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jeudi 3 janvier 2019

Le Parlement européen préconise l’établissement d’une académie conjointe du renseignement


Le volumineux rapport de la Commission temporaire spéciale sur le terrorisme du Parlement européen dresse une liste impressionnante de mesures destinées à combler les lacunes identifiées en matière de lutte antiterroriste. L’instauration d’une académie conjointe services de renseignement-services de police est l’une d’entre elles, mais il y en a bien d’autres.

A noter que ce rapport très dense fait l’objet d’un résumé en trois parties. La première partie traite des lacunes identifiées et liste déjà quelques propositions phares. La deuxième présente le gros des propositions.

Améliorer le travail des services de renseignement 

Le Parlement européen :
  • invite les États membres qui ne l’ont pas encore fait à mettre sur pied des «centres de fusion» ou unités de coordination en matière de lutte contre le terrorisme au niveau national;
  • invite les États membres à explorer de nouvelles approches pour améliorer la coopération et l’échange d’informations entre les services répressifs et les services de renseignement au niveau national, en préservant la nécessaire séparation entre leur travail des services répressifs;
  • appelle à l’instauration dans l’Union d’une académie conjointe du renseignement pour conjuguer les ressources et développer les synergies, la confiance et une culture commune du renseignement;
  • recommande aux États membres d’étudier l’opportunité d’améliorer la coordination et la coopération entre les services de renseignement et les services répressifs au niveau de l’Union, par exemple en envoyant davantage d’experts du renseignement, en sus du personnel des services répressifs, aux réunions de l’équipe conjointe de liaison antiterroriste (CTJLT) d’Europol;
  • invite les États membres à optimiser la collaboration par l’intermédiaire du groupe de lutte contre le terrorisme, à le consolider encore en tant que plateforme commune de coopération et de communication entre les services nationaux du renseignement, et à fournir le financement nécessaire à cet effet.
    Il se félicite de la création d’un conseil consultatif du GAT pour accroître la visibilité et la transparence et s’exprimer publiquement dans les relations entre le GAT et les institutions et organes de l’Union compétents et pour garantir que le Parlement européen soit constamment informé;
  • demande aux États membres de programmer des réunions d’échange régulières entre les juges et les représentants de la communauté du renseignement/des services répressifs afin de partager des connaissances sur l’évolution de la situation et sur les avancées en matière d’enquête et de techniques dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et de permettre ainsi à la justice de se faire une vision d’ensemble pour sa juridiction et d’assurer de futures actions de formation.

Renforcer davantage le rôle d’Europol dans la lutte antiterroriste


Le Parlement européen :
  • demande qu’Europol devienne une véritable plateforme d’échange d’informations et de coopération des services répressifs dans le domaine de la lutte contre le terrorisme dans l’Union européenne. il invite la Commission à suivre de près ce processus et à évaluer la nécessité d’une éventuelle adaptation législative;
  • invite Europol à utiliser pleinement le droit dont il dispose actuellement d’accéder au SIS, au VIS et à Eurodac, afin de renforcer l’interopérabilité;
  • invite Europol à faire en sorte que QUEST soit à la disposition des États membres en temps utile, afin de renforcer l’interopérabilité;
  • demande qu’Europol et Eurojust soient dotés d’un financement et d’un personnel suffisants, compte tenu de leurs responsabilités accrues et de leur rôle essentiel dans le renforcement de la coopération policière et judiciaire européenne et dans le soutien à la lutte contre le terrorisme;
  • invite les États membres à mettre en place l’infrastructure nationale de communication sécurisée nécessaire pour les services répressifs et à promouvoir la connectivité directe et décentralisée des services de lutte contre le terrorisme au SIENA et au SIE, ce qui permettrait de meilleures recherches et correspondances croisées;
  • invite instamment la Commission et les États membres à mettre à disposition des ressources financières et humaines accrues, y compris des spécialistes et de grands analystes de données, afin de mettre au point des solutions techniques pour traiter le volume élevé de données à analyser.
    Il demande qu’Europol soit chargé d’autres projets de recherche et développement (R&D) dans ce domaine au profit des États membres dans le cadre de son mandat.

