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lundi 5 décembre 2016

Délinquance routière : les Européens continuent toujours à ne pas payer leurs amendes pour des infractions commises à l’étranger





Sanctionner des infractions routières commises par des Français à l’étranger ou sanctionner des étrangers pour des infractions commises en France, voilà le but de la «directive CBE». En 2014, 1 infraction sur 20 était commise par des non résidents (soit 10 millions d’infractions). Cela fait 2 infractions par contrevenant non-résident (à lire sur securiteinterieure.fr : Sécurité routière : l'Europe des PV critiquée par la Cour de justice).
Or, selon un rapport rendu tout récemment, cette directive CBE a eu une incidence positive : le nombre d’enquêtes concernant des infractions routières commises par des non-résidents a été multiplié par 4 en 3 ans (entre 2013 et 2015).
Reste un (gros) point noir : dans près de la moitié des cas, il s’est avéré impossible l'exécution des amendes. Le taux de ce recouvrement est même dramatiquement bas, puisqu’il varie entre 0 et 1 %.

À quoi sert cette directive ? 

La directive CBE vise à assurer un niveau élevé de sécurité routière dans l’Union en facilitant l’échange transfrontalier d’informations concernant les infractions routières. Pour ce faire, la directive prévoit l’utilisation d’un système d’information électronique permettant aux États membres de l’UE d’effectuer des recherches automatisées sur les données relatives à l’immatriculation des véhicules. Le but est d’identifier le propriétaire du véhicule avec lequel l’infraction a été commise.

La directive CBE couvre en effet les 8 infractions les plus importantes en matière de sécurité routière : l’excès de vitesse, le défaut de port de la ceinture de sécurité, la conduite en état d’ébriété et sous l’influence de stupéfiants, et l’usage illicite d’appareils de communication (distraction).
La directive impose à chaque État membre de désigner un point de contact national chargé de permettre aux points de contact nationaux des autres États membres de faire des recherches dans le système d’information en utilisant le numéro de plaque d’immatriculation complet du véhicule en question.

Après avoir identifié le propriétaire du véhicule, l’État membre du lieu de l’infraction décide ou non d’engager des poursuites. La directive CBE précise de quelle manière l’infraction doit être notifiée à la personne concernée et fournit un modèle (non obligatoire) de la lettre à envoyer.
 Cette lettre doit être rédigée dans la même langue que le document d’immatriculation du véhicule ou la langue officielle de l’État membre où le véhicule est immatriculé.

Quelle est la procédure ?

Les principales étapes sont :
  • L’infraction est constatée.
  • Les éléments de l’infraction sont établis.
  • Le propriétaire du véhicule est identifié.
  • Des éléments de preuve sont recueillis.
  • Si l’État membre du lieu de l’infraction décide d’engager des poursuites. La police adresse un procès-verbal (ou une lettre de notification) au contrevenant.
  • Le contrevenant présumé paie l’amende
  • En cas de non-paiement de l’amende, si l’État membre du lieu de l’infraction décide d’engager des poursuites.
  • L’État membre auquel la décision est envoyée (éventuellement) reconnaît la décision et impose la sanction.
La directive CBE joue un rôle crucial uniquement aux étapes 3 et 5. Les affaires où le contrevenant refuse de payer une pénalité financière sont couvertes par la décision-cadre 2005/214/JAI concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires.

Le point noir : 50% des infractions non poursuivies

Les procédures en cas de non-paiement d’une pénalité financière pour les infractions routières devraient se fonder sur des critères communs. Le problème est que dans près de 50 % des infractions routières, il n’est actuellement pas possible d’obtenir l’exécution des sanctions.
Les motifs ?
  • l’absence d’assistance mutuelle et de coopération entre les États membres lorsqu’il s’agit de poursuivre des infractions routières après l’échange des données relatives à l’immatriculation des véhicules;
  • le fait que bien souvent, les arrêts rendus par les États membres dans des affaires de non-paiement d’une pénalité financière pour ces infractions ne relèvent pas de cette décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil. 

Le gros point noir : entre 0 et 1% de sanctions payées

L’impact de la directive CBE est fermement ancré dans la capacité à améliorer l’identification des contrevenants non-résidents. Le nombre d’enquêtes concernant des infractions commises par des non-résidents a pratiquement quadruplé entre 2013 et 2015 mais, pour la Commission, il est possible d'accroître l’utilisation du système électronique d’échange d’information : dans près de la moitié des cas, il s’est avéré impossible d’obtenir l’exécution des sanctions.

Le nombre de décisions mutuellement reconnues qui relèvent de cette décision-cadre (concernant les infractions routières) est extrêmement faible. Sur l’intégralité des pénalités financières qui ne sont PAS payées VOLONTAIREMENT, le taux d’exécution des sanctions varie entre 0 et 1 %.
Pour la Commission, il apparaît que les procédures prévues ne sont pas adaptées à la situation actuelle où des millions de sanctions financières pour des infractions routières constatées attendent d’être exécutées.
La barrière juridique la plus importante tient notamment :
  • aux différences qui existent entre les États membres en matière de qualification normative des infractions routières (entre qualification pénale et administrative),
  • leur impact sur les procédures nationales et les droits accordés aux contrevenants présumés. 

