur le site web de la Commission et régulièrement mise à jour) .
L’autorité française (Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, «OCLCTIC») a envoyé vint-six injonction de retrait.
Le 13 juillet 2023, l’OCLCTIC a émis sa première injonction de retrait à l’encontre d’une plateforme de partage (Justpaste.it), qui a supprimé les contenus à caractère terroriste dans l’heure qui suivait.
Le contenu ciblé était de la propagande d’Al-Qaida et, plus particulièrement, de l’organe médiatique Rikan Ka Mimber, appartenant à sa branche indienne «Al-Qaida en guerre sainte dans le sous-continent indien». Le retrait complet du contenu a été confirmé sur la plateforme PERCI d’Europol.


Qu’est-ce la plateforme «PERCI», cheville ouvrière du dispositif ?

L’outil «PERCI» (Plateforme Européenne de Retraits des Contenus illégaux sur l’internet) d’Europol est destiné àcentraliser et coordonner la transmission des injonctions de retrait et des signalements par les États membres aux fournisseurs de services d’hébergement. La plateforme est opérationnelle depuis le 3 juillet 2023.
Plus concrètement, PERCI:

  • est une solution en nuage conçue pour garantir la sécurité et la protection des données dans le nuage;
  • est une plateforme unique de communication et de coordination collaboratives et en temps réel, qui permet de supprimer rapidement des contenus à caractère terroriste;
  • facilite le processus d’examen approfondi des injonctions de retrait transfrontières;
  • renforce la prévention des conflits, élément important pour éviter que l’autorité compétente d’un État membre envoie une injonction de retrait ciblant des contenus faisant l’objet d’une enquête en cours dans un autre État membre;
  • permet aux fournisseurs de services d’hébergement de recevoir des injonctions de retrait d’une manière unifiée et normalisée à partir d’un canal unique.

Par ailleurs, PERCI permet également la transmission des signalements.
Cet outil a été utilisé avec succès par certains États membres pour transmettre à la fois les injonctions de retrait et les signalements . Les autorités compétentes espagnoles, allemandes, autrichiennes, françaises et tchèques ont également utilisé cet outil pour transmettre des injonctions de retrait.
Au total, au moins 14 615 signalements ont été traités au moyen de PERCI entre son lancement le 3 juillet et le 31 décembre 2023.


Comment ont réagi les herbergeurs ?


Sur la base des informations reçues de la part des États membres et d’Europol et mises à disposition par les fournisseurs de services d’hébergement, le rapport indique que l’application du règlement avait eu une incidence positive sur la limitation de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne.
Bien que le règlement ne prévoie aucune mesure particulière en matière de signalement, la Commission européenne a reçu des informations selon lesquelles la réactivité des fournisseurs de services d’hébergement s’est accrue face aux signalements depuis l’entrée en application du règlement.

Selon les rapports de transparence transmis par les fournisseurs de services d’hébergement, des mesures ont été prises par ces derniers pour lutter contre l’utilisation abusive de leurs services aux fins de la diffusion de contenus à caractère terroriste, notamment l’adoption de conditions spécifiques et l’application d’autres dispositions et mesures visant à limiter la diffusion de contenus à caractère terroriste.


Une solution trouvée pour les services d’hébergement établis dans des pays hors UE ?

Le rapport précise que les États membres ont fait état de difficultés liées à la transmission des injonctions de retrait aux fournisseurs de services d’hébergement établis dans des pays tiers qui n’ont pas encore rempli leur obligation de désigner une représentation légale dans l’UE.
Dans ce contexte, la Commission a aidé les États membres à veiller à ce que les fournisseurs de services d’hébergement respectent leur obligation de désigner un représentant légal dans l’UE et d’établir un point de contact, tel qu’une adresse électronique, afin de garantir une action immédiate. 
En outre la Commission a rappelé aux fournisseurs de services d’hébergement leurs obligations au sein de différentes enceintes, notamment au sein du forum de l’UE sur l’internet.


Une solution à trouver pour les petits fournisseurs ?

Le rapport note que les petits fournisseurs de services d’hébergement sont de plus en plus ciblés par des acteurs malveillants qui cherchent à exploiter leurs services.
On pourrait aussi en déduire que les grands fournisseurs de services d’hébergement déploient des efforts efficaces en matière de modération des contenus.
Si cette tendance illustre la réussite des mesures de modération des contenus, elle souligne également la nécessité d’aider les petits fournisseurs de services d’hébergement à renforcer leurs capacités et leurs connaissances afin qu’ils puissent se conformer aux exigences du règlement.

Un appel à propositions a été dans le cadre du Fonds pour la sécurité intérieure. Elle a ensuite sélectionné trois projets (FRISCO, ALLIES et TATE :

  • Cadre fondé sur l’IA pour aider les micro (et petits) fournisseurs de services d’hébergement à signaler et à retirer les contenus à caractère terroriste en ligne (ALLIES);
  • Lutte contre les contenus à caractère terroriste en ligne (FRISCO),
  • Technologie contre le terrorisme en Europe (TATE).



Un exemple concret de piste visant à cerner le problème?

Les travaux relatifs à ces trois projets ont débuté en 2023 et ont déjà apporté des résultats « intéressants » selon le rapport.
Par exemple, il ressort du rapport de cartographie du projet FRISCO que les micro et petits fournisseurs de services d’hébergement ont généralement une connaissance très limitée du règlement.

Leurs difficultés potentielles pour répondre aux injonctions de retrait dans un délai d’une heure sont également évoquées, étant donné qu’ils ne disposent souvent pas de services 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Le manque de ressources est un obstacle, de même que l’établissement de lignes de communication avec les services répressifs. Plus de la moitié des fournisseurs de services d’hébergement interrogés par les contractants ne modèrent pas les contenus générés par les utilisateurs et ont déclaré n’avoir jamais été confrontés à des contenus à caractère terroriste sur leurs plateformes.
Ces fournisseurs de services d’hébergement sont susceptibles de prendre des mesures ad hoc si de tels contenus apparaissent sur leurs plateformes.

 

Synthèse du rapport par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


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