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lundi 26 août 2024

Trafic de drogue & organisations criminelles : Des lignes directives pour un tableau d’ensemble des groupes les plus dangereux

 


 
La criminalité organisée s’aggrave et les Etats ont toujours une vision imparfaite du phénomène. Les ministres du Conseil de l’UE ont approuvé des conclusions dans lesquelles ils leur demandent de perfectionner leurs méthodes d'analyse et de détection des réseaux criminels les plus actifs. L’objectif ? Affiner un diagnostic fondé sur une méthodologie commune qui permettra d’avoir au niveau européen une cartographie de ces réseaux. Quant à Europol, il constitue la cheville ouvrière en dressant un tableau de la situation. Dans ce contexte, les États membres sont invités à envisager leur participation à la création d'une méthode commune de diagnostic de la criminalité organisée. Et l’avenir ? Définir des normes visant à faciliter la comparaison entre pays et bien entendu, afin de pouvoir agir de manière plus efficace, dans le cadre de « plans d'action opérationnels » européens contre les réseaux criminels les plus dangereux.




De quoi parle-t-on ?

Le Conseil juge essentiel le fait de prendre des mesures efficaces, y compris en ce qui concerne la criminalité organisée liée à la drogue, grâce à un effort de collaboration des États membres, des institutions et des agences de l'UE, et selon une approche multidimensionnelle. Les conclusions approuvées portent sur les aspects de ces mesures relatifs à l'émergence et à la prolifération de réseaux criminels en tant que menace croissante pour la sécurité et la stabilité dans toute l'Europe, qui nécessite une réponse ferme, concertée et efficace de la part de l'Union européenne.




Pourquoi ces conclusions ?

La criminalité organisée, en particulier le trafic de drogues, constitue une grave menace pour les citoyens, les entreprises, ainsi que pour l'économie européenne et la sécurité des États membres.
Les groupes criminels organisés recourent de plus en plus à la violence extrême, à la corruption, et à l'infiltration de l'économie légale et des chaînes d'approvisionnement. Cela affaiblit ainsi l'État de droit et mettant en péril les principes fondamentaux de les démocraties européennes.


D’où vient-on ?

La stratégie de l'UE visant à lutter contre la criminalité organisée (2021-2025) mettait en avant la nécessité "de disposer d'un tableau du renseignement plus solide des groupes criminels organisés qui sont au coeur d'une toile complexe des réseaux criminels organisés" et invitait Europol et les États membres "à élaborer des tableaux stratégiques et tactiques fondés sur le renseignement concernant les groupes qui représentent une menace accrue pour la sécurité de l'Europe, y compris par l'élaboration de rapports ad hoc qui complètent l'évaluation de la menace que représente la grande criminalité organisée dans l'Union européenne (SOCTA UE)".


Dans le droit fil de la stratégie de l'UE visant à lutter contre la criminalité organisée (2021-2025), les conclusions du Conseil fixant les priorités de l'UE pour la lutte contre la grande criminalité organisée pour l'EMPACT 2022-20255 ont également adopté le recensement et le démantèlement des réseaux criminels présentant un risque élevé6 actifs dans l'UE parmi les nouvelles priorités et parmi les objectifs stratégiques horizontaux communs (OSHC), réunissant les services répressifs et les autorités judiciaires des États membres de l'UE et leurs partenaires internationaux (y compris 37 pays tiers en 2023), avec le soutien des institutions, organes et organismes de l'UE.



Un document clé : le rapport de 2024 sur les réseaux criminels les plus dangereux

La feuille de route de l'UE invitait Europol, avec le soutien des États membres, à réaliser au début de l'année 2024 un recensement des réseaux criminels qui représentent la menace la plus élevée, qu'ils opèrent dans les pays de l'UE ou dans les pays tiers.
En réponse, en avril 2024, Europol a publié son rapport intitulé "Decoding the EU's most threat criminal networks" (Décoder les réseaux criminels les plus menaçants de l'UE), qui constitue une étape essentielle dans la compréhension de la dynamique et de la complexité des réseaux criminels présentant un risque élevé.


Ce rapport constitue, selon le Conseil, un important tableau complémentaire du renseignement quant à la SOCTA UE en analysant plus en détail les capacités et l'intention des principaux acteurs responsables de ces crimes et en décrivant les caractéristiques des réseaux criminels qui constituent la principale menace pour la sécurité intérieure de l'UE.


