A l’heure où le Conseil de l'UE tente de relancer la construction d’une Europe de la défense, en adoptant des conclusions sur la mise en œuvre de la stratégie globale en matière de défense (à lire sur securiteinterieure.fr : Nouvelle stratégie globale de sécurité : le "soft power" ne suffit plus dans un monde fragile), les députés européens s’apprêtent à approuver cette semaine une résolution dans laquelle ils plaident pour une "Union européenne de la défense" qui dépasserait la "politique européenne de la sécurité et de la défense" actuelle.
Pour le Parlement européen, le constat est simple : le coût de la non-Europe en matière de défense et de sécurité est estimé à 26,4 milliards d’euros par an.
Or, le contexte financier et de sécurité actuel exige une collaboration plus étroite des forces armées européennes. De surcroît, selon l’Eurobaromètre de juin 2016, près des deux tiers des citoyens sont favorables à une Europe de la défense.
La Parlement européen suggère donc pour une série de mesures, en premier lieu le lancement d’un processus régulier de livre blanc de la défense (à lire sur securiteinterieure.fr : Après le Livre blanc sur la défense, un Livre blanc européen ? et L'Assemblée nationale plaide en faveur d'un "Livre blanc européen sur la Défense").
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La ligne politique du Parlement européen
Pour le Parlement européen, la « politique européenne de sécurité et de défense » (PSDC) actuelle est une étape nécessaire pour accéder à l’ « Union européenne de la défense » (UED). Il s’agit de dépasser le cadre de la simple gestion des crises externes et :
- d’assurer concrètement la sécurité commune et la défense de l’espace de liberté, de sécurité et de justice tout entier ;
- de permettre à l’Union de pouvoir s’engager à toutes les étapes des crises et des conflits.
- l’activation de la coopération structurée permanente;
- la mise en œuvre du plan d’action de la stratégie globale sur la politique étrangère et de sécurité de la haute représentante.
Un monde particulièrement dangereux
Selon le Parlement européen :
- ces dernières années, la situation en matière de sécurité dans et aux abords de l’Europe s’est sensiblement dégradée ;
- l’Europe fait face à une menace terroriste sans précédent sur son territoire tandis que le terrorisme et le fléau d’une violence persistante continuent de s’étendre en Afrique du Nord et au Proche-Orient;
- le terrorisme, les menaces hybrides, l’instabilité économique, l’insécurité cybernétique et énergétique, la criminalité organisée et le changement climatique constituent les principales menaces pour la sécurité d’un monde chaque jour plus complexe et interconnecté.
Où en est-on ?
Un plan de mise en œuvre portant sur la sécurité et la défense a été présenté aux États membres par la haute représentante, en sa qualité également de vice-présidente de la Commission européenne et de chef de l'Agence européenne de défense, au cours du Conseil du 14 novembre 2016.
Le Conseil a adopté des conclusions sur la mise en œuvre de la stratégie globale de l'UE dans le domaine de la sécurité et de la défense. Dans ses conclusions, le Conseil définit des actions concrètes qui aideront l'UE et ses États membres à mieux répondre aux besoins actuels et futurs de l'Europe en matière de sécurité et de défense.
Le plan de mise en œuvre portant sur la sécurité et la défense fait partie du suivi de la stratégie globale de l'UE concernant les questions de politique étrangère et de sécurité. La haute représentante a présenté cette stratégie globale de l'UE intitulée "Vision partagée, action commune: une Europe plus forte" au Conseil européen le 28 juin 2016. Cette stratégie vise à orienter la politique étrangère et de sécurité de l'UE au cours des années à venir. Le Conseil a adopté des conclusions sur la stratégie globale le 17 octobre 2016.
L’échec de l’Europe de la défense due à l’absence de volonté des Etats
Le Parlement européen souligne le fait que :
- les États membres ont jusqu’à présent fait preuve d’un manque de volonté à développer une Union européenne de la sécurité et de la défense ;
- le traité de Lisbonne oblige les États membres à allouer les capacités nécessaires aux missions et aux opérations en matière de politique européenne de sécurité et de défense (PSDC) civiles et militaires; Or, le développement des capacités de sécurité et de défense est loin d’être optimal;
- les groupements tactiques de l’Union, qui ont atteint leur pleine capacité opérationnelle en 2007, n’ont pas encore été mis à contribution ;
- à l’exception de l’Agence européenne de défense (AED), aucun autre élément manquant de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union n’a pour l’heure été conçu, décidé ou mis en œuvre.
