C’est ce qui ressort d’un rapport de l’Assemblée nationale sur le Parquet européen au moment où le Parlement est en train de voter une loi visant à adapter la législation nationale à la création de ce Parquet.
Ce rapport, qui voit d’un bon œil ce nouvel acteur anti-fraude, estime que sa naissance, qui sera effective en mars 2021, opérera une petite révolution dans la coopération judiciaire européenne.
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La Parquet européen dans l’écosystème européen
Le Parquet européen est un organe intégré, dont la compétence s’impose aux États participants. Il se distingue en cela nettement d’Eurojust, qui n’a pas d’autorité judiciaire ni le pouvoir d’évoquer une affaire.
Eurojust est un support opérationnel, auquel les États choisissent ou non de recourir.
Ses outils principaux pour faire vivre la coopération judiciaire sont la constitution d’équipes communes d’enquête (ECE) et l’organisation de réunions de coordination entre les parties prenantes des États impliqués dans une forme grave de criminalité transfrontière.
La participation de pays tiers, comme la Suisse ou les États-Unis, est une richesse de cette organisation.
Le Parquet européen est un organe indépendant complexe, doté de la personnalité juridique.
Sa création répond à la nécessité de disposer d’un organe européen doté des pouvoirs dont l’OLAF reste dépourvu : des pouvoirs non seulement supplémentaires, mais également de nature différente, propres aux organes judiciaires d’enquête et de poursuite.
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Europol, l’agence européenne de police criminelle, doit entretenir des liens étroits avec le Parquet en fournissant informations ou aide à l’analyse (article 102 du Règlement instituant le parquet européen).
La création d’un Centre européen de lutte contre la criminalité financière et économique (EFECC) par l’Agence en juin 2020 s’inscrit dans une volonté marquée de soutien opérationnel dans ces domaines).
Cette unité de lutte répond aussi au constat fait par Europol d’une plus grande vulnérabilité des États à la fraude aux subventions publiques durant la pandémie.
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Le Parquet européen n’est pas un tribunal. Les affaires dont sont saisis les PED relèvent de la compétence des juridictions nationales et sont jugées par des magistrats du pays concerné.
Par ailleurs, au-delà du contrôle juridictionnel exercé par la Cour de justice, les actes de procédure du Parquet européen qui sont destinés à produire des effets juridiques à l’égard de tiers sont soumis au contrôle des juridictions nationales compétentes.
Un « super Parquet délégué »
À l'échelon déconcentré, au sein de chaque État membre participant, des procureurs européens délégués seront chargés du suivi opérationnel des enquêtes et des poursuites.
Ils agiront au nom du Parquet européen dans leur État membre respectif à partir des orientations et des instructions de la chambre permanente chargée de l'affaire et du procureur européen chargé de la surveillance.
Le PED exercera les prérogatives reconnues au procureur de la République qui, dans le procès pénal, conduit l’action publique. Les pouvoirs particuliers du PED se reflètent dans la sa attribution, qui pourra prendre des mesures relevant, habituellement, de la compétence du juge d’instruction. Cependant, lorsqu’il se situera dans ce cadre, il lui faudra saisir le juge des libertés et de la détention (JLD) afin d’obtenir qu’il prenne les mesures les plus attentatoires aux libertés, comme l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) ou le placement en détention provisoire.
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L’ouverture d’un débat portant sur l’existence du juge d’instruction en droit français est redoutée par une partie des organisations représentant les magistrats.
Pourtant, le parti pris du ministère de la justice français a consisté à ne pas créer de nouveau statut en droit français, mais bien à s’appuyer sur les fonctions existantes de procureur de la République et de juge d’instruction pour définir les missions du PED. Ce projet de loi n’est donc pas, en la matière, porteur de grands bouleversements.
Le Parquet européen dans l’écosystème judiciaire français
Toujours concernant la France, le projet de loi prévoit que ce sont les juridictions de jugement de Paris (tribunal judiciaire et cour d’appel) qui seront saisies, exerçant ainsi une compétence nationale.
Cette spécialisation est de bon aloi et correspond à un mouvement de fond de regroupement de contentieux spécialisés au sein de juridictions désignées. Les acteurs de la justice, au premier rang desquels les magistrats, peuvent ainsi développer une compétence particulière sur des matières techniques.
Doté de l’ensemble des prérogatives du procureur de la République, le procureur européen délégué pourra avoir recours aux mesures alternatives aux poursuites, comme la convention judiciaire intérêt public (CJIP) créée par la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 ».
Cet outil pourra se révéler un outil précieux pour démontrer son efficacité par la récupération plus rapide des sommes litigieuses.
