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lundi 26 mai 2025

Rapport Schengen 2025 : la France est décrite comme faisant partie des plus mauvais élèves

 


Le bilan annuel sur l’état de Schengen a été présenté qui fourmille d’informations utiles. La première partie est axée sur la gouvernance Schengen y compris les priorités et les perspectives, la deuxième sur les progrès et la troisième sur les lacunes. Dans cette troisième partie, il convient d'observer que trois pays Schengen (Grèce, France et Hongrie) présentent encore de graves lacunes dans la mise en œuvre des règles Schengen, que certains pays n’ont pas encore nommé de coordinateur national (« Monsieur/Madame Schengen »)  et que la faiblesse persistante des contrôles aux frontières par certains pays constitue grave une faille de sécurité pour l'espace Schengen.


Problème 1 : une absence de mise en œuvre des recommandations suite à une évaluation

Lors du Conseil Schengen de décembre 2024, la Commission a présenté aux ministres de l'espace Schengen le tableau de bord Schengen 2024. Ce tableau de bord était assorti de priorités stratégiques adaptées, soulignant les progrès réalisés tout en appelant à des efforts accrus dans des domaines clés. Le tableau de bord Schengen 2024 a également confirmé une tendance persistante observée ces dernières années , à savoir le rythme inégal de mise en œuvre des recommandations au niveau national à la suite d'une évaluation Schengen .
En effet, le tableau de bord Schengen 2024 met en évidence des asymétries dans la mise en œuvre des exigences clés de Schengen. Environ 65 % des recommandations émises dans le cadre du mécanisme d'évaluation et de suivi de Schengen n'ont pas encore été mises en œuvre. Le rapport indique que ces lacunes persistantes ont d'importantes conséquences opérationnelles.

Problème 2 : des lacunes dans la gouvernance nationale du cadre Schengen

Comme indiqué dans les évaluations de Schengen, et s’appuyant sur sa propre expérience, la Commission invite tous les pays Schengen à nommer un coordinateur national pour superviser toutes les questions qui ont un impact sur le fonctionnement de Schengen, en garantissant une répartition claire des responsabilités entre toutes les autorités concernées.

Certes, tous les pays Schengen ont lancé des processus nationaux de révision de leurs stratégies, toutefois, d'importantes lacunes persistent dans la planification des ressources humaines, la coordination interinstitutionnelle et les dispositifs financiers. Seuls quelques pays Schengen parviennent à lier leurs stratégies à des plans d'action, des analyses des besoins et des cadres de financement. Parallèlement, les obligations liées à la procédure de filtrage établie dans le Pacte sur la migration et l'asile doivent être efficacement intégrées et alignées sur le système plus large de gestion intégrée des frontières. Le rapport indique qu’investir dans le système de gouvernance de la gestion intégrée des frontières européenne constituera une base solide pour la construction de cadres nationaux de gouvernance Schengen robustes.

Problème 3 : le contrôle aux frontières, pas une priorité nationale ?

Les contrôles aux frontières sont particulièrement touchés par ces lacunes de mise en œuvre. Les évaluations Schengen montrent que près de la moitié des pays Schengen sont confrontés à des lacunes en matière de ressources humaines, de formation, de mise en œuvre des procédures de contrôle aux frontières et à des problèmes techniques affectant le fonctionnement des équipements informatiques, notamment lors de l'utilisation du Système d'information Schengen. La persistance de ces lacunes constitue une faille de sécurité pour l'espace Schengen. Par conséquent, la Commission collaborera avec les pays Schengen pour examiner les raisons de cette absence de progrès. La Commission rendra compte des progrès réalisés sur ce front au Conseil Schengen au cours du cycle Schengen 2025-2026.

Problème 4 : de graves lacunes en matière de surveillance des frontières maritimes


En matière de surveillance des frontières , certains pays Schengen, exposés à des menaces sécuritaires accrues en raison du risque élevé de trafic de drogue en provenance de pays tiers et de l'augmentation des flux migratoires, présentent des lacunes majeures. Ces vulnérabilités affectent principalement la surveillance des frontières maritimes. Au cours de l'année écoulée, l'UE a alloué des fonds supplémentaires d'un montant de 378 millions d'euros, au titre de l'instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas, afin d'aider les pays Schengen à renforcer leurs infrastructures et leurs capacités de surveillance des frontières.

