La lutte antiterroriste est un dossier clé de la sécurité intérieure européenne et les tueries de Paris ont mis en lumière la nécessité d'une amélioration des dispositifs existants.
Le terrorisme fait en effet partie des menaces désignées dans la stratégie européenne de sécurité intérieure renouvelée pour l'année 2015-2020 (à lire sur securiteinterieure.fr : La stratégie européenne de sécurité intérieure est officiellement renouvelée pour 2015-2020 !).
En outre, Europol avait signalé dans son rapport 2015 (TE-SAT 2015) que le nombre d'incidents terroristes était en augmentation.
De son côté, le Coordinateur européen pour la lutte anti-terroriste, Gilles de Kerchove, souligne régulièrement la gravité de la menace. Il met également en évidence, dans ses différents rapports, les lacunes des dispositifs nationaux et européen. Reste que les avancées à l'échelle de l'Union en la matière sont notables (illustrées dans ce très récent rapport de suivi que le Coordinateur a rédigé). Il est possible de citer :
- la création en cours d'une Unité de signalement des contenus sur Internet (EU IRU) au sein d'Europol;
- la mise en œuvre coordonnée des indicateurs de risque communs aux frontières européennes concernant les "combattants étrangers", c'est-à-dire les jeunes désireux de partir au Moyen-orient faire le Jiihad (explications sur Contexte);
- la connexion électronique entre les gardes-frontières des États membres et les bases de données d'Interpol;
- le développement d'une Centre d'excellence européen, à savoir le Réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (RSR);
- les conseils fournis aux Etats membres en matière de communication pour établir un contre-discours officiel, par l'Équipe de conseil en communication stratégique sur la Syrie (SSCAT).
Quant aux projets sur la table, ils portent sur :
- le renforcement de la lutte contre le trafic d'armes à feu et la circulation des armes (à lire sur securiteinterieure.fr : Terrorisme et trafic sur internet : les ministres de l'Intérieur entendent remédier au dispositif défaillant de contrôle des armes à feu);
- le PNR européen dont la finalisation est attendue (à lire sur securiteinterieure.fr : Lutte antiterroriste : pour les députés européens, " il n'y a pas de liberté sans sécurité et pas de sécurité sans liberté");
- le renforcement des contrôles aux frontières extérieures à travers le contrôle systématique et coordonné des voyageurs en provenance de destinations sensibles.
Cependant, ces avancées à l'échelle européenne se heurtent à trois types d'obstacle :
- juridique : la lutte antiterroriste est d'abord une affaire de compétence nationale. Aussi, les pouvoirs d'action de l'Union sont limités par nature (à lire sur securiteinterieure.fr : D’après le rapport sénatorial sur la lutte contre les filières jihadistes, la France refuse l’idée d’un "service de renseignement européen");
- philosophique : les débats liberté/sécurité existant au niveau national se retrouvent à l'échelle européenne (à lire sur securiteinterieure.fr : Lutte antiterroriste : pour les députés européens, " il n'y a pas de liberté sans sécurité et pas de sécurité sans liberté");
- politique : les Etats membres sont réticents à progresser dans la coopération européenne (par exemple en ne fournissant pas les données nécessaires à Europol). L'Europe sert alors de paravent destiné à masquer l'inaction nationale (à lire à ce sujet les articles d'H. Labayle : Réponses au terrorisme après les attentats de Paris : le syndrome du réverbère et La réaction de l’Union aux attentats terroristes de Paris : que tout change pour que rien ne change ?).
Deux choses importantes à ce sujet :
- les Etats refusent obstinément une évaluation de leurs politiques antiterroristes (à lire sur securiteinterieure.fr : Une évaluation globale de la politique antiterroriste française ?);
- le rétablissement des contrôles aux frontières est prôné par certains par comme solution ultime pour assurer la sécurité en France. Vilipendé comme la source de tous les maux, "l’espace de libre circulation de Schengen constitue l’archétype de ces procès en sorcellerie," (Attentats terroristes de Paris : fluctuat nec mergitur, envers et contre tout). Faire de Schengen le responsable de l'insécurité, c'est permettre c'est méconnaître le fait que :
- la lutte antiterroriste passe avant tout par une meilleure coordination entre les services compétents. Pourtant, la guerre des polices, phénomène qui n'est pas typiquement français au demeurant, entrave sérieusement le renforcement de cette coordination, de même que l'absence de moyens et les problèmes de traitement de l'information (à lire l'article de S. Roché : Le 13 novembre. Terrorisme et cohésion nationale);
- la lutte antiterroriste implique un renforcement du partage du renseignement au niveau européen. A cet égard, la collaboration entre les services de renseignement des différents Etats membres reste à améliorer. Pour l'heure, cette action est dispersée et désordonnée tant du point de vue opérationnel (le projet européen de "cycle de gestion" (policy cycle) ne s'étend pas au terrorisme), que politique : il n'y a ni pilote, ni "tour de contrôle" européenne de cette collaboration. Les chefs d'Etat et de gouvernement, réunis après les attentats de Charlie Hebdo, ont implicitement avoué leur impuissance à ce propos (à lire sur securiteinterieure.fr : Lutte antiterroriste : décryptage d'un sommet au cours duquel les chefs d'Etat et de gouvernement demandent, exigent, ordonnent, mais...);
- le renforcement de la lutte implique une meilleure surveillance des flux, ce qui pose de sérieuses difficultés du point de vue des libertés (à lire sur securiteinterieure.fr : Les députés européens plaident pour une meilleure collaboration avec le Parlement français pour contrer la surveillance, alors la "loi sur le renseignement" est dans leur collimateur). Des arbitrages sont donc à faire dans le respect de la légalité européenne (à lire à ce propos sur RUEDELSJ : La Cour de justice et la protection des données : quand le juge européen des droits fondamentaux prend ses responsabilités).
Quelques conseils de lecture :
- Le 13 novembre. Terrorisme et cohésion nationale
- Attentats terroristes de Paris : fluctuat nec mergitur, envers et contre tout
- Les ratés de la coordination antiterroriste en Europe
- La France « en guerre » invoque la clause de défense mutuelle de l'UE
- L’État islamique est-il en recul ?
A lire également sur securiteinterieure.fr le Dossier spécial terrorisme
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