Développer la dimension judiciaire de la lutte antiterroriste 
Le Parlement européen :
  • invite Eurojust à poursuivre son travail de suivi de la jurisprudence des États membres en matière de radicalisation conduisant au terrorisme y compris l’utilisation d’alternatives aux poursuites et à la détention, et à en faire rapport régulièrement dans son Terrorism Conviction Monitor (TCM);
  • demande que les équipes communes d’enquête (ECE) soient utilisés en cas d’attentats terroristes.
    Il demande en outre qu’Europol et Eurojust participent à ces équipes communes d’enquête, ce qui implique une meilleure utilisation des ressources et des capacités mises à disposition par les agences de l’Union;
  • appelle en outre à l’établissement d’un programme spécial «Erasmus pour les agents de police» sur le terrain, idéalement à l’intention des agents débutants ou peu gradés, pour les encourager à intégrer des ECE dans d’autres États membres au moins une fois dans leur carrière.
    Il encourage par ailleurs l’étendue de ce programme à d’autres agents de sécurité et agents pénitentiaires à l’avenir;
  • invite les fournisseurs de services en ligne et les plateformes de communication à mettre en œuvre efficacement les décisions judiciaires en matière de lutte contre le terrorisme. il invite la Commission à étudier l’opportunité d’une proposition législative qui oblige les plateformes de communication présentes sur le marché de l’Union européenne à coopérer lorsqu’il s’agit de communications cryptées, si une décision judiciaire est prise à cet effet.
    Il souligne toutefois qu’une telle coopération ne doit pas affaiblir la sûreté de leurs réseaux et services, notamment en créant ou en facilitant les «portes dérobées».

Mettre l’accent sur la protection civile et la gestion des menaces CBRN

Le Parlement européen :
  • invite la Commission à réviser et à mettre à jour le plan d’action CBRN et les États membres ;
    • à prendre, ou à renforcer, et à maintenir des mesures appropriées de «protection civile» pour se préparer aux attentats CBRN, en recrutant du personnel qualifié et régulièrement formé, composé à la fois de membres à plein temps et de bénévoles ;
    • à prévoir les infrastructures techniques appropriées telles que des systèmes de détection mobiles spécialisés, des stocks de médicaments essentiels, des soins aux victimes et le partage des bonnes pratiques ;
  • souligne que ces mesures doivent s’inscrire dans le cadre d’une stratégie pluridisciplinaire associant des méthodes de coordination, des procédures de notification, des protocoles standard, des plans d’évacuation, des systèmes d’alarme publique et des rapports d’incidents.
    Il invite la Commission et les États membres à harmoniser progressivement ces stratégies; invite les États membres à créer des laboratoires spécialisés ou à renforcer les laboratoires existants;
  • encourage une coopération renforcée avec le centre d’excellence de l’OTAN pour les CBRN, en assurant un échange des bonnes pratiques entre intervenants de crise des États membres de l’Union et de l’OTAN;
  • demande, à que la mise à jour du système européen de données sur les attentats à la bombe géré par Europol et son extension au projet d’analyse européen – qui sert de centre d’information et de coordination pour tous les incidents CBRN dans l’Union – soient complétées par une équipe d’analyse multidisciplinaire dotée du personnel suffisant.

Assurer une meilleure protection des infrastructures critiques (PIC)


Le Parlement européen :
  • invite les États membres qui ne l’ont pas encore fait à mettre sur pied des programmes nationaux de PIC pour remédier aux problèmes identifiés par la Commission dans sa communication de 2006 sur un programme européen de protection des infrastructures critiques (EPCIP), notamment en ce qui concerne les vulnérabilités potentielles. Il considère en outre que l’EPCIP devrait être révisé et mis à jour;
  • exige que la désignation d’infrastructures critiques européennes (ICE) ayant une incidence sur plus d’un État membre suive un processus multilatéral associant tous les États membres potentiellement concernés;
  • invite les États membres à mettre sur pied des centres nationaux multidisciplinaires d’intervention en cas de crise pour la coordination et l’intervention d’urgence en cas d’attentat ou d’incident. Il invite ces centres à recourir au dispositif intégré de l’UE pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise (IPCR) contribuant à 3 instruments clés, à savoir :
    • le point de contact central IPCR 24/7 ;
    • ala plate-forme web IPCR ;
    • le rapport intégré d’analyse et de situation (ISAA).

