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lundi 9 janvier 2017

Selon Europol, le nombre de terroristes présumés arrêtés a plus que quintuplé en seulement 4 ans (TE-SAT 2016)


"L'état de l'insécurité global pour la sécurité de l'Union européenne s'est accru au cours des dernières années et la tendance est une pente ascendante". Voilà qui n'est pas de bonne augure d'après le dernier rapport sur la menace terroriste. Toujours d'après ce même rapport, le nombre de personnes suspectes arrêtées en Europe pour terrorisme djihadiste a plus que quintuplé entre 2011 et 2015. Sans surprise, la principale préoccupation sécuritaire reste ce type de terrorisme. Quant à la France, elle bat un record : 377 arrestations pour terrorisme djihadiste en 2015, soit plus de la moitié du nombre total de personnes arrêtées en Europe.


Cette nouvelle édition de ce rapport européen sur l'état de la menace terroriste (TE-SAT), qu' Europol produit chaque année depuis 2006, donne un aperçu des attaques terroristes échouées, déjouées et réussies qui ont eu lieu dans l'UE en 2015. Il est devenu évident que l'Europe est actuellement confrontée à une menace croissante émanant de groupes et d'individus djihadistes. Selon ce rapport, l'État islamique (El) a démontré sa capacité à frapper. Sa prééminence au sein du «jihad mondial», ne doit pas occulter le fait que la menace que font peser d'autres groupes militants djihadistes n'a pas diminué. La menace globale est renforcée par un nombre important de combattants européens partis au Moyen-Orient et rentrant chez eux.


Au total en 2015,
  • 151 personnes sont mortes et plus de 360 ont été blessées à la suite d'attaques terroristes dans l'UE
  • l'État islamique a introduit la tactique de porter des ceintures de suicide dans des attaques
    l'UE
  • 211 attaques terroristes échouées, déjouées et complétées dans les États membres
  • 1077 personnes arrêtées dans l'UE pour des infractions liées au terrorisme

Le rapport souligne aussi que :
  • les cellules terroristes actuellement en activité dans l'UE sont principalement basées dans l'UE, y compris au plan local
  • parmi le terrorisme domestique, le long processus de radicalisation cède le pas à un recrutement rapide
  • dans la sélection des cibles, l'Etat islamique semble avoir une préférence pour les cibles molles parce qu'elles sont plus efficaces que les attaques contre les cibles type infrastructures critiques, militaires ou policières.
  • la nature et la structure en matière de formation permettent apparemment à ses opérateurs (y compris les rapatriés - les "revenants") d'accomplir des actes terroristes d'une manière telle qu'ils ont dénués de toute émotion.

Nombre d'attaques terroristes (en foncé) et d'arrestations (en clair) en Europe

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Selon un postulat généralement accepté, l'EI conserve et la volonté et la capacité d'agir par de nouvelles attaques dans l'Union européenne, à travers ses groupes ou par l'intermédiaire d'individus isolés. Il faut noter que l'EI n'est pas la seule organisation terroriste qui possède une telle capacité et volonté. Al-Quaida et/ou Al-Nusra et leurs fidèles continuent d'être une menace sérieuse.


Nombre d'arrestations pour terrorisme d'inspiration djihadiste en Europe

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Tous les Etats-membres parties à la coalition initiée par les Etats Unis contre l'EI sont des cibles potentielles, particulièrement la France et la Belgique. En effet, la France est une cible symbolique, particulièrement impliquée dans la lutte. Elle possède une vision spécifique de la laïcité, connait un phénomène important de communautarisation et produit un nombre important de "combattants" de l'EI. Ces Etats sont perçus comme des cibles "légitimes" aux yeux de l'organisation en raison de cette coalition. On observe donc une préoccupation grandissante de ces Etats face à de possibles attaques en Union européenne.