Instaurer un livre blanc de la défense
Le Parlement européen :
- invite à la rédaction d’un livre blanc de l’Union sur la sécurité et la défense, destiné renforcer davantage la politique européenne de sécurité et de défense (PSDC). Il s’agit de mettre au point d’un processus régulier de livre blanc, en vue d’une première application dans le cadre de la programmation du prochain cadre financier pluriannuel;
- estime que, sur la base de la stratégie globale de l’Union, le livre blanc devrait englober la stratégie de l’Union en matière de sécurité et de défense, les capacités jugées nécessaires pour le déploiement de cette stratégie ainsi que les mesures et les programmes au niveau tant des États membres que de l’Union qui permettent d’exploiter ces capacités.
Pour rappel, la présidence néerlandaise du Conseil a avancé l’idée d’un livre blanc de l’Union l’Union sur la sécurité et la défense. Les pays du groupe de Visegrad ont bien accueilli l’idée d’une intégration européenne plus forte pour ce qui est de la défense.
Plus exactement, il :
- demande à la haute représentante de lancer la rédaction de ce livre blanc de l’Union qui reposera sur la stratégie globale de l’Union approuvée par le Conseil européen ;
- Préconise un processus complet de livre blanc avec pour point de départ un plan de mise en œuvre sur la sécurité et la défense. Il estime que ce plan de mise en œuvre devrait préfigurer le processus conventionnel de livre blanc sur la sécurité et la défense, qui devrait fournir une base utile pour quantifier les contributions potentielles de l’Union en matière de sécurité et de défense pour chaque législature de manière spécifique et réaliste;
- est convaincu que le livre blanc de l’Union sur la sécurité et la défense devrait être le fruit de processus et contributions intergouvernementaux et interparlementaires cohérents des différentes institutions de l’Union, se fonder sur une coordination internationale avec les partenaires et alliés, de l’UE y compris l’OTAN;
- estime que le livre blanc devrait prendre la forme d’un accord interinstitutionnel à caractère contraignant dans lequel figurerait l’ensemble des initiatives, des investissements, des mesures et des programmes de l’Union tout au long du cadre politique et financier pluriannuel concerné de l’Union;
- est convaincu que les États membres, les partenaires et les alliés peuvent prendre cet accord interinstitutionnel en compte dans leur propre planification en matière de sécurité et de défense, afin d’assurer une cohérence et une complémentarité mutuelles.
Une gouvernance politique de la défense
Le Parlement européen
- souligne la nécessité d’établir un Conseil regroupant les ministres de la défense pour offrir une direction politique soutenue et définir le cadre d’une Union européenne de la défense;
- invite le président de la Commission à mettre en place un groupe de travail permanent sur les questions de défense, constitué de membres de la Commission et présidé par la haute représentante avec l’assistance du haut représentant adjoint;
- suggère de mettre en place :
- d'une stratégie définissant les grandes étapes de la constitution et de la mise en œuvre de l’Union européenne de la défense;
- d'un Semestre européen de la défense qui évaluerait les progrès accomplis dans les efforts budgétaires des États membres en matière de défense;
- d'une conférence des parties prenantes sur l’élaboration d’une politique européenne des capacités et de l’armement et l’harmonisation des politiques nationales respectives fondée sur un réexamen de la défense de l’Union;
- est d’avis que l’UED doit reposer sur une évaluation périodique conjointe des menaces de sécurité des États membres, mais doit demeurer suffisamment flexible pour répondre aux enjeux et aux besoins sécuritaires de chaque État membre;
- encourage les États membres à chercher des pistes supplémentaires d’acquisition, de maintenance et d’entretien communs des forces et du matériel. Il suggère qu’il pourrait s’avérer utile de s’intéresser en premier lieu à la mise en commun et au partage de matériel non létal, comme des véhicules de transport ou des avions, des véhicules et des avions de ravitaillement et autre matériel de soutien.
