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mercredi 30 octobre 2013

Lutte contre la criminalité organisée : pour un tableau de bord de suivi de la mise en oeuvre du droit européen au sein de la législation nationale


Le Parlement européen vient d’adopter une résolution suggérant un ensemble de mesures destinées à mieux lutter contre la criminalité organisée. Cette résolution, particulièrement longue et dense, fait suite aux travaux de la commission spéciale sur la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment de capitaux (CRIM). Pour rappel, cette commission a été intitulée sur la base d’une décision du Parlement européen du 14 mars 2012.

Les députés européens soulignent que le principal obstacle à une lutte efficace contre la criminalité organisée à l'échelle européenne est le manque de volonté politique de la part des États membres.
Ils invitent par conséquent les États membres à utiliser les instruments fournis par l'Union et ses agences.
Ils observent que le manque de synergies entre les autorités répressives et les organes législatifs, les retards dans la réaction du système judiciaire et les lacunes dans la législation sont autant d'éléments qui permettent aux criminels d'exploiter les faiblesses des systèmes et de s'enrichir grâce à la demande de produits illicites.

L’ampleur du phénomène

D'après le rapport, la criminalité organisée représente une importante menace pour la sécurité intérieure de l'Union, eu égard au nombre de victimes.

De  nombreuses organisations criminelles présentent une structure en réseau caractérisée par un degré élevé de souplesse, de mobilité, d'aptitude à utiliser les moyens de communication électronique et d'échanges entre groupes ethniques, ainsi que par une forte capacité d'infiltration et de mimétisme.
Les organisations criminelles mettent souvent à profit une zone grise de collusion avec d'autres acteurs et peuvent s'associer, pour exercer certaines activités, avec des délinquants en col blanc.

Les organisations criminelles ont progressivement élargi leur champ d'action à l'échelle internationale en exploitant les possibilités qu'offrent l'ouverture des frontières intérieures de l'Union européenne ainsi que la mondialisation économique et les nouvelles technologies. Elles s'allient à des organisations criminelles originaires d'autres pays (à l'instar des cartels de la drogue sud-américains et de la criminalité organisée russophone) pour se partager les marchés et les zones d'influence.
Un nombre sans cesse croissant de groupes criminels diversifient leurs activités en renforçant les liens entre le trafic de drogues, la traite des êtres humains, l'aide à l'immigration clandestine, le trafic d'armes et le blanchiment de capitaux.

De plus, les revenus et la capacité d'infiltration des organisations criminelles ont sensiblement augmenté. La criminalité organisée s'apparente de plus en plus à un acteur de l'économie mondiale, dans la mesure où elle a une vocation entrepreneuriale marquée et qu'elle est spécialisée dans l'approvisionnement simultané de plusieurs types de biens et de services illicites, mais aussi, et de plus en plus, de biens et de services licites. Elle a un coût pour les entreprises de plus de 670 milliards d'euros chaque année.

La crise économique de ces dernières années a produit de notables évolutions dans les secteurs qui intéressent la criminalité organisée, laquelle a rapidement perçu les nouvelles possibilités qu'elles offrent.

Par ailleurs, les  voies de circulation européennes, notamment celles qui traversent les Balkans occidentaux, demeurent au centre de la traite des êtres humains, du trafic d'armes et de drogues (et de leurs précurseurs), ainsi que des activités de blanchiment de bon nombre d'organisations criminelles opérant en Europe.

La traite d'êtres humains, le trafic d'organes humains, la prostitution forcée ou la réduction en esclavage, de même que la création de camps de travail, sont souvent dirigés par les organisations criminelles transnationales.

Les organisations criminelles et les groupes terroristes entretiennent des liens de plus en plus étroits; considérant qu'il s'agit notamment, outre les rapports structurels proprement dits, de la fourniture réciproque de services, de fonds et d'autres formes d'aide matérielle.

Comme Europol l'a confirmé en 2013, un des dangers les plus importants dans le cadre de la lutte contre les mafias réside dans la sous-évaluation potentielle du phénomène et de sa complexité, en renonçant parfois au "contrôle militaire" du territoire et en choisissant, en revanche, une stratégie de "submersion" visant à réaliser d'énormes profits tout en restant invisibles.

En outre, le Parlement européen  se dit préoccupé du fait que toute une série de délits "émergents", comme le trafic illicite de déchets, le trafic illicite d'œuvres d'art et d'espèces protégées et la contrefaçon de marchandises, par exemple, constituent des activités très lucratives pour les organisations criminelles.

Pour une action de l’Union et des Etats membres plus performante

Le Parlement européen :
  • demande instamment que sa résolution soit mise en œuvre au moyen d'un plan d'action européen pour la période 2014–2019 visant à éradiquer la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment de capitaux, qui établisse une feuille de route ;
  • invite la Commission de publier un tableau de bord montrant la mise en œuvre, dans la législation de chaque État membre, de la législation européenne en matière de lutte contre la criminalité organisée;
  • prie instamment les États membres et la Commission de parachever la feuille de route sur les droits des personnes soupçonnées et accusées d'infractions pénales et d'élaborer une directive sur la détention préventive;
  • recommande qu'un acteur économique soit exclu durant une période minimale de cinq ans de la participation à un marché public dans l'ensemble de l'Union européenne s'il a été condamné pour participation à une organisation criminelle.

En outre, il :
  • soutient les cycles politiques de lutte contre la criminalité organisée transnationale lancés pour la période 2011-2013 et la période 2014-2017 ;
  • estime que ce cycle politique doit être intégré dans un plan d'action européen plus vaste de lutte contre la criminalité organisée et les systèmes criminels;
  • considère qu'un tel cycle politique devra aussi inclure la corruption parmi ses priorités transversales, dès sa révision prévue pour octobre 2015.