Problème 5: des lacunes tenances en matière de gestion intégrée des frontières 

Une évaluation thématique des stratégies nationales des pays Schengen pour la gestion intégrée des frontières a été réalisée en 2019-2020.
Cependant, des lacunes subsistent. Les stratégies nationales manquent souvent d'alignement sur la planification des capacités, notamment en matière de ressources humaines, de formation et d'investissement dans les infrastructures et les équipements. De plus, la coopération interinstitutionnelle reste fragmentée, limitant l'efficacité des structures de gouvernance. Ces lacunes persistantes, déjà identifiées lors de la précédente évaluation, soulignent la nécessité d'une intégration et d'une coordination stratégique accrues pour garantir un système européen intégré de gestion des frontières véritablement unifié et résilient.

Problème 6 : des lacunes tenances en matière de lutte contre le trafic de drogue dans l'espace Schengen

Compte tenu de l' augmentation significative du trafic de drogue vers l' UE , comme en témoignent les saisies record de cocaïne, une évaluation thématique a été menée.
Dans la foulée, des plans d'action ont établis par les États membres qui prévoient de mettre en œuvre des bonnes pratiques Or, les bonnes pratiques visant à créer des barrières et à renforcer la résilience des plateformes logistiques affichent un taux de mise en œuvre global particulièrement faible, soulignant les défis considérables qui peuvent découler du manque de ressources, de la complexité opérationnelle ou de priorités nationales divergentes. L'absence de progrès substantiels dans ce domaine est particulièrement préoccupante compte tenu de l'importance stratégique des plateformes logistiques.


Problème 7 : Des mécanismes d’expulsion peu efficaces

Malgré une tendance positive observée en matière de retour, l' efficacité des systèmes nationaux de retour demeure un défi majeur dans l'espace Schengen, seule une personne sur cinq devant rentrer étant effectivement renvoyée. Au moins la moitié des pays Schengen sont encore confrontés à de graves difficultés pour procéder aux retours, difficultés particulièrement prononcées dans les pays où le nombre de retours est élevé.

L'utilisation d'alertes communes dans le Système d'information Schengen pour les ressortissants de pays tiers tenus de quitter l'espace Schengen a contribué à des retours plus efficaces, avec des améliorations notables en termes de coordination et de partage d'informations. Cependant, le système reste sous-utilisé comme outil commun d'identification des personnes et de soutien aux efforts de retour, puisque dans plusieurs pays Schengen, le nombre d'alertes de retour créées est inférieur de 60 % au nombre de décisions de retour rendues.
Cela signifie que des personnes rapatriées peuvent avoir pris la fuite, mais que le système ne dispose d'aucune information permettant d'assurer leur retour. De plus, en 2024, certains pays Schengen n'ont inclus aucune empreinte digitale dans les alertes de retour, et beaucoup n'ont pas inclus de documents d'identité ni de photographies, même lorsqu'ils étaient disponibles. Cette situation nécessite une action urgente au niveau national.

Problème 8 : un manque de personnel national concernant le système européen EUROSUR


Le cadre de l'UE offre déjà des outils robustes pour la connaissance de la situation et l'analyse des risques , tels qu'EUROSUR conçu pour améliorer la gestion des frontières extérieures en intégrant les informations aux niveaux national et européen , y compris l'imagerie satellitaire, les systèmes d'information et les applications de signalement pour renforcer la connaissance aux frontières de l'UE.
Cependant, environ 50 % des pays Schengen sont encore confrontés à des lacunes majeures , souvent liées à un manque de personnel qualifié et à une coopération interinstitutionnelle insuffisante, ce qui réduit le potentiel de ces outils. Afin de combler les lacunes identifiées et de fournir aux pays Schengen et à Frontex des orientations pratiques sur la mise en œuvre et la gestion d'EUROSUR, la Commission a adopté en janvier 2025 une recommandation établissant le manuel EUROSUR.    

Problème 9: pas de fonctionnalités essentielles disponibles du Système d'information Schengen 

Les fonctionnalités améliorées des systèmes informatiques à grande échelle, notamment le Système d'information Schengen , n'ont pas encore atteint leur plein potentiel en matière de renforcement de la sécurité. En outre, de nombreux États membres de l'espace Schengen continuent de rencontrer des difficultés pour mettre en œuvre des fonctionnalités essentielles aux frontières extérieures, telles que la recherche d'empreintes digitales lors de l'utilisation du Système d'information sur les visas.
Ces difficultés, dues en grande partie à un manque de ressources suffisantes, signifient que ces outils sont largement sous-utilisés et que des lacunes critiques en matière de sécurité subsistent.