Quel est le problème détecté ?

Ce rapport a été détecté d'importantes lacunes en matière de renseignement.

  • Premièrement, pour environ un réseau signalé sur cinq, on ne savait pas s'ils recourent à la violence ou à la corruption,
  • Deuxièmement, pour plus d'un réseau criminel sur trois présentant un risque élevé, aucune information n'était disponible sur l'étendue des produits de leurs crimes,
  • Troisièmement, il existe un déficit de renseignement en ce qui concerne l'origine des armes à feu et des explosifs et les réseaux impliqués dans leur trafic.



Quel est la réponse à apporter ?

Le Conseil :

  • souligne le fait que la poursuite de l'élaboration du tableau du renseignement sur les réseaux criminels à haut risque représente une prochaine étape fondamentale pour renforcer encore l’approche européenne en matière de démantèlement de ces réseaux,
  • réaffirme qu'Europol continuera d'appuyer et de renforcer les actions menées par les autorités des États membres et leur coopération mutuelle en matière de détection, de prévention et de lutte contre la grande criminalité organisée affectant deux États membres ou davantage.



Quel l’élément essentiel à retenir ?

Le Conseil invite les États membres à:

  • Poursuivre le développement de leurs méthodes nationales d'analyse et de détection afin de détecter de manière plus complète et plus précise les réseaux criminels présentant un risque élevé qui sont actifs dans leur État membre.
    Dans ce contexte, les États membres sont invités à envisager leur participation à la création d'une méthode commune de diagnostic de la criminalité organisée.
    Cette méthodologie devrait être développée davantage au cours des prochaines années afin que chaque État membre puisse l'appliquer avec souplesse en fonction de sa propre organisation nationale, mais devrait également, à terme, définir des normes visant à faciliter la comparaison et la cartographie des menaces des réseaux criminels au niveau de l'UE,
  • Examiner les possibilités –tout en tenant compte des progrès accomplis par les États membres dans la poursuite de l'élaboration de leurs méthodes nationales –de passer à un rapport dans lequel la menace la plus inquiétante des réseaux criminels peut être comparée pour les zones géographiques concernées au sein de l'UE.



Quel est le but ? Parvenir à une cartographie de la criminalité


Le Conseil invite les États membres et Europol à:

  • Intégrer les résultats de l'exercice actuel de cartographie dans la SOCTA UE 2025 et en tenir compte lors de la définition des nouvelles priorités du prochain cycle de l'EMPACT 2026-2029, en mettant, dans un premier temps, particulièrement l'accent sur les plans d'action opérationnels (PAO) 2026-2027 de l'EMPACT,
  • Affiner davantage la méthodologie de l'exercice de cartographie en recueillant des données plus représentatives et en réajustant la méthodologie sur la base des indicateurs de menace utilisés pour la poursuite de l'analyse commune.


Et après ? Avoir une vision toujours plus précise

Le Conseil invite les États membres et Europol à mener un exercice de cartographie des réseaux criminels présentant un risque élevé tous les deux ans, en commençant par un rapport à présenter en 2026 afin qu'il puisse être pris en compte dans les plans d'action opérationnels (PAO) 2028-2029 de l'EMPACT.

À ce titre, les résultats du rapport de suivi devraient être intégrés dans la SOCTA UE/SOCTA UE à mi-parcours et alimenter les PAO bisannuels de l'EMPACT. Afin de réduire au minimum la charge de travail et de garantir une vue d'ensemble actualisée des réseaux présentant un risque élevé, Europol mettra l'ensemble de données actuel à la disposition des États membres et les États membres auront la possibilité de mettre à jour leurs données en permanence, selon ce qui convient.


Quelle est la finalité dans le futur ?

Le Conseil invite les États membres et Europol à:

  • convenir conjointement, dans le cadre des futurs exercices de cartographie et à leur fin, d'une définition commune des réseaux criminels présentant un risque élevé,
  • combler conjointement les lacunes en matière de renseignement détectées dans le présent rapport, en ce qui concerne le recours à la violence, l'ampleur des produits du crime et l'utilisation d'armes à feu. Sur ce dernier point, des progrès supplémentaires sont nécessaires en matière de mise en place complète des points focaux nationaux sur les armes à feu, d'élaboration d'une collecte harmonisée de données sur les saisies d'armes à feu au niveau national et quant à la future contribution des données au pôle "armes à feu" de l'UE au sein d'Europol.



