Le Parlement européen vient de se prononcer dans une résolution approuvée cette semaine sur le "Programme européen de sécurité" présenté par la Commission en avril dernier (à lire sur securiteinterieure.fr : Le nouveau "programme européen de sécurité" préconise un "espace européen de sécurité intérieure" et un "centre européen de lutte contre le terrorisme), et ayant débouché sur la Stratégie européenne de sécurité intérieure 2015-2020 (à lire sur securiteinterieure.fr : La stratégie européenne de sécurité intérieure est officiellement renouvelée pour 2015-2020 !).
En substance, les députés européens saluent, dans ce texte adopté suite au drame de Saint-Quentin-Fallavier, l'initiative et approuvent le programme dans ses grandes lignes.
Cependant, échaudés par l'affaire "Prism", ils insistent sur le fait que les mesures de sécurité devraient toujours être appliquées dans le respect du principe de l'État de droit et de la protection des droits fondamentaux.
En outre, ils font remarquer que la dimension "justice" et "prévention" n'est pas suffisamment couverte dans le programme (à lire notre analyse sur securiteinterieure.fr : Les lourdes chaînes de Prométhée, réflexions critiques sur la Stratégie européenne de sécurité intérieure 2015 – 2020).
En somme assez de sécurité mais pas assez de liberté et de justice.
Une gouvernance de la sécurité européenne à améliorer
Les députés européens :
- insistent sur le fait que le programme devrait être structuré de manière souple pour répondre à d'éventuels nouveaux défis à l'avenir;
- soulignent que l'évolution rapide de la situation en matière de sécurité requiert une approche souple, qui puisse s'adapter et permette une réaction rapide, un renforcement des capacités techniques ainsi qu'un réexamen régulier des actions prioritaires énoncées dans le programme;
- précisent, à cet égard, qu'il serait possible de recourir à la Clause de solidarité, qui requiert que le Conseil européen procède à une évaluation régulière des menaces auxquelles l'Union est confrontée;
- préconisent une approche sur le modèle du "cycle politique de l'UE" (avec identification et évaluation des menaces et des vulnérabilités communes, définition des priorités politiques et développement de plans stratégiques et opérationnels, mise en œuvre effective des plans opérationnels, calendriers et résultats, et évaluation).
Cette approche pourrait apporter la cohérence et la continuité nécessaires dans la mise en œuvre du programme.
Par ailleurs, ils:
- déplorent qu'en dépit des nombreux appels lancés par le Parlement, une évaluation de l'efficacité des instruments existants de l'Union – notamment à la lumière des nouvelles menaces contre la sécurité de l'UE –, ainsi que des lacunes qui persistent fasse toujours défaut;
- estiment qu'un tel exercice est nécessaire pour s'assurer que la politique de sécurité de l'Union est efficace, nécessaire, proportionnée, cohérente et globale;
- invitent la Commission à faire de cette évaluation opérationnelle des instruments, des ressources et des financements de l'Union en vigueur en matière de sécurité intérieure, une mesure prioritaire de la feuille de route pour la mise en œuvre du programme.
Davantage de sécurité certes...
Le Parlement européen :
- se félicite de la priorité accordée par la Commission à la gestion des frontières, qui constitue un aspect essentiel de la prévention de la criminalité transfrontière et du terrorisme;
- constate que les
frontières entre sécurité extérieure et sécurité intérieure sont de plus
en plus floues et se félicite, par conséquent, de l'engagement pris par
la Commission de faire en sorte que les dimensions intérieure et
extérieure de la politique de sécurité opèrent de concert.
Il invite par conséquent la Commission et les États membres à évaluer régulièrement l'incidence du programme sur la stratégie de sécurité extérieure de l'Union et vice versa; - souligne que la menace du terrorisme endogène au sein de l'Union atteint des niveaux aussi inédits qu'inquiétants;
- insiste sur la nécessité de renforcer davantage les liens, les synergies et la cohérence entre eux, en particulier pour faire face aux nouvelles menaces, de nature hybride et transversale, auxquelles l'Europe est confrontée;
- rappelle qu'une plus grande attention devrait être accordée à l'évolution de la criminalité organisée transfrontière en ce qui concerne le trafic d'armes, la traite des êtres humains ainsi que la production et la vente de drogues illicite.
