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mercredi 4 janvier 2023

L'UE va se doter d'un nouvel arsenal répressif en matière de lutte contre la traite des êtres humains

 


L'Europe prépare un nouveau cadre législatif anti-traite. Le constat est sans appel: le phénomène perdure et la législation actuelle n'est pas adaptée. Une réforme est en cours visant à réviser la directive de 2011 afin, notamment de donner un nouveau tour de vis au dispositif répressif. Une proposition de directive est sur la table à cet effet.


Le cadre actuel : la directive du 15 avril 2011

Le cadre juridique existant pour prévenir et combattre la traite des êtres humains et protéger ses victimes a été établi au niveau de l'Union, tout d'abord par la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil, puis par la directive anti-traite, c’est-à-dire la directive 2011/36/UE du 15 avril 2011.  

La directive anti-traite fournit un cadre général de l'UE pour prévenir et combattre la traite des êtres humains en établissant des règles minimales concernant la définition des infractions pénales et des sanctions dans le domaine de la traite des êtres humains et en introduisant des dispositions visant à renforcer la prévention de ce crime et la protection des victimes , tout en en tenant compte de la perspective de genre. La directive fournit des règles communes de l'UE sur : 

  • l'incrimination, l'enquête et la poursuite de la traite des êtres humains, y compris la définition des infractions, des peines et des sanctions ; 
  • l'assistance, le soutien et la protection des victimes de la traite des êtres humains ; 
  • la prévention de la traite des êtres humains.    

L'adoption de la directive relative à la lutte contre la traite en avril 2011 constitue une avancée majeure pour renforcer les efforts de l'UE visant à prévenir et combattre la traite des êtres humains et à protéger ses victimes. Il s'agit d'une étape cruciale vers l'harmonisation des règles pertinentes dans les États membres. 


La nécessité d’une révision du cadre actuel 

La directive anti-traite du 15 avril 2011 n'a pas été modifiée ni révisée depuis lors . La stratégie pour l'union de la sécurité du 8 juillet 2020 reconnaît les difficultés à identifier, poursuivre et condamner la traite des êtres humains et a annoncé une nouvelle approche globale pour lutter contre ce crime. 

En avril 2021, la Commission a adopté la stratégie de l'UE de lutte contre la traite des êtres humains 2021-2025, qui adopte une approche globale allant de la prévention de la criminalité et de la protection des victimes jusqu'à la poursuite et la condamnation des trafiquants. 

L'une des actions prioritaires de la stratégie de l'UE est l' évaluation de la directive du 15 avril 2011. L'évaluation a conclu que la directive constituait un cadre solide, cependant, il a également identifié un certain nombre de problèmes. Afin de remédier à ces lacunes, la Commission a donc posé le 13 décembre 2022 une directive modifiant la directive de 2011.

L'actuelle proposition établit des règles qui s'appuient sur l'expérience des États membres dans la transposition et la mise en œuvre de la directive anti-traite. Elle aborde les développements intervenus depuis 2011 et les tendances les plus récentes observées dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains, en tenant compte des propositions d'amélioration formulées par un large éventail de parties prenantes. 


Une meilleure prise en compte du mariage forcé de l'adoption illégale et de la version numérique de la traite

Afin de lutter contre les formes d'exploitation qui ne sont actuellement pas explicitement mentionnées dans la directive anti-traite, il est proposé d'ajouter explicitement le mariage forcé et l'adoption illégale. 

La dimension en ligne de la criminalité est implicitement déjà couverte par les dispositions actuelles de la directive anti-traite, qui ne font pas de distinction entre les infractions commises en ligne et hors ligne. Il est proposé de mentionner explicitement que les actes intentionnels, les moyens et le but des infractions de traite devraient inclure les actes commis au moyen des technologies de l'information et de la communication. Cette modification vise à renforcer la réponse pénale à l'un des changements les plus graves dans le paysage des menaces de ce domaine criminel depuis l'adoption de la directive. Le niveau des peines restera le même que pour les infractions types, bien que les États membres ne soient pas empêchés d'adopter un régime plus strict.


