Décidément, les bases juridiques "sécurité"du traité n'ont pas bonne presse auprès de la Cour de justice de Luxembourg. Dans un arrêt rendu il y a quelques jours, les juges européens viennent d'annuler la directive destinée à faciliter l'échange d'informations concernant les infractions en matière de sécurité routière entre les Etats de l'Union.
Cet arrêt a été rendu suite à un conflit institutionnel opposant la Commission d'un côté, et le Parlement européen et le Conseil de l'UE de l'autre. Pour la Commission, la base juridique "transport" aurait dû être privilégiée et non la base "sécurité" sur laquelle se sont fondés le Parlement européen et le Conseil de l'UE pour adopter la directive litigieuse. Finalement, la Cour a donné raison à la Commission tout en précisant que le texte serait en vigueur encore un an (le temps que le législateur européen adopte une nouvelle directive fondée quant à elle sur la base juridique idoine).
Surtout, ce jugement a été prononcé suite à un important arrêt visant à annuler une directive sur la conservation des données aux fins de lutte contre la criminalité et le terrorisme (communiqué de presse sur cet arrêt), texte adopté après les attentats de Londres en 2005 (à lire à ce sujet les analyses du Pr. Steeve Peers (Data Retention: will this saga continue and how ?) et du Pr. Henri Labayle (La Cour de justice et la protection des données : quand le juge européen des droits fondamentaux prend ses responsabilités)).
Que dit la directive ?
La directive a pour objectif de lutter contre l’insécurité routière. Afin d'améliorer la sécurité routière dans l'ensemble de l'Union et de garantir l'égalité de traitement entre les conducteurs, que les contrevenants soient résidents ou non-résidents, la mise en œuvre des sanctions devrait être facilitée quel que soit l'État membre d'immatriculation du véhicule.
À cet effet, un système d'échange d'informations transfrontalier devrait être créé pour certaines infractions déterminées en matière de sécurité routière, qu'elles soient de nature administrative ou pénale au regard de la loi de l'État membre concerné, ce qui permettrait à l'État membre de l'infraction d'accéder aux données relatives à l'immatriculation des véhicules de l'État membre d'immatriculation.
La directive s'applique aux :
- excès de vitesse;
- non-port de la ceinture de sécurité;franchissement d'un feu rouge;
- conduite en état d'ébriété;
- conduite sous l'influence de drogues;
- non-port du casque;
- circulation sur une voie interdite;
- usage d'un téléphone portable au volant.
Lorsque l'État membre de l'infraction décide
d'engager des poursuites, il en informe le propriétaire.
Les informations communiquées comprennent,
conformément au droit national, les conséquences juridiques de ladite
infraction sur le territoire de l'État membre de l'infraction en vertu
du droit dudit État membre.
Lorsqu'il envoie la lettre de notification au
propriétaire, l'État membre de l'infraction y inclut toutes les informations pertinentes et envoie la lettre dans
la langue de l'État membre
d'immatriculation, afin de garantir le respect des droits fondamentaux.
Pourquoi cette annulation ?
Le 25 octobre 2011, le Parlement et le Conseil
ont adopté la directive en retenant toutefois comme base
juridique de celle-ci l’article 87 du TFUE (traité sur le fonctionnement de l'Union européenne). Cet article prévoit que l’Union développe une coopération policière qui associe toutes
les autorités compétentes des États membres, y compris les services de
police.
Or, le 19 mars 2008, la Commission avait présenté une proposition de directive avec comme base
juridique l’article 91 du TFUE (ex article 71 du traité sur la Communauté européenne). Cet article 91 qui fait partie d'un titre du TFUE, intitulé «Les
transports» prévoit que le Parlement européen et le
Conseil établissent les mesures permettant d’améliorer la sécurité des transports.
La Commission demande donc à ce que la Cour annule la directive.
Que répond la Cour ?
Selon une
jurisprudence constante de la Cour, le choix de la base juridique d’un
acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs. S’agissant de la finalité de la directive, le texte énonce expressément qu'il
«vise à assurer un niveau élevé de protection de tous les usagers de la
route dans l’Union en facilitant l’échange transfrontalier
d’informations concernant les infractions en matière de sécurité
routière».
Or, un tel
objectif d’amélioration de la sécurité routière dans l’ensemble de
l’Union doit être poursuivi précisément par la création d’un système
d’échange transfrontalier de données. Un tel système est susceptible d’accentuer
l’effet dissuasif en matière d’infractions routières et d’inciter à la
prudence, ce qui
permettrait de réduire le nombre de victimes d’accidents sur les routes.
Il
en résulte clairement que l’objectif principal de la directive est l’amélioration de la sécurité
routière, qui
constitue un objectif central de la politique des transports de l’Union.
L’examen
du contenu de la directive confirme que le système d’échange d’informations constitue
l’instrument au moyen destiné à remplir l’objectif d’amélioration
de la sécurité routière. Or,
il importe de préciser des mesures visant à
améliorer la sécurité routière relèvent de la politique des transports
et peuvent dès lors être adoptées sur le fondement de l’article 91.
Quant à l’article 87, il doit doit être compris à la
lumière de l’article
67 TFUE, qui prévoit que
l’Union «assure l’absence de contrôles des personnes aux frontières
intérieures et développe une politique commune en matière d’asile,
d’immigration et de contrôle des frontières extérieures» et qu’elle «œuvre pour assurer un niveau élevé de sécurité ». Pour ce qui est de la directive 2011/82, elle ne se rattache pas directement aux
objectifs de l’article
67 TFUE.
Par conséquent, il y a lieu d’annuler la directive selon la Cour.
(synthèse du texte par securiteinterieure.fr)
A lire aussi :
- la présentation de la directive sur le centre européen des consommateurs France et sur touteleurope.eu
- les pages coopération judiciaire sur RUEDLSJ
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