Le bilan annuel sur l’état de Schengen qui a été présenté récemment fourmille d’informations utiles. La première partie de notre synthèse est axée sur la gouvernance Schengen y compris les priorités et les perspectives, la deuxième sur les progrès et la troisième sur les lacunes. Dans cette première partie donc, il convient de retenir un nombre d’expulsion en hausse, le lancement d’une nouvelle évaluation thématique visant à identifier les lacunes et les vulnérabilités de l'architecture frontalière et de sécurité de Schengen et enfin parmi les trois priorités 2025-2025, l’accélération de la numérisation au sein des pays Schengen.
Quel est le constat ?
En 2024, le nombre total de voyageurs réguliers de bonne foi – c'est-à-dire qu'ils sont entrés avec un visa Schengen ou étaient admissibles à un voyage sans visa – a dépassé le demi-milliard.
Environ 240 000 détections ont été enregistrées en 2024, soit le niveau le plus bas depuis 2021.
Passages irréguliers des frontières vers l’UE (Frontex)
En 2024, le nombre de retours effectifs a augmenté de près de 12 % par rapport à 2023, atteignant près de 123 400 retours, une contribution substantielle due à l'augmentation significative du soutien de Frontex. Cette année-là, Frontex a aidé les pays Schengen à rapatrier plus de 56 000 personnes, soit une augmentation de 43 % par rapport à l'année précédente. Les retours volontaires ont également continué d'augmenter, passant de 54 % en 2023 à 64 % des retours en 2024.
Quelle est la situation du point de vue des frontières extérieures ?
Le 10 juillet 2024, le code frontières Schengen révisé est entré en vigueur, établissant un nouveau cadre pour la réintroduction du contrôle aux frontières intérieures, avec des délais révisés et des exigences plus strictes en matière de suivi et de rapport. Sur la base de ces nouvelles règles, la Commission a adopté des décisions d'exécution créant un modèle permettant aux pays de notifier la réintroduction ou la prolongation du contrôle aux frontières intérieures, ainsi qu'un format uniforme pour la notification de la réintroduction ou de la prolongation du contrôle aux frontières intérieures.
Depuis l'entrée en vigueur du Code frontières Schengen modifié, 10 pays Schengen ont réintroduit le contrôle aux frontières à leurs frontières intérieures. Six États membres (à savoir l'Autriche, le Danemark, la France, l'Allemagne, la Norvège et la Suède) avaient déjà mis en place des contrôles aux frontières pendant des périodes prolongées avant l'entrée en vigueur du Code frontières Schengen modifié. L’Allemagne a ensuite étendu la portée géographique de ces contrôles à toutes ses frontières intérieures. Les Pays-Bas ont notifié la réintroduction du contrôle aux frontières pour la première fois à toutes leurs frontières terrestres et aériennes. La Bulgarie a temporairement réintroduit le contrôle aux frontières intérieures à ses frontières terrestres, à titre préventif, après la levée des contrôles aux frontières intérieures.
Quelles sont les conséquences politiques du rétablissement des contrôles ?
Jusqu'à présent, un État membre, l'Allemagne, a prolongé le contrôle aux frontières intérieures depuis l'entrée en vigueur du code frontières Schengen modifié. À la demande du Luxembourg, la Commission a déjà lancé une consultation. Celle-ci a donné lieu à des réunions aux niveaux opérationnel et ministériel visant à lever les obstacles pratiques aux flux transfrontaliers et à renforcer la coopération sur des mesures opérationnelles alternatives.
La Commission suit de près les actions des pays Schengen et engage un dialogue structuré avec tous les États membres concernés afin d'identifier toute lacune ou incohérence dans l'application des nouvelles règles, notamment les pratiques de transfert aux frontières intérieures. Les évaluations en cours ont pour objectif de garantir que toute mesure mise en œuvre est à la fois proportionnée et nécessaire ; et, deuxièmement, de garantir que les notifications de réintroduction des contrôles aux frontières intérieures se limitent strictement aux cas réels et justifiés, en particulier lorsque les mesures en question ne font que renforcer la coopération policière.
Quelles sont les priorités pour la période 2025-2026 ?
- Priorité 1 : consolider le cadre de gouvernance en s’appuyant sur les progrès réalisés l’année dernière et en vue de mettre en œuvre une approche plus structurée, axée sur la mise en œuvre, le partage des responsabilités et la reddition de comptes.