En outre, il :
- se félicite du travail accompli par du le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) contre la grande criminalité transnationale dans la lutte contre la cybercriminalité et la criminalité facilitée par l'usage de l'internet;
- invite la Commission à doter l'unité de signalement des contenus sur Internet d'Europol des ressources supplémentaires nécessaires à son fonctionnement plutôt que de procéder à des redéploiements internes de postes, y compris en ce qui concerne le personnel de l'EC3, lequel ne doit pas souffrir d'une manque de personnel;
- regrette que le projet de budget de la Commission pour 2016 ne prévoie qu'une augmentation d'environ 1,5 millions d'euros du budget d'Europol, qui ne la dote pas des moyens nécessaires pour mettre en place, comme prévu dans le programme, un Centre européen de la lutte contre le terrorisme et une unité de signalement des contenus sur Internet.
… Mais plus de droits fondamentaux
Des députés :
- estiment qu’il convient d'accorder une attention particulière à la nécessité de tirer les enseignements des nombreuses violations des normes et des valeurs européennes et universelles dans le cadre de la coopération en matière de sécurité intérieure et extérieure de l'après-11-septembre;
- saluent l'attention particulière accordée par le programme aux droits fondamentaux, et en particulier l'engagement de la Commission à effectuer une vérification rigoureuse de toute mesure proposée en matière de sécurité, non seulement en ce qui concerne les objectifs à atteindre, mais également la conformité au regard des droits fondamentaux;
- soulignent la nécessité pour la Commission d'associer à son évaluation tous les organismes et agences pertinents, et en particulier l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA), le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), Europol et Eurojust.
Surtout moins de surveillance...
Le Parlement européen :
- condamne les mesures qui entraînent la collecte à grande échelle, systémique et aveugle des données à caractère personnel de personnes innocentes, et font naître un risque élevé d'utilisation abusive des informations collectées à l'encontre d'adversaires politiques;
- se déclare profondément dubitatif quant à l'utilité des mesures de surveillance de masse lesquelles, souvent, "ratissent trop large" et, par conséquent, donnent lieu à un trop grand nombre de faux positifs et négatifs;
- met en garde contre le danger des mesures de surveillance de masse faisant oublier la nécessité d'investir dans des mesures répressives éventuellement moins onéreuses, plus efficaces et moins intrusives;
- insiste sur la nécessité d'améliorer le contrôle démocratique et judiciaire des services de renseignement des États membres; constate que le Parlement européen, la Cour de justice et le Médiateur ne disposent pas des pouvoirs suffisants pour effectuer un contrôle efficace des politiques européennes de sécurité.
... et davantage de justice
Le Parlement européen :
- considère que la liberté, la sécurité et la justice sont des objectifs qui doivent être poursuivis parallèlement; que, pour assurer la liberté et la justice, les mesures de sécurité devraient toujours respecter la démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux conformément aux principes de nécessité et de proportionnalité, et devraient faire l'objet d'un contrôle démocratique et d'une responsabilisation appropriés;
- constate avec regret que peu de mesures concrètes sont prévues dans le programme pour le renforcement de la dimension "justice";
- appelle à l'intégration et au développement de tous les aspects de la coopération judiciaire en matière pénale, y compris en renforçant les droits des suspects et des personnes poursuivies, des victimes et des témoins;
- demande qu'un juste équilibre soit trouvé entre politiques de prévention et mesures de répression en vue de préserver la liberté, la sécurité et la justice.
Enfin, plus de prévention et moins d’amalgames
Les députés :
- rejettent avec fermeté tout lien entre immigration illégale et terrorisme, et condamnent toute analyse entraînant une confusion entre Islam, d'une part, et terrorisme, insécurité et migrants, d'autre part;
- considèrent qu'un certain nombre de causes profondes de la criminalité, telles que la montée des inégalités, de la pauvreté des violences raciale et xénophobe et des crimes motivés par la haine, ne peuvent être traitées par les seules mesures de sécurité, mais qu'elles doivent être abordées dans un cadre politique plus large, comprenant des mesures plus efficaces au niveau social ainsi qu'au niveau de l'emploi, de l'éducation, de la culture et de la politique extérieure;
- font observer que le succès de la politique de sécurité doit s'attaquer aux facteurs sous-jacents de l'extrémisme tels que la radicalisation, l'intolérance et la discrimination, par la promotion de la tolérance politique et religieuse, le développement de la cohésion et de l'intégration sociales ainsi que l'aide à la réintégration;
- soulignent que la question de l'absence de voies d'entrée légales dans l'Union pour ceux qui y cherchent protection entraîne une demande constante de voies d'entrée illégales, ce qui représente un danger pour les migrants vulnérables nécessitant une protection internationale.
synthèse par securiteinterieure.fr
A lire par ailleurs sur securiteinterieure.fr:
- Stratégie de sécurité intérieure : le Parlement européen regrette (encore et toujours) sa mise à l’écart
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