Une nouvelle proposition de règlement vient d'être présentée pour durcir la législation destinée au contrôle des produits entrant dans la confection des explosifs (produits dits "précurseurs").
Les attaques aux explosifs artisanaux sont responsables de la grande majorité des victimes des attentats perpétrés au cours des dernières décennies.
Pour mémoire, les précurseurs d’explosifs sont des substances chimiques qui peuvent être utilisées à des fins légitimes, mais qui peuvent aussi être utilisées d’une manière détournée pour fabriquer de tes explosifs.
À noter que cette proposition s'inscrit dans l'actualité dans la mesure où en France, un attentat a été déjoué le 18 mai 2018, qui devait être perpétré soit avec un explosif, soit avec de la ricine, qui est une substance extrêmement toxique.
Or, une telle proposition vient compléter le plan d’action de l’UE de 2017 visant à améliorer la préparation aux risques en matière de sécurité chimique, biologique, radiologique et nucléaire (CBRN).
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D’où vient-on ?
La réglementation de la disponibilité des précurseurs d’explosifs sur le marché a été considérée comme une priorité dans le plan d’action de l’UE de 2008 sur l’amélioration de la sécurité des explosifs.
À la suite à l’adoption du plan d’action, la Commission européenne a créé un comité permanent sur les précurseurs, qui est un groupe d’experts réunissant des experts des autorités des États membres et des acteurs de l’industrie chimique et du commerce de détail.
Sur la base des recommandations du comité permanent sur les précurseurs et des résultats d’une analyse d’impact des options possibles, la Commission a adopté une proposition de règlement sur les précurseurs d’explosifs en 2010. Le règlement sur la commercialisation et l’utilisation de précurseurs d’explosifs a été adopté le 15 janvier 2013 qui :
- restreint la mise à la disposition du grand public de certains précurseurs d’explosifs;
- limite que leur introduction, détention et utilisation par le grand public;
- établit des règles de signalement des transactions suspectes.
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À la suite de l’entrée en vigueur du règlement le 1er mars 2013, la quantité de précurseurs d’explosifs disponibles sur le marché pour la consommation publique a diminué. Les États membres ont également indiqué une augmentation du nombre de transactions suspectes, de disparitions et de vols signalés.
Quel est le problème actuel ?
Les précurseurs d’explosifs continuent d’être utilisés pour la fabrication illicite d’explosifs.
Ces «explosifs artisanaux» ont été utilisés dans la grande majorité des attentats terroristes commis dans l’UE, notamment à Madrid en 2004, à Londres en 2005, à Paris en 2015, à Bruxelles en 2016, ainsi qu’à Manchester et à Parsons Green en 2017.
En fixant des restrictions et des contrôles au niveau de l’Union, ce règlement de 2013 vise à instaurer des conditions égales pour toutes les entreprises concernées.
Toutefois, il n’a atteint que partiellement cet objectif, car il permet l’existence de différents niveaux de restrictions entre les États membres.
Le plus haut degré d’uniformité possible n'est pas assuré aux opérateurs économiques.
En outre, le règlement ne garantit pas un niveau suffisant de protection de la sécurité du grand public. Il a été signalé que des délinquants et criminels cherchaient à acquérir des précurseurs d’explosifs dans des États membres soumis à des restrictions plus légères ou à les acheter sur des marchés en ligne, où le règlement n’est pas toujours appliqué.
Les restrictions et les contrôles existants se sont avérés insuffisants pour empêcher la fabrication illicite d’explosifs artisanaux.
Par exemple, l’obligation d’enregistrer les transactions ne dissuade pas ou n’empêche pas les criminels d’acquérir des précurseurs d’explosifs. Les personnes morales peuvent également acquérir des précurseurs d’explosifs pour lesquels elles n’ont aucun besoin professionnel.
En outre, la menace a évolué depuis l’entrée en vigueur du règlement. Les terroristes utilisent de nouvelles tactiques et élaborent de nouvelles recettes et techniques de fabrication de bombes qui sont, au moins en partie, destinées à contourner les restrictions et les contrôles existants.
De plus, le règlement ne contient pas de dispositions qui en facilitent le respect ainsi que le contrôle de son application.
Cela contribue à l’existence un certain nombre de déficits systémiques tout au long de la chaîne d’approvisionnement: les acteurs ne sont pas tous conscients des obligations découlant du règlement et les opérateurs économiques ne procèdent pas tous à des vérifications pour en assurer le respect.
Les contrôles ne sont pas effectués systématiquement dans tous les États membres.
Enfin, le règlement n’est pas assez clair en ce qui concerne plusieurs des obligations qu’il impose, y compris celles qui visent à assurer la transmission des informations tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
Et depuis lors ?
En février 2017, la Commission a adopté un rapport sur l’application du règlement. Ce rapport :
- faisait état des difficultés rencontrées par les États membres et la chaîne d’approvisionnement pour mettre en œuvre le règlement ;
- soulignait la nécessité d’accroître la capacité de tous ceux qui participent à la mise en œuvre et au contrôle de l’application des restrictions et des contrôles ;
- présentait les limites de la législation concernant la sensibilisation au sein de la chaîne d’approvisionnement et montrait la multiplicité des différents régimes existant dans l’UE, créant des lacunes et des défis de sécurité importants pour les acteurs de la chaîne d’approvisionnement qui exercent leurs activités dans toute l’Union.
Une recommandation de la Commission sur les mesures à prendre sans délai pour prévenir toute utilisation détournée des précurseurs d’explosifs a été adoptée en octobre 2017.
