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lundi 29 août 2016

Lutte contre la criminalité organisée en Europe, la France est en milieu de tableau


La Commission européenne a rendu public cet été un rapport de transposition de la décision-cadre de 2008 relative à la lutte contre la criminalité organisée. Aux JO de la lutte contre la criminalité organisée en Europe, pas de médaille d'or pour la France cependant.
Comparé aux autres Etats membres, elle se trouve en milieu de classement. Par exemple,
concernant l’infraction relative à la participation à une organisation criminelle, la durée d’emprisonnement est de 5 ans en France (contre 2 ans pour un Etat membre et entre 8 et 17 ans pour un autre).

Cela étant dit, à la lecture du texte, il est difficile de distinguer clairement les lacunes des Etats en matière de transposition. La Commission est vague à ce sujet et elle ne dresse pas véritablement de bilan global.
Elle reste évasive sur les faiblesses de même que sur la marche à suivre. Elle se contente de déclarer que "
concernant l'état de transposition général, de nombreux points pourraient nécessiter des éclaircissements supplémentaires en vue de la bonne mise en œuvre du texte", "la Commission offrira son soutien aux États membres pour atteindre un niveau satisfaisant de mise en œuvre du texte. Elle engagera des dialogues bilatéraux avec les États membres" ou encore que "le présent rapport contribuera également à l’évaluation de la nécessité et de l’opportunité d’un réexamen de la décision-cadre".

D'où vient-on ?

Les premières mesures prises par l’Union européenne en vue de l’incrimination des infractions liées à une organisation criminelle remontent à 1988, avec l’adoption de l’action commune 98/733/JAI relative à l’incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les États membres de l’Union européenne

Cet instrument, adopté par le Conseil l’Union européenne, a introduit une définition de la criminalité organisée dans le droit international. Cette action commune a été suivie par la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée le 15 novembre 2000. Cette convention est devenue le principal instrument international de lutte contre la criminalité transnationale organisée.
 
Le 19 janvier 2005, la Commission a présenté une proposition de décision-cadre relative à la lutte contre la criminalité organisée. Celle-ci visait à amplifier les résultats de l’action commune 98/733/JAI et de la convention de l'ONU, par une cohérence accrue dans le rapprochement des législations, afin de lutter plus efficacement contre la criminalité organisée à l’échelle de l’Union européenne.
L’issue des négociations s’est avérée moins ambitieuse que la proposition initiale. La Commission, soutenue par la France et l’Italie, a décidé de publier une déclaration remettant en question la valeur ajoutée de l’instrument du point de vue de la réalisation du rapprochement minimal nécessaire.

Et dans le détail ?

Plusieurs divergences concernant la transposition de la décision-cadre dans les États membres   peuvent être imputées, dans une large mesure, aux différences de traditions juridiques. La Commission estime que la décision-cadre ne réalise pas le rapprochement minimal requis en ce qui concerne la direction d'une organisation criminelle et la participation à celle-ci, basé sur un concept unique d’une telle organisation. 
Ainsi, la Commission considère que la décision-cadre permet aux États membres de ne pas introduire le concept d’organisation criminelle, mais de continuer à appliquer le droit pénal national existant, en recourant aux règles générales relatives à la participation à des infractions spécifiques et à la préparation de ces dernières. Cela risque de créer d’autres divergences dans la mise en œuvre concrète de la décision-cadre.
 
Si la plupart des États membres ont défini des infractions autonomes relatives à la participation à une organisation criminelle, 2 d'entre eux ne l'ont pas fait. Tous les États membres qui prévoient une infraction autonome couvrent la participation à une organisation criminelle, tandis que certains d’entre eux couvrent également l’association de malfaiteurs dans le cadre de la criminalité organisée. Aucun État membre n’a choisi d’incriminer de façon distincte une telle association.
 
De nombreux États membres vont au-delà des exigences minimales. Certains d’entre eux ont élargi leurs dispositions nationales en ne mentionnant pas tous les éléments de la définition de la criminalité organisée, comme le critère de la recherche d’un avantage ou la portée des infractions principales, par exemple. 
En conséquence, la réglementation nationale s’applique à un plus grand nombre d’infractions, par exemple à celles qui n’ont pas nécessairement été commises pour obtenir un avantage (ou du moins lorsque cet avantage ne doit pas être démontré) ou à celles dont le champ d’application va au-delà de celui d’une infraction grave. 

En outre, de nombreux États membres prévoient des mesures dont la décision-cadre ne fait aucune mention, comme des infractions parallèles concernant certains types de groupes organisés qui se définissent par leur objectif ou leur mode opératoire.
Un autre exemple de réglementation nationale dépassant le champ d’application de la décision-cadre réside dans les niveaux des sanctions de base, qui sont plus élevés que ceux prévus par la décision-cadre et qui, dans certains cas, sont encore accrus en raison, par exemple, d’un comportement ou d’un rôle particuliers au sein de l’organisation. Il convient également de noter que les dispositions de nature facultative, comme les circonstances atténuantes ou les sanctions à l’encontre des personnes morales, ont été largement transposées.
 