Par ailleurs, les députés européens :
  • demandent à la Commission d’établir une cartographie des centres de crise nationaux ou des mécanismes nationaux de réponse aux crises;
  • insistent sur la nécessité de mettre en place des stratégies de réponse efficaces, y compris des lignes de communication claires en cas d’attentat, notamment en ce qui concerne les équipes de réaction immédiate, afin de limiter le nombre de victimes et d’améliorer la gestion de la situation en vue de minimiser l’incidence sur le public;
  • se félicitent de l’exercice transfrontière visant à améliorer la protection des cibles faciles contre les attentats terroristes mené par la Belgique et les Pays-Bas. Il préconise le déroulement d’exercices similaires associant les États membres.

De surcroît, le Parlement européen demande à que la directive sur la protection des infrastructures critiques soit révisée afin:
  • de prévoir des règles et procédures similaires à celles de la directive SRI pour les «opérateurs de services essentiels»;
  • de veiller à ce que la désignation des ICE s’opère en fonction d’une analyse des systèmes soutenant les services vitaux et transfrontières plutôt que d’une approche sectorielle, en tenant dûment compte de l’importance de la cybersécurité;
  • de permettre à la Commission de désigner des actifs de services paneuropéens en tant qu’ICE; de tenir dûment compte des interdépendances existantes;
  • d’instaurer une obligation pour les opérateurs publics et privés d’infrastructures critiques de signaler les incidents ;
  • d’effectuer des tests de résistance ;
  • de dispenser une formation appropriée aux points de contact ;
  • d’établir des exigences de qualité en ce qui concerne les plans de continuité de l’activité, y compris les plans opérationnels, en cas d’incident ou d’attentat.

Enfin, il :
  • recommande que le secteur privé soit associé à l’élaboration des programmes de protection des infrastructures critiques et des cibles faciles, y compris dans le contexte de la cybersécurité. Il insiste sur la nécessité de développer le dialogue public-privé à cet effet et de développer la résilience nationale et locale;
  • invite la Commission à proposer une initiative européenne de certification des sociétés de sécurité privées, visant à préciser les exigences et les conditions au titre desquelles elles peuvent opérer dans l’environnement des infrastructures critiques.

Renforcer les frontières extérieures de l’UE

Le Parlement européen :
  • invite les États membres à investir dans des équipements de technologies de l’information et de la communication (TIC) de qualité supérieure et ce à tous les postes-frontière afin de permettre des contrôles appropriés à l’aide de toutes les bases de données pertinentes.
    Il demande à la Commission de fixer une référence pour les normes techniques de ces équipements TIC, après consultation de l’eu-LISA;
  • invite instamment les États membres à abandonner la vente de permis de séjour et de la nationalité au moyen de programmes de «visas dorés» et d’investissement au regard du risque élevé de corruption et d’utilisation abusive ou frauduleuse de l’espace Schengen à des fins criminelles;
  • invite la Commission à élaborer une évaluation des incidences d’une proposition législative obligeant les transporteurs aériens et les exploitants d’aéroports, de bus internationaux et de trains à grande vitesse la réalisation de contrôles de conformité lorsque les passagers montent à bord d’un avion. L’objectif est de garantir que l’identité indiquée sur le billet correspond à celle que renseigne la carte d’identité ou le passeport que détient le passager.

En outre, il :
  • constate que les suspects dont les données personnelles ont été précédemment traitées par Frontex disparaissent du système d’analyse après 90 jours et sont présentés comme des suspects inconnus/nouveaux suspects. Il demande par conséquent que la période de conservation des données à caractère personnel gérées par Frontex pour les personnes soupçonnées de criminalité et de terrorisme transfrontières soit prolongée jusqu’à 3 ans, conformément à la période de conservation d’Europol et d’Eurojust;
  • estime qu’il est important que Frontex ait accès à toutes les bases de données et systèmes d’information pertinents (en particulier le SIS, mais aussi l’EES, le VIS, Eurodac et le système d’information d’Europol), non seulement pour le travail des équipes de gestion des frontières, mais aussi à des fins analytiques liées aux nouveaux phénomènes aux frontières extérieures ou à l’évolution des mouvements frontaliers ou des modes opératoires;
  • invite instamment les États membres et les organes de l’Union, notamment Europol et l’INTCEN, à :
    • fournir régulièrement à Frontex des informations stratégiques en matière de lutte contre le terrorisme qui concernent les frontières;
    • à déterminer si un échange automatique, avec Frontex, d’informations (de contexte) importantes provenant d’enquêtes nationales sur les incidents et les activités illégales aux points de passage des frontières et sur les mouvements irréguliers d’entrée/de sortie, en recourant à des systèmes d’information intelligents, peut apporter une valeur ajoutée afin de dresser un tableau complet de la situation.