Et quant à Europol ?

Le Conseil invite les États membres à faire en sorte que leurs services répressifs collaborent avec Europol dans l'objectif de continuer à exploiter et analyser les données pertinentes sur les réseaux criminels disponibles au sein d'Europol. Le  but est de compléter et d'intégrer leurs positions nationales en matière de renseignement en ce qui concerne ces réseaux criminels.

En retour, le Conseil invite Europol à:

  • mettre l'ensemble de données actuel concernant les réseaux criminels à la disposition des États membres dans une seule application ou base de données afin de donner aux États membres la possibilité de mettre à jour leurs propres données en permanence,
  • déployer cette application au cours de l'année 2025 en veillant à ce que les États membres n'aient un accès direct qu'à leurs propres données.



Et le projet EMPACT soutenu par Europol ?

Le Conseil invite les États membres à demander:

  • aux chefs de file et responsables de projets des priorités de l'EMPACT d'exploiter davantage les résultats du rapport d'Europol en vue de faire en sorte que actions de l'EMPACT mettent plus l'accent sur les réseaux criminels présentant un risque élevé qui ont été identifiés,
  • à leurs autorités de tenir compte des résultats du rapport afin d'orienter davantage le soutien prioritaire d'Europol.
    Il s’agit de faire appel au concept de cible de grande importance/task force opérationnelle, à des équipes d'enquête communes et à des actions opérationnelles ciblées de l'EMPACT.



Et en matière judiciaire ?


Le Conseil invite les États membres à:

  • mener des enquêtes proactives et globales en ce qui concerne les réseaux criminels prioritaires afin d'y inclure toutes les activités d'appui pertinentes de ces réseaux, et contacter Eurojust. L’objectif est de faciliter la participation des autorités judiciaires à un stade précoce pour enquêter sur  les principaux membres des réseaux criminels présentant un risque élevé,
  • demander à leurs autorités nationales d'investir davantage dans les enquêtes financières et de les renforcer afin de garantir un recouvrement efficace des avoirs des produits de la criminalité.



Et le Collège européen de police (CEPOL) ?

Le Conseil invite les États membres à améliorer les initiatives de formation et de renforcement des capacités à l'intention du personnel des services répressifs et des autorités judiciaires afin de renforcer leurs capacités en matière de détection, d'enquête, de poursuite et de désorganisation des réseaux criminels présentant un risque élevé, en étroite coopération avec le CEPOL.


Et la Commission européenne ?

Le Conseil invite la Commission à:

  • continuer à soutenir l'EMPACT et ses activités en tant que plateforme pilotée par les États membres pour une approche pluridisciplinaire visant à prévenir et à combattre la grande criminalité organisée, notamment en offrant des possibilités de financement adéquates,
  • progresser davantage dans la négociation des accords de l'UE avec les pays de la région MENA et d'Amérique du Sud, pour lesquels le Conseil a déjà donné son autorisation, afin d'accroître les possibilités de partage de données à caractère personnel avec Europol et Eurojust,
  • poursuivre les travaux en matière de lutte contre la grande criminalité organisée et de promotion de la désorganisation de l'infiltration de la criminalité dans l'économie légale par des actions administratives, en recourant à l'"approche administrative",
  • intensifier les efforts de prévention de la criminalité et, en particulier, du recrutement d'enfants et de jeunes par des groupes criminels organisés, y compris en soutenant le travail des autorités compétentes aux niveaux local, régional et national à cet égard.



Et quelles sont les prochaines étapes ?

Le Conseil demande de publier, d'ici fin 2024,

  • un rapport spécifique sur le recours à des structures commerciales légales par les réseaux criminels présentant un risque élevé. Ce rapport contribuera également à la voie à suivre en ce qui concerne l'importance de poursuivre l'approche administrative en tant que contre-mesure importante dans notre lutte contre la grande criminalité organisée,
  • un rapport spécifique qui donne davantage d'informations sur le lien entre la criminalité et le terrorisme et sur la manière dont les réseaux de criminalité organisée sont liés aux activités terroristes. 


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 

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