Une indépendance renforcée vis-à-vis des ingérences politiques
En droit français, les procureurs ont un statut particulier très différent des magistrats du siège. Ils sont des fonctionnaires placés dans une situation de stricte subordination à l’égard du ministre de la justice et mettent en œuvre, sur le plan opérationnel, la politique pénale déterminée par le gouvernement.
La question de la clarification du statut du parquet fait l’objet de débats depuis plus de vingt ans.
Les dispositions du code de procédure pénale relatives au lien hiérarchique ne s’appliqueront pas aux PED, ce qui permet de contourner la problématique de l’indépendance du ministère public français. Les PED seront des magistrats placés en position de détachement.
Ils ne pourront recevoir aucune instruction générale ou individuelle de la part de la direction des affaires criminelles et des grâces. En cela, leur absence de subordination aux autorités desquelles les procureurs français sont soumis est conforme à l’esprit du règlement de 2017.
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Au-delà de cette garantie statutaire, les PED disposeront également de certaines garanties juridictionnelles de leur indépendance.
La procédure de dessaisissement d’un PED est encadrée et ne peut être décidée que par la chambre permanente dans le cas où un PED serait dans l’impossibilité de conduire une enquête.
Les révocations ou sanctions disciplinaires à l’égard d’un PED pour des raisons liées à ses responsabilités au sein du Parquet européen ne sont possibles qu’avec le consentement du chef du Parquet.
Concernant la poursuite de la carrière des PED, les autorités nationales « s’abstiennent de toute action ou politique pouvant influer négativement sur leur carrière ou leur statut au sein du ministère public national » (selon le Règlement instituant le Parquet européen).
Selon le rapport, il semble probable que l’exercice du rôle de PED sera plutôt au bénéfice de l’évolution de carrière des magistrats concernés.
Seulement 5 Français sous la casquette « PED »
Le doublement du budget du Parquet européen s’explique principalement par la forte augmentation du nombre de PED.
Initialement fixé à 40 pour l’ensemble des États participants, ce nombre a été porté à 140, permettant l’instauration d’un réseau décentralisé plus solide.
La question de leur répartition a fait l’objet de discussions, le ministère de la justice ayant d’abord annoncé que l’équipe de France ne compterait que 2 PED, soit le minimum prévu par le Règlement instituant le Parquet européen.
L’Italie en prévoit 20 et l’Allemagne 11, répartis pour dix d’entre eux sur l’ensemble du territoire, le onzième étant placé auprès du parquet fédéral à Karlsruhe.
Au-delà de l’enjeu d’influence au sein du Parquet européen, le rapport précise que la comparaison avec les autres États est aussi pertinente pour définir le volume d’affaires concernées.
Le montant des infractions détectées sera au moins partiellement corrélé au produit intérieur brut (PIB) concernant les fraudes à la TVA, et au montant des subventions européennes perçues concernant les détournements de fonds publics et les faits de corruption.
Il est désormais attendu que la France dispose de 5 PED, dont un chef de service, un chiffre qui détonne moins avec les choix opérés par les autres grands pays européens.
Le rapport commande néanmoins qu’au terme d’une année de travail du Parquet européen, le ministère de la justice dresse un bilan de la charge de travail incombant aux PED français, afin d’évaluer le choix opéré en termes d’effectifs.
Une complémentarité Parquet européen et Parquet national financier
Le Parquet national financier (PNF), doté d’une compétence nationale, est spécialisé dans les enquêtes pénales les plus complexes dans le domaine de la délinquance économique et financière.
Les rapports entre le Parquet européen et le PNF sont étroits :
- les PED auront à connaître de matières par nature connexes à celles qui relèvent, en France, de la compétence des procureurs financiers.
- le PNF, comme le Parquet national antiterroriste (PNAT), constitue un précédent en droit français de magistrats spécialisés à compétence nationale.
Cette proximité entre les deux parquets n’a pas échappé au gouvernement, qui propose de mutualiser les locaux et les fonctions supports actuellement à la disposition du PNF, s’agissant du greffe comme des assistants spécialisés.
Un premier vice-procureur du PNF s’est vu confier une mission de préfiguration visant à préparer l’insertion des PED dans leur nouvel environnement. L’enjeu est de créer de bonnes conditions d’accueil tout en veillant à ne pas créer de lien hiérarchique qui n’a pas lieu d’exister.
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Facteur potentiel de frictions, le rapport estime que la potentielle concurrence entre les deux organes de poursuites n’aura probablement pas lieu.
En effet, leurs compétences matérielles, si elles sont proches, ne devraient pas conduire à une dépossession du PNF de son contentieux. Le PNF est actuellement chargé de 600 dossiers, là où le Parquet européen devrait s’en voir attribuer à terme 60 à 100, selon l’étude d’impact.
synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
A lire également :
- Règlement de 2017 instituant le Parquet européen
- Projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
- Exposé des motifs
- Etude d'impact
- La page du Parquet européen sur Vie publique
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