- Priorité 2 : approche structurée et cohérente de la coopération policière pour exploiter le potentiel de la recommandation du Conseil relative à la coopération opérationnelle en matière d’application de la loi et du code frontières Schengen, et s’orienter vers des initiatives de coopération régionale appliquant l’approche globale de l’itinéraire.
- Priorité 3 : accélérer la numérisation des procédures et des systèmes pour accroître la sécurité et l’efficacité aux frontières extérieures de l’UE et au sein de l’espace sans contrôles aux frontières intérieures.
La Commission invite le Conseil Schengen à approuver ces priorités lors de sa prochaine réunion en juin 2025.
Quels sont les perspectives en matière de visas ?
Des travaux sont également en cours pour moderniser les procédures de visa afin de garantir que les ressortissants de pays tiers bénéficient également d'une procédure de visa plus efficace et plus sûre. Suite à la proposition de la Commission sur les visas numériques, les procédures législatives se sont conclues par une adoption en 2023. Les actes d'exécution connexes sont actuellement en cours d'examen et l'objectif est de commencer à développer la plateforme de demande de visa de l'UE en 2026 pour un début d'exploitation de la plateforme et l'introduction du visa numérique en 2028.
Quelles sont les perspectives en matière d’évaluation ?
Conformément au programme d'évaluation pluriannuel pour 2023-2029, le programme d'évaluation annuel 2025 sera mis en œuvre. En ce qui concerne les activités de suivi pour 2025, la Commission prévoit d'effectuer des visites en France qui ont déjà eu lieu en mars 2025), en Grèce (septembre 2025) et au Portugal.
La Commission estime que 2026 est le moment opportun pour lancer une nouvelle évaluation thématique. Dans le contexte de la guerre en cours en Ukraine et de l'augmentation constante des risques sécuritaires, cette évaluation visera à identifier les lacunes et les vulnérabilités de l'architecture frontalière et de sécurité de Schengen, afin de renforcer sa cohérence et d'accroître le niveau global de sécurité intérieure.
En outre, dans le cadre des efforts visant à faire de l'espace Schengen la norme de référence mondiale pour faciliter des voyages fluides et sûrs, les nouvelles règles régissant l'utilisation efficace des informations de voyage (« informations avancées sur les passagers ») par les autorités frontalières et les forces de l'ordre sont entrées en vigueur en janvier 2025. Il s'agit d'une étape importante vers le renforcement de la sécurité sans compromettre l'expérience de voyage, tout en respectant la protection des données et le droit à la vie privée. En 2025, la Commission a l'intention de lancer une évaluation des règles régissant l'utilisation des données des dossiers passagers afin d'analyser leur efficacité et leur efficience.
Quels sont les perspectives en matière de sécurité intérieure et de de gestion des frontières ?
Comme annoncé dans la stratégie de sécurité intérieure, afin de soutenir les discussions avec les États membres au sein du Conseil sur l'évolution des défis de sécurité intérieure et les échanges sur les priorités politiques clés, la Commission élaborera et présentera régulièrement des analyses des menaces pour les défis de sécurité intérieure de l'UE.
Pour répondre aux défis de sécurité en constante évolution d'une manière plus coordonnée, cohérente et efficace, la coopération opérationnelle transfrontalière des services répressifs est cruciale. Les contraintes juridiques et juridictionnelles persistantes, identifiées dans l'évaluation de 2024 par la Commission des recommandations du Conseil sur la coopération opérationnelle des services répressifs, continuent d'entraver une coopération opérationnelle efficace entre les autorités répressives. Comme annoncé dans la stratégie européenne de sécurité intérieure, la Commission s'emploiera à créer un groupe de haut niveau sur l'avenir de la coopération opérationnelle des services répressifs afin d’élaborer une vision stratégique commune et de proposer des solutions concrètes pour combler les lacunes juridiques, améliorer l'échange d'informations et garantir un niveau élevé de sécurité intérieure dans l'ensemble de l'espace Schengen.
synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
Synthèse du rapport 2025 sur securiteinterieure.fr :
- deuxième partie: Rapport Schengen 2025 : la coopération policière a le vent en poupe
- troisième partie: Rapport Schengen 2025 : la France est décrite comme faisant partie des plus mauvais élèves
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