Améliorer la lutte contre le financement du terrorisme

Le Parlement européen :
  • demande l’organisation de formations spécialisées à l’intention des services répressifs et des autorités judiciaires des États membres sur les méthodes et l’évolution du financement du terrorisme, y compris sur les monnaies virtuelles; 
  • souligne que ces formations devraient garantir un niveau normalisé de compétence en matière de répression à travers l’Union, de sorte qu’aucun État membre n’aura de retard en la matière ;
  • insiste sur l’importance cruciale du renseignement fiscal et financier dans la lutte contre le terrorisme. Il déplore que dans de nombreux États membres les agences de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme soient parmi les activités les moins bien financées des services de renseignement.
    Il demande à ce que les États membres renforcent significativement leur moyens humains et financiers en matière d’enquête et de répression afin de lutter contre l’évasion et la fraude fiscale pouvant financer des activité criminelles ou terroristes.
Par ailleurs, il appelle à nouveau à la création d’un système de surveillance du financement du terrorisme (TFTS).
Un TFTS complémentaire à l’accord TFTP existant renforcerait la capacité de l’Union à prévenir les attentats terroristes et à enquêter sur ces derniers grâce à l’apport d’informations complémentaires essentielles sur les activités de financement du terrorisme, et que ce système serait plus efficace que la recherche d’informations financières concernant des transactions suspectes au moyen de demandes d’informations ou d’assistance juridique bilatérales ou multilatérales. Le Parlement européen a appelé à plusieurs reprises à la mise en place de ce système et notamment dans sa résolution du 25 novembre 2015 sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens européens par des organisations terroristes.

Revoir le dispositif actuel en matière de règlementation des précurseurs d’explosifs

Le Parlement européen :
  • demande l’instauration d’un système européen de licences pour les acquéreurs spécialisés, différent de celui applicable au grand public, qui exige que les opérateurs économiques soient enregistrés pour pouvoir être autorisés à fabriquer, distribuer ou vendre légalement des substances énumérées dans les annexes du règlement sur les précurseurs d’explosifs. Il invite les États membres à mettre en place des systèmes d’inspection pour identifier les cas de non-respect de ce règlement par les opérateurs économiques;
  • se félicite de l’analyse d’impact de ce règlement sur les précurseurs d’explosifs et encourage les colégislateurs, pour la proposition de règlement, à évaluer le processus obligatoire d’échange d’informations. il demande également que les autorités de surveillance du marché renforcent leurs activités de surveillance pour les précurseurs d’explosifs, car ils peuvent potentiellement porter gravement atteinte à la sûreté publique;
  • invite les autorités douanières à affiner le ciblage des achats illicites en ligne de précurseurs d’explosifs en procédant à un filtrage sur la base des informations sur la cargaison présentées par les négociants avant l’arrivée ou le départ des marchandises au sein ou en provenance de l’Union européenne, en recourant au système de gestion des risques en matière douanière (CRMS);
  • invite la Commission à collaborer avec les entreprises :
    • à la promotion de lignes directrices pour les marchés en ligne sur la sécurité des ventes de précurseurs d’explosifs ;
    • à étoffer leur politique de produits restreints en déterminant les niveaux autorisés de quantité et de pureté;
    • à limiter l’achat de certaines substances aux utilisateurs professionnels.

Endiguer la circulation des armes illicites

Le Parlement européen :
  • demande de revoir la directive sur le contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes à feu pour que les lacunes du cadre réglementaire existant sur les armes à feu soient comblées, par exemple au moyen de mesures pour mettre un terme à la circulation des pistolets à blanc aisément convertibles, des pistolets Flobert, des pistolets d’alarme et d’autres armes semblables;
  • appelle à l’application stricte et rigoureuse par les États membres de la position commune du Conseil du 8 décembre 2008, qui définit des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologies et d’équipements militaires;
  • soutient la révision de la stratégie de lutte contre l’accumulation illicite et le trafic d’armes légères et de petit calibre (ALPC) de l’Union ;
  • estime que les États membres devraient adopter une approche fondée sur l’enquête sur les armes à feu, en recourant aux cellules de police spécialisées, conçues pour identifier les acteurs et les réseaux impliqués dans ce type de trafic;
  • encourage les États membres à évaluer les éventuelles restrictions au port de couteaux sans raison valable, l’interdiction des couteaux particulièrement dangereux tels que les couteaux zombies ou papillons.


Synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


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