Un rapport européen de 2025 faisant le bilan de la situation observe une augmentation du phénomène de plus de 20% par rapport à la période précédente. Sur ce point, la GPA fait partie des formes émergentes constatées. Pour autant, les efforts menés sont conséquents. La coopération policière est renforcée. Le succès est au rendez-vous, même si quelques points sont à améliorer comme le décalage significatif des statistiques d’Europol et celles d’Eurostat.
Quel est le problème ?
Selon
Europol, 55 des réseaux criminels les plus menaçants ayant été signalés
ont la traite des êtres humains comme activité principale ou comptent
la traite parmi leurs activités principales. En outre, il ressort du
rapport mondial 2024 sur la traite des êtres humains que 74 % des
trafiquants opèrent en groupes et réseaux vaguement connectés dans le
cadre des relations criminelles de type commercial ou sous la forme
d’organisations criminelles structurées, ce qui souligne le rôle
prédominant des groupes criminels organisés dans les activités de traite
des êtres humains.
En outre, la traite des êtres humains constitue
la deuxième économie illicite la plus répandue au monde. Le bénéfice
annuel généré par le travail forcé à l’échelle mondiale est estimé à 236
milliards d’USD pour les trafiquants, ce qui représente près de 10 000
USD par victime. L’exploitation des victimes en Europe et en Asie
centrale est la plus rentable, atteignant un bénéfice de 20 000 USD par
victime et par an. Si les bénéfices sont élevés et ont augmenté de 37 %
depuis 2014, les risques pour les auteurs restent faibles.
Où en est-on ?
Le
cadre juridique de l’Union en matière de traite des êtres humains est
ancré dans la directive relative à la lutte contre la traite des êtres
humains, qui a été modifiée par la directive du
13 juin 2024 et est entrée en vigueur le 14 juillet 2024. Les États
membres devront transposer et mettre en œuvre les nouvelles dispositions
au plus tard le 15 juillet 2026.
La directive modifiée:
- introduit des règles plus strictes pour lutter contre la traite des êtres humains et fournit aux autorités publiques des outils renforcés pour enquêter sur les infractions relatives à ce phénomène et engager des poursuites à l’encontre de leurs auteurs.
- introduit des règles concernant de nouvelles formes d’exploitation et fait de l’exploitation sexuelle commise en ligne une circonstance aggravante.
- prévoit également un meilleur soutien aux victimes et constitue l’une des principales actions prévues dans la stratégie de l’UE visant à lutter contre la traite des êtres humains 2021-2025 qui intègre une approche globale fondée sur quatre piliers.
Quant à la directive du
24 avril 2024 relative au recouvrement et à la confiscation d’avoirs,
elle renforce la capacité des forces de police, des procureurs et des
juges à retracer et à confisquer les bénéfices que les groupes criminels
organisés tirent de leurs activités illicites, y compris de la traite
des êtres humains. La directive renforcera également la coopération
policière transfrontalière en rendant obligatoire l’ouverture d’enquêtes
de dépistage des avoirs dans les affaires de criminalité organisée.
Combien de personnes sont vitimes de la traite ?
Au cours de la période 2021-2022, 17 248 victimes de la traite des êtres humains ont été enregistrées dans l’UE.
Cela représente une augmentation de 20,5 % par rapport à la période 2019-2020 (14 311).
Rien
qu’en 2022, le nombre de victimes enregistrées était de 10 093, soit
une augmentation de 41 % par rapport à 2021 (7 155) et le chiffre le
plus élevé depuis 2013.
Cette augmentation s’explique probablement par la sensibilisation générale à la traite des êtres humains.
Les
efforts concertés déployés par plusieurs agences dans les États membres
pour protéger les personnes fuyant l’agression militaire contre
l’Ukraine ont eu une incidence positive inattendue sur la détection de
victimes de la traite des êtres humains de différentes nationalités.
Comme
les années précédentes, il convient de noter que le nombre réel de
victimes est probablement nettement plus élevé que ne le suggèrent les
données communiquées.
Quel est le profil des victimes ?