Une réponse législative renforcée

Le Parlement européen :
  • demande à la Commission de lancer un plan d'action européen de lutte contre la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment de capitaux ;
  • demande avec insistance que tous les États membres transposent rapidement et correctement tous les instruments normatifs européens et internationaux en vigueur;
  • invite la Commission, en particulier sur la base d'une évaluation de la mise en œuvre de la décision-cadre relative à la lutte contre la criminalité organisée et à présenter avant fin 2013 une proposition législative établissant une définition commune de la criminalité organisée, qui devrait porter sur le délit de participation à une organisation criminelle transnationale ;
  • invite la Commission à présenter avant fin 2013 une proposition législative visant à mettre en place un programme européen efficace et complet pour protéger ceux qui détectent des erreurs de gestion et des irrégularités, qui dénoncent des cas de corruption, ainsi que les témoins, les informateurs et les collaborateurs de justice.

Faciliter la saisie et la confiscation

Le Parlement européen :
  • préconise l’instauration de modèles préventifs de confiscation pourraient être prévus, mais exclusivement à la suite d'une décision de l'autorité judiciaire ;
  • recommande l'adoption d'un instrument législatif facilitant la désignation des organisations criminelles transnationales qui représentent une menace importante pour la sécurité de l'Union, afin de faciliter l'adoption de mesures administratives à leur encontre et à l'encontre de leurs associés, partisans et défenseurs en vue de geler leurs biens, leurs actifs et leurs intérêts dans l'Union européenne;
  • estime qu'il est d'une importance fondamentale, d'introduire tous les instruments utiles à l'identification des avoirs criminels et mafieux, par exemple grâce à la création de registres centralisés des comptes courants bancaires;
  • encourage les États membres à promouvoir la réutilisation des avoirs criminels confisqués à des fins sociales, par exemple en les réaffectant aux victimes de la criminalité et aux communautés dévastées par le trafic des drogues et la criminalité organisée;
  • demande à la Commission de développer le rôle et les compétences des Assets Recovery Offices (ARO), en créant les conditions en vue de faciliter leur accès plus rapide et uniforme aux informations ;
  •  se félicite du travail accompli jusqu'à présent par la plate-forme des ARO. Il encourage sa poursuite dans l'optique d'une valorisation complète au niveau européen des meilleures pratiques existantes et de l'activité de ces bureaux.

Renforcer la capacité de l’Union et améliorer la coopération judiciaire et policière

Les députés européens :
  • estiment que, pour lutter contre la criminalité organisée, Europol et Eurojust devraient pouvoir se prévaloir d'accords de collaboration avec entreprises concernées dans les domaines du transport, de la logistique, de la chimie, de la fourniture d'accès à l'internet, et des services bancaires et financiers, tant dans les États membres que dans les pays tiers;
  • demandent aux États membres de créer des structures nationales dédiées aux enquêtes et à la lutte contre les organisations criminelles et mafieuses, avec la possibilité de concevoir, sous la coordination d'Europol et avec le soutien de la Commission, un "réseau opérationnel antimafia", caractérisé par sa souplesse et son caractère informe. Ces structures visent à échanger des informations sur les aspects structurels des mafias présentes sur le territoire, sur les projections criminelles et financières, sur la localisation des avoirs et sur les tentatives d'infiltration dans les marchés publics;
  • réclament une extension et une harmonisation des compétences des cellules de renseignement financier, ainsi que la poursuite de leur intégration technique au sein d'Europol;
  • invitent les autorités compétentes des États membres à considérer que même les activités qui ont en apparence un impact purement local, comme les vols d'automobiles, de machines agricoles et de véhicules industriels, les cambriolages, les vols à main armée, les vols de cuivre et d'autres métaux utilisés dans l'industrie, les vols de marchandises dans les poids lourds, peuvent être en réalité assimilées à la criminalité organisée transnationale et être utilisées pour commettre d'autres crimes plus graves encore;
  • demandent à la Commission et aux États membres d'enquêter sur le préjudice social occasionné par les délits environnementaux, les délits économiques et les délits commis par des entreprises;
  •  recommandent l’adoption d’indicateurs européens pour mesurer l'ampleur, le coût et les préjudices sociaux de la criminalité organisée, de la corruption et du blanchiment au sein de l'Union européenne.

Mieux lutter contre les formes de criminalité associées

Le Parlement européen :
  • recommande qu'un rôle de supervision du blanchiment des capitaux à l'échelle européenne soit confié à l'Autorité bancaire européenne, à l'Autorité européenne des marchés financiers, à l'Autorité européenne des assurances, en vue notamment de parvenir à une union bancaire européenne effective qui contribue à combattre efficacement les phénomènes de corruption et de blanchiment;
  • recommande fortement l'élaboration urgente d'un plan d'action européen pour la lutte contre la criminalité informatique;
  • recommande de faire appel, pour mieux démasquer les phénomènes de corruption dans l'administration publique, aux moyens disponibles pour mener des opérations secrètes ;
  • recommande également la création au niveau européen d'un mécanisme uniforme de suivi de l'efficacité des systèmes de justice pénale dans la lutte contre la corruption, prévoyant la réalisation d'évaluations régulières sur la base de critères et de modèles communs clairs, transparents et objectifs et la publication de recommandations;
  • se félicite de la création récente à Europol du Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) et souhaite qu'il soit renforcé, notamment pour lutter contre la criminalité organisée transfrontière. Toutefois, il déplore que les moyens financiers et le personnel nécessaires à la création de ce centre aient été retirés à d'autres domaines opérationnels;
  • recommande d'empêcher l'anonymat des jeux en ligne, en autorisant l'identification des serveurs qui les hébergent.



(synthèse du texte par securiteinterieure.fr)


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