Il est tout d'abord nécessaire de distinguer les groupes organisés et les individus isolés ainsi que les personnes dirigées par l'EI de celles incitées par l'organisation pour dégager les nouvelles caractéristiques du terrorisme contemporain. Il semble ainsi que la priorité soit actuellement donnée à l'utilisation des individus isolés et "coachés" mais non dirigés stricto sensu. Les attaques sont donc principalement pensées et préparées par des individus inspirés par l'EI plutôt qu'organisées par l'organisation elle-même. Cependant, des équipes sont rassemblées afin de les entrainer en Syrie et en Lybie pour ensuite les envoyer en Europe. L'EI a depuis deux ans créé un réseau terroriste extérieur, spécialisé dans la coordination et la direction des opérations en Union européenne, appelé "Emni". Il existe alors un phénomène de déplacement des terroristes "occidentaux" vers et depuis les zones de conflits. Les membres de l'organisation utilisent différents moyens pour voyager. Les flux migratoires offrent un moyen de déplacement peu onéreux aux membres "interchangeables", les petites mains. Il suffit en effet qu'une partie d'entre eux franchisse les frontières. Concernant les membres plus importants, il s'agit plutôt d'utiliser des documents de voyages, falsifiés, contrefaits ou véritables, dont ceux récupérés dans les gravats des zones de conflits.

Nombre d'attaques terroristes et d'arrestation en Europe entre 2013 et 2015
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Les attaques terroristes perpétrées dans l'Union européenne et l'utilisation des flux migratoires aux fins d'infiltration ont un intérêt supplémentaire puisqu'elles sont susceptibles de compromettre la prise en charge des réfugiés syriens. Cela risque en effet d'inciter les Etats-membres à changer leur politique d'asile. De plus, la situation de vulnérabilité de ces personnes en font des candidats potentiels à la radicalisation. Enfin, concernant les mouvements de population, le fait que l'EI ait connu ou est susceptible de connaître certaines déconvenues en Syrie et en Irak soulève un autre problème. Cela peut en effet engendrer une augmentation importante du taux de retour des combattants et de leur famille vers l'Union européenne. En raison du nombre significatif de personnes concernées, il existe un risque potentiel qui représente un enjeu de sécurité important à long terme.

Ensuite, il faut noter que les cibles ont, elles aussi, évolué. La tendance actuelle veut désormais que l'on cible plus particulièrement la population civile dans les territoires européens. En effet, la priorité consistait originellement à s'approprier des territoires et des ressources locales en zones de conflit, ainsi qu'à se focaliser sur les pouvoirs publics au travers des attaques dirigées contre des lieux symboliques. Il est aujourd'hui explicitement appelé à combattre sur les territoires de l'UE, des Etats Unis ou du Canada etc… contre les populations civiles et ce, par tous moyens. La stratégie de l'EI s'est en quelque sorte "internationalisée". On a ainsi pu observer une augmentation des antennes terroristes à l'ouest. Cela ne veut pas pour autant dire que les populations musulmanes, y compris dans des Etats musulmans, ne peuvent être visées. L'EI parle d'ennemi de l'intérieur à combattre. La période du Ramadan a été l'occasion d'une recrudescence des attaques portées contre ces personnes.

Nombre de personnes suspectes arrêtées pour terrorisme djihadiste entre 2011 et 2015
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De fait, les attaques perpétrées deviennent plus rapides et effectives. L'échelle d'impact est devenue plus importante en raison des lieux choisis, du nombre de personnes touchées, de la médiatisation qui en est faite et de l'impact psychologique de ces attaques. L'impact économique sur le tourisme, les investissements étrangers et le coût des mesures de sécurité est aussi un élément important pris en considération. Le maître mot est devenu l'efficacité. Le but avoué est de nourrir un sentiment d'insécurité et de créer un contexte de méfiance général pour diviser la société occidentale.