En
2021-2022, dans l’Union, 65 % des victimes étaient des femmes et des
filles. La grande majorité des victimes d’exploitation sexuelle sont de
sexe féminin (92 %). 68 % d’entre elles sont des femmes et 24 % sont
des filles. Les hommes représentent la majorité des victimes de la
traite à des fins d’exploitation par le travail (70 %).
46 % des
victimes enregistrées étaient des citoyens de l’UE et 54 % étaient des
ressortissants de pays tiers, ce qui constitue un changement par rapport
à la période 2019-2020, où la majorité des victimes enregistrées
étaient des citoyens de l’UE (55 %).
Pour ce qui est de la
nationalité des victimes de la traite des êtres humains, les cinq
premiers pays de l’Union concernés étaient la Roumanie, la France, la
Hongrie, la Bulgarie et l’Allemagne.
Hors États membres de l’Union,
les cinq pays qui comptaient le plus de ressortissants parmi les
victimes de la traite dans l’Union étaient le Nigeria, l’Ukraine, le
Maroc, la Colombie et la Chine.
34 % de l’ensemble des victimes
enregistrées étaient des citoyens du pays dans lequel elles étaient
enregistrées (traite interne).
Le succès de la traite à des fins d’exploitation sexuelle
La
traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle est restée
la forme d’exploitation la plus répandue dans l’UE au cours de la
période 2021-2022 (49 % des victimes), bien qu’elle affiche une tendance
légèrement à la baisse par rapport à la période précédente (51 %).
La
méthode la plus courante pour recruter de jeunes femmes et des filles à
des fins d’exploitation sexuelle est restée la méthode du «lover boy».
Les
trafiquants nouent souvent des relations romantiques en ligne, créent
une dépendance émotionnelle et attirent les victimes dans le piège de
l’exploitation.
La plupart des États membres et Europol ont confirmé le rôle prépondérant des médias sociaux.
A la deuxième place du piodium, la traite à des fins d’exploitation par le travail
La
traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail reste
la deuxième forme la plus répandue de traite des êtres humains dans
l’UE en 2021-2022 (37 % des victimes).
Il s’agit de la forme d’exploitation la plus répandue dans quatre États membres.
En
2021-2022, le rapport observe une augmentation de 51 % du nombre de
victimes d’exploitation par le travail (5 940) par rapport à la période
précédente (3 940).
En 2022, la part de l’exploitation sexuelle et celle de l’exploitation par le travail étaient identiques (41 %).
Les hommes représentent la majorité des victimes (70 %).
Par
rapport à la période précédente, une proportion presque équivalente de
victimes issues de l’UE (46 %) et de pays tiers (54 %) a été enregistrée
dans l’UE en 2021-2022.
Les secteurs à haut risque d’exploitation
comprennent la construction, l’agriculture, la sylviculture, la
transformation des denrées alimentaires, les lignes d’assemblage,
l’hôtellerie, la vente au détail, le lavage de voitures, les services
d’esthétique et de nettoyage, les transports et l’entretien ménager.
Les
nouveaux secteurs émergents sont, par exemple, les soins à domicile et
les services de soins infirmiers ainsi que la livraison de colis.
Le prélèvement d’organes et la GPA aussi mentionnés
Au
cours de la période de référence, les formes de traite des êtres
humains autres que l’exploitation sexuelle et l’exploitation par le
travail représentaient 14 % de l’ensemble des victimes.
Ces formes
d’exploitation comprennent les activités criminelles forcées, la
mendicité forcée, le prélèvement illégal d’organes et d’«autres» formes.
- Si la criminalité forcée ne
représentait que 3 % de l’ensemble des victimes enregistrées dans l’UE
pour la période 2021-2022, certains États membres ont fait état d’une
augmentation de cette forme d’exploitation.
La criminalité forcée est souvent associée au vol, à la petite criminalité, au vol à la tire, au vol à l’étalage et à la vente de drogues. - La mendicité forcée (2 %) reste présente dans plusieurs États membres en tant que forme d’exploitation.
- Plusieurs États membres ont signalé des cas de traite à des fins de mariages forcés et fictifs, qui touchent les minorités ethniques, telles que les Roms, et les enfants (principalement des filles) issus de l’immigration.