Vers une "coopération structurée permanente" sur la cyberdéfense
Le Parlement européen :
- demande instamment aux États membres de l’Union de mobiliser le potentiel complet du traité de Lisbonne notamment la « coopération structurée permanente » (CSP) et du fonds de démarrage;
- demande à la haute représentante de renforcer la coopération entre les stratégies, les capacités et les centres de commande de cybersécurité nationales et l’Agence européenne de défense (AED) dans le cadre d’une coopération structurée permanente afin de contribuer à la protection et à la lutte contre les cyberattaques;
- appelle de ses vœux la poursuite du développement du cadre stratégique de cyberdéfense de l’Union pour permettre l’augmentation des capacités de cyberdéfense, de la coopération opérationnelle et du partage d’informations des États membres.
Les financements de la nouvelle Europe de la défense
Le Parlement européen préconise :
- la création d’un fonds de lancement militaire qui accélérerait nettement le lancement des opérations militaires de la politique européenne de sécurité et de défense (PSDC);
- la réforme du mécanisme Athena visant à :
- augmenter son potentiel de partage des coûts et de financement commun, en particulier en vue du déploiement des groupements tactiques de l’Union ;
- à renforcer les capacités des acteurs militaires dans les pays partenaires (formation, encadrement, conseil, fourniture d’équipements, amélioration de l’infrastructure et autres services);
- un plan d’action pour renforcer et élargir le mécanisme Athena afin d’allouer plus de fonds de l’Union à ses missions.
Miser davantage sur la recherche
Le Parlement européen :
- prend acte des travaux en cours sur l’élaboration d’une action préparatoire pour la mise en place d’un programme de recherche de l’Union dans le domaine de la défense. Cette action, qui débutera en 2017 s’étendra jusqu’en 2019. Cette action devrait s’accompagner d’un budget d’au moins 90 millions d’euros pour les trois prochaines années (2017-2020);
- estime qu’il devrait être suivie d’un important programme de recherche financé par l’Union, qui ferait partie du prochain cadre financier pluriannuel débutant en 2021. Ce programme aura besoin d’un budget total d’au moins 500 millions d’euros par an pour la période 2021-2027 afin d’être crédible.
Une refonte des rapports UE-OTAN
Le Parlement européen :
- est d’avis que l’Union devrait jouer un rôle plus prépondérant dans les crises sécuritaires se déroulant dans son environnement immédiat, contribuant ainsi à la mission de l’OTAN, en particulier dans un contexte de guerre hybride et de sécurité maritime;
- souligne que le désir d’autonomie stratégique de l’Union ainsi que l’élaboration d’une Union européenne de la défense doivent être réalisés en synergie totale avec l’OTAN et mener à une coopération plus efficace, une répartition équitable des charges ainsi qu’une division productive du travail entre l’OTAN et l’Union;
- est convaincu de la nécessité, sur le long terme, d’une réforme des arrangements dits de «Berlin Plus», afin notamment de permettre à l’OTAN de faire usage des capacités et des instruments de l’Union.
Donner davantage de substance à l’Europe de la défense
Parmi les autres mesures que le Parlement européen suggère figurent :
- le soutien à l’initiative de l’OTAN qui déploiera des bataillons multinationaux dans les États membres au moment et à l’endroit voulus, en particulier pour le développement des infrastructures nécessaires (y compris l’hébergement);
- la réforme du concept de groupement tactique de l’Union aux fins de la constitution d’unités permanentes, indépendantes d’un pays pilote et invariablement soumises à la formation commune;
- un processus de réflexion sur les investissements étrangers directs dans les industries critiques dans le domaine de la défense et de la sécurité et sur les prestataires de services, en vue de l’élaboration d’une législation au niveau de l’Union;
- un processus de réflexion sur la normalisation du double usage, en vue de l’élaboration d’une législation au niveau de l’Union;
- une réflexion sur la création d’un état-major permanent de commande et de contrôle des opérations militaires de la politique européenne de sécurité et de défense (PSDC);
- un système à l’échelle de l’Union pour la coordination des mouvements rapides du personnel, des équipements et des fournitures des forces de défense.
synthèse de la résolution par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
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