D'autre part, pour ce qui est des méthodes de combat et des armes employées, le scénario le plus probable est le maintien du même modus operandi dans les zones de conflits. Toutefois, l'EI a démontré un nouvel intérêt pour les armes chimiques ou biologiques et a déjà utilisé du gaz moutarde en Syrie. Ce phénomène devra être surveillé. Concernant d'hypothétiques cyberattaques, l'EI ne semble pas encore disposer des capacités et moyens nécessaires et n’y trouverait en vérité qu'un intérêt modéré : ses cibles étant devenues les individus. Pour le moment, l'usage des mêmes armes que dans les précédentes attaques est à prévoir, notamment pour des raisons de facilité de production, d'acquisition, d'utilisation et d'efficacité avérée de celles-ci. Les armes à feu automatiques et l'emploi d'explosif "fait maison" continuent à être privilégiés. La nouveauté consiste plutôt en la potentielle importation de ces méthodes en Europe, comme l'usage de voitures piégées, de grenades, de lance-rockets, etc... Le relatif faible coût, l'efficacité et la facilité de répétition des moyens employés pourraient inciter les individus isolés à les adopter. Ils en seraient d'autant moins prévisibles.

Nombre de personnes jugées pour terrorisme (djihadiste ou non) entre 2013 et 2015

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Il est ici utile de rappeler qu'il existe un fort lien entre criminalité organisée et terrorisme. Un grand nombre de personnes venant d'Europe et fichées comme terroristes l'ont auparavant été pour leur appartenance au milieu du crime. La plupart du temps en tant que petites-mains. Cependant, les contacts entre les deux milieux restent en général de l'ordre du pragmatisme et de l'opportunisme. Cela semble logique, les philosophies animant ceux-ci étant opposées : l'EI voulant s'exposer et détruire la société occidentale, la criminalité organisée voulant s'y fondre et l'utiliser. C'est simplement un moyen pour l'EI de se procurer plus facilement armes, transports, spécialistes et même de potentielles recrues. Certains membres de l'organisation EI ont toutefois des activités criminelles autres que le terrorisme mais il s'agit de générer des fonds pour le fonctionnement de l'organisation ou alors pour leur profit personnel.

Un autre élément symptomatique du terrorisme contemporain est l'appréhension par l'EI des médias à disposition. L'EI a su y trouver un débouché efficace pour la médiatisation de ses activités, diffuser sa propagande et même lever des fonds. La mise en récit, le choix de personnes pour leur talent d'orateur et la diversité des moyens informatiques employés (Périscope, Face Book, Twitter, le deep web, etc...) sont des traits caractéristiques de la méthode de communication de l'EI. Le discours est adapté à chaque auditoire, que ce soit par l'utilisation de langues différentes, l'ajustement culturel du discours, l'utilisation de codes intériorisés par la jeunesse, etc… Pour ce qui est des individus sur le territoire européen, ceux-ci se servent du cryptage, d'application "à usage unique" et des différentes plateformes de communication, passant de l'une à l'autre ou en les utilisant parallèlement, pour préparer leurs attaques. La dernière nouveauté est l'usage d'une adresse mail consultable par tous les intéressés, où les messages étaient écrits mais jamais envoyés.



Concernant la radicalisation des personnes, la religion ne semble pas être le facteur principal. Les européens radicalisés n'avaient pas forcément une pratique stricte de l'Islam mais se sont radicalisés sur une courte période par intervention d'un recruteur ou via internet. Ils n'ont ainsi en général qu'une connaissance parcellaire et subjective de la religion. Les djihadistes "occidentaux" sont en principe de jeunes hommes ayant un passé criminel et qui ont été ou se sont sentis, à un moment de leur vie, discriminés, humiliés et/ou marginalisés. Les facteurs radicalisants couramment observés sont alors les problèmes d'identité ou psychologique de la personne, la déscolarisation et le manque d'éducation, le chômage, le complexe d'infériorité, la focalisation de ces personnes sur des évènements touchant leur communauté ou sur un groupe de personnes, la perte d'un être cher, d'un ami ou d'un proche. La religion n'est donc pas le premier facteur de radicalisation mais un "tremplin", une "opportunité", pour se démarquer et devenir "quelqu'un".

Le rapport conclut cette analyse en appelant à un échange plus important d'informations entre les Etats-membres de l'Union européenne pour mieux connaître, anticiper et contrer les activités de l'EI et autres organisations terroristes.

(synthèse et traduction du texte de Valentine Hagenbach du Master Droit pénal de l'Union européenne de l'Université de Strasbourg, sous la supervision de Pierre Berthelet alias par securiteinterieure.fr)



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