Les États membres ont été priés de prendre toutes les mesures nécessaires en vertu du règlement existant pour empêcher les terroristes d’accéder aux substances faisant l’objet de restrictions et invités à procéder à une évaluation approfondie des systèmes d’interdiction, de licence ou d’enregistrement qu’ils avaient mis en place.
Le Conseil de l’Union européenne a accueilli favorablement cette recommandation le 7 décembre 2017 et a appelé les États membres à limiter l'accès du grand public aux précurseurs d’explosifs. Quant au Parlement européen, il a également exprimé sa préoccupation quant à la disponibilité considérable d'armes à feu et de précurseurs d’explosifs sur les réseaux cachés et aux liens de plus en plus étroits entre le terrorisme et la criminalité organisée.
Le règlement proposé viendra compléter :
- le cadre juridique pénal établi par la directive relative à la lutte contre le terrorisme, en particulier lorsque le signalement d’une transaction suspecte en vertu de la présente proposition peut mener à une enquête sur la base de soupçons concernant une infraction terroriste. Dans la mesure où un contenu en ligne constitue une provocation publique à commettre une infraction terroriste à l’aide d’explosifs artisanaux, cette directive impose aux États membres de prendre des mesures pour supprimer un tel contenu;
- le plan d’action de l’UE pour 2017 visant à améliorer la protection des
espaces publics qui fournit un cadre pour la coopération et le partage
d’informations (et de bonnes pratiques) entre les États membres en ce
qui concerne les menaces terroristes, notamment les explosifs artisanaux.
- A lire sur securiteinterieure.fr : Détection des drones utilisés à des fins terroristes, une des mesures du plan d’action de "sécurisation des espaces publics"
Et que dit l’étude préparatoire au texte ?
Conformément au programme de travail 2018 de la Commission prévoyant une éventuelle révision du règlement, une étude a été commandée pour analyser la situation actuelle, recenser les lacunes et les problèmes et évaluer l’impact d’éventuelles modifications de la politique.
L’évaluation a également mis en évidence un certain nombre de problèmes et de points à améliorer du cadre actuel.
Plus précisément, l’analyse a montré que le règlement ne couvre pas et ne définit pas clairement tous les précurseurs d’explosifs et parties prenantes concernés.
L’application et le contrôle du respect du règlement sont limités par l’absence de contrôles uniformes et la variété des modes de mise en œuvre des contrôles.
La fragmentation des régimes de contrôle à travers l’UE crée des difficultés en ce qui concerne la conformité des opérateurs économiques et pose un problème de sécurité.
Un potentiel de simplification et de réduction des coûts a été identifié, passant par une harmonisation plus poussée du système de restrictions et de contrôles, une clarification de l’obligation d’étiquetage ainsi qu’une accélération et un assouplissement de la procédure de l’UE permettant de modifier la liste des précurseurs d’explosifs faisant l’objet de restrictions.
Et enfin que prévoit concrètement la proposition ?
Afin de combler cette lacune en matière de sécurité, la Commission propose de renforcer les règles actuelles sur la commercialisation et l'utilisation de précurseurs d'explosifs en :
- interdisant des substances chimiques supplémentaires: la liste des substances interdites de nouvelles substances chimiques susceptibles d'être utilisées pour la fabrication d'explosifs artisanaux est élargie.
Étant donné que ces substances peuvent être obtenues aussi bien dans des points de vente physiques qu'auprès de détaillants en ligne et sur des marchés en ligne, les nouvelles règles s'appliqueront aussi intégralement aux ventes en ligne; - mettant fin aux systèmes d'enregistrement actuels: les nouvelles règles mettront un terme aux systèmes d'enregistrement dont certains États membres sont actuellement dotés.
Ces systèmes, considérés comme présentant des failles du point de vue de la sécurité, permettent à des membres du grand public d'enregistrer, sur simple présentation d'une carte d'identité, l'achat d'une substance faisant l'objet de restrictions.
Mais aussi ?
En outre, le texte :
- institue une procédure minutieuse d'octroi de licences et d'examen: les États membres peuvent choisir de se doter d'un système d'octroi de licences pour l'acquisition d'un nombre limité de substances faisant l'objet de restrictions qui pourraient avoir une utilisation légitime claire
Avant de délivrer une licence à un membre du grand public, chaque État membre devra vérifier la légitimité de cette demande et procéder à une enquête de sécurité approfondie, y compris à une vérification du casier judiciaire de l'intéressé; - améliore le partage d'information et en le rendant plus rapide: les nouvelles règles imposent aux entreprises une obligation de signaler toute transaction suspecte aux autorités compétentes dans un délai de 24 heures.
Le règlement prévoit notamment:
- l'amélioration des procédures de contrôle:
les États membres devraient : - systématiquement vérifier les antécédents de toutes les personnes sollicitant une autorisation d'exportation, notamment en utilisant le système européen d'information sur les casiers judiciaires (ECRIS) pour vérifier si l'intéressé a fait l'objet d'éventuelles condamnations pénales;
- consulter le système d'information sur le contrôle des exportations d'armes conventionnelles (COARM), qui contient les notifications de refus d'octroi d'une autorisation d'exportation,
- le renforcement des échanges d'informations:
Les États membres devraient : - fournir à la Commission des statistiques détaillées concernant l'importation et l'exportation d'armes à feu pour le 1er juillet de chaque année;
- faire un usage meilleur et plus systématique de l'information, notamment en :
- alimentant régulièrement le système COARM;
- en tenant une base de données nationale unique des autorisations et des refus.
synthèse de la proposition de règlement et du communiqué par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
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