Problème 10: Des déficiences persistantes concernent des aspects fondamentaux du cadre Schengen

En outre, un nombre important de déficiences de longue date persistent dans plusieurs pays Schengen des années après la réalisation de leurs évaluations ; nombre de ces déficiences concernent des aspects fondamentaux du cadre Schengen.
Un élément horizontal nécessitant des mesures correctives urgentes concerne la mise en œuvre des systèmes informatiques à grande échelle qui sous-tendent l'architecture Schengen – une vulnérabilité aux implications sécuritaires considérables pour la gestion des frontières, les migrations et le maintien de l'ordre. Cette lacune a été identifiée comme une lacune majeure dans au moins la moitié des pays évalués. Malgré les fonctionnalités améliorées du Système d'information Schengen – conçues pour renforcer la sécurité et simplifier les procédures –, leur plein potentiel reste inexploité, car les pays Schengen n'utilisent pas le système selon les normes et les capacités requises. Par exemple, cinq pays ne publient toujours pas d'alertes concernant des personnes vulnérables, telles que des enfants menacés d'enlèvement, tandis qu'un seul pays est responsable de 75 % de ces alertes.
Seuls 16 pays ont créé des alertes pour les vérifications d'enquête, ce qui laisse des lacunes critiques dans le système : ces vérifications permettent d'obtenir des informations sur des personnes ou des objets connexes aux fins de poursuites pénales et de prévention des menaces pour la sécurité publique ou nationale. Ces lacunes affectent la sécurité de Schengen dans son ensemble.

Parallèlement, les pays Schengen ne saisissent pas suffisamment les données essentielles dans le système, même lorsque ces informations sont facilement accessibles au niveau national. Début 2025, on comptait environ 1,7 million de signalements concernant des personnes, dont seulement 900 000 environ (52 %) comportaient des photographies et seulement 600 000 environ (35 %) des empreintes digitales. Ces graves lacunes entravent considérablement la capacité des pays à identifier les individus, en particulier ceux qui représentent une menace pour la sécurité.

Problème 11 : en matière de sécurité intérieure, des cloisonnements préjudiciables

Le 1er avril 2025, la Commission a adopté ProtectEU : une nouvelle stratégie européenne de sécurité intérieure , qui définit les travaux visant à renforcer le dispositif de sécurité de l’UE dans les années à venir et à intégrer les considérations de sécurité dans l’ensemble de la législation, des politiques et des programmes de l’UE. Des efforts similaires doivent être déployés au niveau national, car les évaluations Schengen de 2024 ont révélé une lacune persistante dans l’approche stratégique de la sécurité intérieure.
Les autorités nationales fonctionnent encore de manière cloisonnée, mettant en œuvre des mesures ad hoc et manquant d’une approche européenne globale. Cela empêche les pays Schengen d’identifier les priorités nationales, de disposer d’une planification stratégique des capacités et de concevoir des mesures transfrontalières et complémentaires à tous les niveaux (national, régional et local).

Problème 12 : un cadre juridique obsolète en matière de coopération transfrontalière

Les évaluations Schengen de 2024 ont confirmé que de nombreux pays Schengen ne disposent toujours pas du cadre juridique nécessaire à une coopération transfrontalière efficace, plusieurs accords étant encore obsolètes. Des obstacles opérationnels existent également dans certains pays, tels que des limitations à la surveillance mobile suffisante ou des limitations légales à la réception par la police des données passagers des opérateurs de ferry. Ces obstacles ont parfois conduit à la réintroduction de contrôles aux frontières intérieures, alors que, dans bien des cas, les mêmes résultats pourraient être obtenus, souvent de manière plus efficace et efficiente, en utilisant les pouvoirs de police nationaux.

Problème 13 : En matière de menaces transfrontalières, un décalage entre les priorités et les moyens

Si certains des pays évalués ont réalisé des progrès significatifs dans la mise en œuvre des règles de Schengen, notamment en matière de surveillance renforcée des frontières terrestres et de coopération policière plus active, d'autres continuent de rencontrer des difficultés pour satisfaire pleinement aux normes élevées de Schengen. Les vulnérabilités découlent souvent d'un manque de ressources spécialisées, d'un décalage entre les priorités stratégiques et opérationnelles et d'une utilisation insuffisante des outils techniques et juridiques existants pour identifier et contrer les menaces transfrontalières en constante évolution.
Les évaluations de 2024 soulignent une fois de plus la nécessité urgente de donner la priorité, aux niveaux politique, stratégique et opérationnel, aux politiques, processus et outils Schengen pour garantir une mise en œuvre efficace sur le terrain, contribuant ainsi au bon fonctionnement de l’espace Schengen.


 synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


 

Synthèse du rapport 2025 sur securiteinterieure.fr :

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