À l’heure actuelle, les décisions des États membres sur les pénalités financières ne peuvent être reconnues que si les infractions routières sont qualifiées d’infractions pénales.
Malgré l’interprétation récente de la Cour de justice de l’Union européenne, il semble qu’en raison d’une incertitude juridique persistante, les autorités administratives des États membres aient du mal à déterminer si les tribunaux des autres États membres rendant les décisions peuvent être qualifiés de « tribunaux ayant compétence en matière pénale ».

Une directive efficace sur l’insécurité routière ?


Pour la Commission, la directive CBE constitue un outil efficace avec un potentiel important d’amélioration de la sécurité routière.
Elle a eu une incidence positive sur l’exécution transfrontalière des sanctions: le nombre d’enquêtes concernant des infractions routières commises par des non-résidents a pratiquement quadruplé entre 2013 et 2015.

Mais d’autres facteurs sont à prendre en compte (défaillances techniques des véhicules, infrastructures routières, intempéries et le changement climatique, l’augmentation des cyclistes, les pratiques en matière de contrôle) concourent à l’absence de baisse sensible du nombre total de victimes de la route observée depuis 2014.
Les données fournies sur les infractions routières pour 2013-2014 n’indiquent pas de corrélation claire entre la directive CBE et le respect des règles de circulation routière par les usagers de la route non-résidents, d’où l’impossibilité de fournir des preuves concluantes de l’impact de la directive dans ce domaine.

Faut-il harmoniser les normes des radars et élargir la directive à d’autres infractions routières ?

En raison de l’utilisation accrue d’équipements de contrôle automatique, la Commission envisage d’inclure dans le champ d’application de la directive l’absence de maintien d’une distance suffisante avec le véhicule qui précède, les dépassements dangereux et les stationnements dangereux.
En revanche, elle est plus réservée quant à l’ajout des infractions au péage pour des questions juridiques. Cela vaut également pour les stationnements irréguliers liés au non-paiement de taxes ou de charges municipales, et à la violation d’arrêtés municipaux qui ne sont pas en lien avec la sécurité routière.

L’évaluation n’a pas relevé de refus de preuves produites par des équipements de contrôle automatique pour cause d’absence de fiabilité de l’équipement. Toutefois, les risques de contestation pourraient s’accentuer.
La Commission envisage donc la possibilité de normes harmonisées au niveau européen, des procédures d’homologation des équipements de contrôle automatique (par ex. étalonnage de l’équipement).
Le but est d’accroître la fiabilité des équipements.

Des données incomplètes. Les Etats font-ils leur job ?

D’après l’étude d’évaluation externe, le nombre total d’infractions constatées couvertes par la directive CBE et commises par des véhicules non-résidents/étrangers dans l’UE est estimé à 10 millions pour 2014 (les États membres qui avaient fourni des données pour 2014 avaient constaté environ 5 millions de contrevenants non-résidents).
Il convient de rapporter ce chiffre aux 200 millions d’infractions routières relevant de la directive CBE (commises par des résidents et des non-résidents) qui auraient pu être constatées en 2014.

Les États membres sont tenus de communiquer un rapport complet sur l’application de l’échange des données relatives à l’immatriculation des véhicules (statistiques disponibles sur les infractions visées par la directive CBE, nombre de recherches automatisées effectuées par l’État membre ayant constaté l’infraction (État membre déclarant), adressées au point de contact national de l’État membre d’immatriculation (recherches sortantes).
Tous les autres États membres (sauf 3). Or, la Commission a jugé incomplètes les données communiquées et il a fallu sensiblement étayer les informations reçues par des enquêtes et des recherches documentaires.

Le système EUCARIS est-il suffisamment exploité ?

Les États membres utilisent le système d’information électronique EUCARIS (Système d’information européen concernant les véhicules et les permis de conduire) pour l’échange des données relatives à l’immatriculation des véhicules.
Avant sa mise en œuvre, les États membres n’enquêtaient que de manière occasionnelle sur les infractions routières commises par des non-résidents, en vertu d’accords mutuels.
L’échange des données relatives à l’immatriculation des véhicules se faisait généralement sur papier. L’échange en ligne automatisé des données relatives à l’immatriculation des véhicules par le biais d’EUCARIS, permet l’obtention quasi immédiate des informations requises. Il a eu un impact positif sur l’exécution transfrontalière des sanctions: le nombre d’enquêtes concernant des infractions routières commises par des non-résidents (recherches sortantes) a pratiquement quadruplé entre 2013 et 2015.

2 millions de recherches sortantes ont été réalisées en 2015. Ce résultat suggère que la moitié du nombre total d’infractions commises par des non-résidents ont fait l’objet d’une enquête par une recherche dans le système.
Selon la Commission, ce chiffre est considéré comme faible face au potentiel bien plus élevé que présente le système. Sur les 28 États membres, 18 étaient connectés au système en 2015, et en novembre 2016, 23 des 28 États membres y étaient connectés.

synthèse du rapport par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr 


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