Un dispositif répressif renforcé à l’égard des personnes morales

En ce qui concerne les sanctions à l'encontre des personnes morales, il est proposé d'établir un régime de sanctions comme l'exclusion du droit aux prestations ou aux subventions publiques, et la fermeture temporaire ou définitive des établissements ayant servi à commettre les infractions. 

Plus exactement, la directive actuelle prévoit que les États membres peuvent sanctionner personne morale tenue pour responsable d'infractions de traite à travers cinq mesures dont la transposition est facultative pour les États membres: a) l'exclusion du droit aux prestations ou aides publiques; (b) l'interdiction temporaire ou permanente de l'exercice d'activités commerciales ; (c) placement sous contrôle judiciaire; d) liquidation judiciaire; e) la fermeture temporaire ou définitive des établissements ayant servi à commettre l'infraction.

Au lieu de la liste des sanctions facultatives, une sanction obligatoire devra comporter, le cas échéant, l'exclusion du droit aux aides et la fermeture des établissements fautifs. 


L’essor des mécanismes nationaux d'orientation informels ou formels

Actuellement, la directive impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour mettre en place des mécanismes appropriés visant à l'identification précoce, l'assistance et le soutien aux victimes, en coopération avec les organisations de soutien concernées. 

Tous les États membres avaient mis en place de tels mécanismes formels ou informels, et qui prennent des formes très différentes. 

Par exemple, le Portugal a commencé à mettre en œuvre le mécanisme national d'orientation, qui consiste en un protocole définissant les procédures d'identification et d'orientation des enfants victimes (potentielles). La France développe un mécanisme national d'orientation, qui prendra la forme d'un document comprenant des indicateurs pour identifier les victimes et définir les rôles et attributions des acteurs concernés. L'Irlande a approuvé la création d'un mécanisme national d'orientation révisé, qui permettra à certaines organisations de la société civile d'orienter les victimes, entre autres mesures. 


Une nouveauté : la création de points focaux nationaux pour l'orientation des victimes

Or, les différences de structure et de pratiques peuvent entraver ou ralentir l'orientation des victimes vers des services de protection, d'assistance et de soutien adéquats. C’est en particulier le cas dans un contexte transfrontalier, lorsque les victimes sont identifiées dans un pays différent de celui où elles ont été exploitées, ou lorsqu'elles sont exploités dans plus d'un pays.

La nouvelle proposition de directive envisage que les États membres officialisent la mise en place de leurs mécanismes nationaux d'orientation par le  dispositions législatives, réglementaires ou administratives. En outre, ils doivent désigner des points focaux nationaux pour l'orientation des victimes. 

Ce dispositif sera complété par l'élaboration de lignes directrices sur les exigences minimales pour les mécanismes nationaux d'orientation, ce qui contribuera à harmoniser davantage leur structure et leur pratique. 


Création de nouvelles infractions concernant l'utilisation en toute connaissance de services qui exploitent des personnes 

Actuellement, la directive permet seulement aux États membres d’envisager de prendre des mesures pour ériger en infraction pénale l'utilisation de ce type de services. Il s'agit en effet d'une disposition facultative que les États membres n'étaient pas tenus de transposer.

Une telle non-harmonisation peut avoir un impact sur la coopération transfrontalière entre les États membres qui adoptent des approches différentes. 

La nouvelle proposition suggère d'obliger les États membres à ériger en infraction pénale l'utilisation de tels services.


Améliorer la collecte de données pour un meilleur panorama du phénomène de traite des êtres humains

Actuellement, une collecte de données au niveau de l'UE est effectuée tous les deux ans. L'évaluation de la directive a toutefois montré qu'il existe encore d'importantes lacunes dans la collecte de données, en particulier sur les indicateurs de justice pénale et sur les infractions concernant l'utilisation de services qui ont recours à des personnes faisant l’objet de traite. La publication des statistiques arrive souvent bien après la fin de la période de déclaration (généralement environ deux ans).

Par conséquent, la proposition de directive suggère d'introduire une obligation pour les États membres de collecter et de communiquer chaque année des données sur la traite des êtres humains. Le texte précise en outre les indicateurs pour cette collecte de données. 


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr



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