De nombreux points pourraient nécessiter des éclaircissements supplémentaires en vue de la bonne mise en œuvre de la décision-cadre. Il s'agit principalement du champ d’application potentiellement limité de la définition d’une organisation criminelle, ainsi que de la transposition correcte de l’article 5 relatif à la responsabilité des personnes morales.
Conformément au programme européen en matière de sécurité, qui appelle une meilleure utilisation et mise en œuvre des instruments juridiques en vigueur de l’Union, la Commission offrira son soutien aux États membres pour atteindre un niveau satisfaisant de mise en œuvre de la décision-cadre. Elle continuera également à contrôler la conformité des mesures nationales avec les instruments de l’Union.

Et la France ?

L’article 1er de la décision-cadre énonce deux définitions utiles pour délimiter le champ d’application de la décision-cadre, à savoir les définitions d’«organisation criminelle» et d’«association structurée».
 
En ce qui concerne la définition d’«association structurée»une association qui ne s’est pas constituée au hasard pour commettre immédiatement une infraction et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée»), la France, comme 11 Etats membres, ne font aucune référence à cette définition d’«association structurée».
11 États membres mentionnent le critère de la continuitéétablie dans le temps»). Le France ne fait  aucune mention de cet élément dans leur législation interne.
En ce qui concerne les membresplus de deux personnes agissant de façon concertée»), la majorité des États membres mentionnent directement la participation d’au moins trois personnes. 6 États membres dont la France ne mentionnent pas ce critère dans leur législation nationale.

En ce qui concerne les infractions principalesinfractions punissables d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins quatre ans ou d’une peine plus grave»), les seuils maximaux les plus bas du nombre d’années d’emprisonnement prévus dans les législations nationales sont les suivants:
  • au moins trois ans dans 3États membres
  • plus de trois ans dans 5 États membres
  • au moins quatre ans dans 4 États membres
  • au moins 5 ans dans deux États membres dont la France;
  • plus de cinq ans dans un État membre.
 
La décision-cadre concerne principalement l’incrimination de comportements liés à la participation à une organisation criminelle. Un article contraint les États membres à ériger en infraction dans la législation nationale au moins l’un des types de comportements suivants:
  • a) le fait pour toute personne de participer activement, d’une manière intentionnelle et en ayant connaissance soit du but et de l’activité générale de l’organisation criminelle;
  • b) le fait pour toute personne de conclure avec une ou plusieurs personnes un accord visant à exercer une activité qui, si elle aboutit, reviendrait à commettre les infractions visées dans la décision-cadre, même lorsque cette personne ne participe pas à l’exécution proprement dite de l’activité.
 
Concernant l’état d’avancement de la transposition 21 États membres dont la France ne couvrent que le point a.
En ce qui concerne la transposition de point a:
  • 6 États membres dont la France mentionnent généralement la participation à une organisation criminelle, sans préciser le type d’activités considéré (commission d’infractions pénales ou autres activités qui ne sont pas nécessairement de nature criminelle); 
  • tous les États membres, excepté quatre dont la France incriminent certaines des formes les plus graves de la participation à une organisation criminelle, comme l’établissement, la direction, l’organisation, la promotion, etc.

En ce qui concerne l’infraction relative à la participation à une organisation criminelle (toujours au, point a), les durées d’emprisonnement pour l'infraction de base, prévues par la législation nationale, sont les suivantes:
  • jusqu’à deux ans en Finlande (qui est en bas de tableau); 
  • jusqu’à 5 ans en France; 
  • entre 8 et 17 ans en Lettonie (qui est en haut de classement).
 
La majorité des États membres vont au-delà de leur obligation de base et prévoient des sanctions plus sévères pour des comportements aggravés qui ne sont pas régis par la décision-cadre et sont liés à l’infraction principale :
  • en fonction du rôle de la personne au sein du groupe criminel organisé, par exemple les fondateurs, les décideurs ou les dirigeants de l’organisation criminelle (par exemple l'Italie);
  • en raison de la gravité de l’infraction principale (dont la France);
  • en raison de caractéristiques spécifiques, telles que le recours à des outils particuliers ou à des matières dangereuses (par exemple l'Italie ou la Pologne);
  • en raison du nombre élevé de participants à l’organisation criminelle (par exemple l'Italie).

Conformément à l’article 3, les États membres veillent à ce qu’une infraction principale commise dans le cadre de la criminalité organisée puisse être considérée comme une circonstance aggravante dans leur système national.
Or la législation nationale de 6 États membres dont la France ne mentionne pas expressément que la commission d’une infraction dans le cadre d’une organisation criminelle constitue une circonstance aggravante. 
 
Conformément à l’article 6, le comportement d’une personne morale doit donner lieu à des amendes pénales ou non pénales et peut être passible d’autres sanctions.
Tous les États membres prévoient des amendes. En ce qui concerne les «autres sanctions» facultatives:
  • les mesures d’exclusion du bénéfice d’un avantage public ou d’une aide publique ont été transposées par 14 États membres dont la France;
  • le placement sous contrôle judiciaire a été transposé par 6 États membres dont la France;
  • la mesure judiciaire de dissolution a été transposée par 13 États membres dont la France;
  • la fermeture temporaire ou définitive d’établissements ayant servi à commettre l’infraction a été transposée par 7 États membres dont la France;
  • 16 États membres dont la France prévoient des mesures ne figurant pas dans la liste, notamment la confiscation et à la publication du jugement.

synthèse du texte ci-dessous par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr 


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