- L’exploitation de la gestation pour autrui est une forme émergente de traite des êtres humains. Les intermédiaires (tels que les cliniques de santé génésique) se livrent à la criminalité transfrontière organisée pour dégager des bénéfices très importants.
- Des soupçons de traite à des fins de prélèvement d’organes ont été signalés par la Bulgarie, la Grèce et la Slovaquie, qui incluaient également le prélèvement abusif de cellules, de tissus et de sang dans le cadre d’un trafic d’organes.
Le problème croissant de la traite en ligne
L’entrée
de la traite des êtres humains dans l’espace numérique constitue un
défi fondamental qui est apparu pendant la pandémie de COVID-19 et qui
s’est encore amplifié à la suite de celle-ci. Les difficultés persistent
en ce qui concerne le recensement des victimes et leur orientation vers
des services d’aide et de soutien.
La législation sur les services numériques
adoptée le 19 octobre 2022, contribuera à recenser, surveiller et
supprimer les contenus en ligne liés à la traite des êtres humains.
La
Commission a désigné les «très grandes plateformes en ligne» et les
«très grands moteurs de recherche», y compris quatre sites web pour
adultes, qui sont soumis à des obligations strictes concernant
l’identification, l’évaluation et l’atténuation des risques systémiques,
ainsi que des mesures de transparence, des outils de signalement
accessibles et des mécanismes de plainte.
Renforcer la coopération policière
Dans
son rapport sur les réseaux criminels les plus menaçants dans l’UE,
Europol a relevé comme activité principale l’exploitation sexuelle pour
18 réseaux criminels, l’exploitation par le travail pour 13 réseaux et
d’autres formes de traite des êtres humains pour cinq réseaux.
La
coopération en matière répressive est restée intensive au cours de la
période 2021-2024, tant au niveau de l’UE qu’au niveau national, ce qui
se reflète dans l’augmentation continue de 16 % du nombre total
d’individus soupçonnés de traite des êtres humains par rapport à la
période de référence précédente.
Les citoyens de l’UE représentaient 72 % de l’ensemble des suspects enregistrés dans l’UE en 2022.
Eurojust
a apporté son soutien à 66 équipes communes d’enquête (ECE) dans des
affaires de traite des êtres humains. Plusieurs États membres ont
indiqué avoir participé à des ECE coordonnées par Eurojust, tant avec
des États membres de l’UE que des pays tiers.
Le succès du projet EMPACT
ff
La
traite des êtres humains est l’une des priorités de la plateforme
pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT).
En 2024, EMPACT THB (traite des êtres humains) comprend 22 actions opérationnelles.
En
2023, les actions opérationnelles de l’EMPACT se sont révélées être un
succès majeur et se sont traduites par une amélioration constante des
résultats en ce qui concerne le nombre croissant de journées d’action
commune, de task forces opérationnelles et de résultats opérationnels, à
savoir l’identification de 7 536 victimes (potentielles) et de plus de 5
000 suspects, ainsi que le lancement de 103 enquêtes financières et la
saisie de 4 108 670 euros.
L’EMPACT a également soutenu des approches innovantes en matière d’enquêtes numériques, en particulier sous les formes de hackathons,
qui ont contribué à recenser les plateformes en ligne sur lesquelles
l’exploitation sexuelle ou l’exploitation par le travail a eu lieu et a
aidé les États membres à analyser un grand nombre de données numériques
provenant de médias confisqués au cours des enquêtes. Contre 20 pays
ayant adhéré en 2022, l’action comptait 26 pays en 2023 et 27 pays en
2024, dont des partenaires issus des pays voisins non-membres de l’UE.
Des
efforts ont été déployés au niveau européen pour améliorer le recours
aux enquêtes financières. Dans le cadre de l’EMPACT, les États membres
et Europol ont élaboré un manuel consacré aux enquêtes financières en
lien avec la traite des êtres humains.
En outre, le partenariat
public-privé d’Europol en matière de renseignement financier (EFIPPP) a
mis en place un axe de travail sur l’élaboration d’indicateurs pour le
suivi automatique des transaction.
Une coopération à parfaire
Malgré
l’intensification de la coopération transfrontière et de la
participation d’Europol à certaines enquêtes plus complexes en 2021 et
2022, il existe une différence significative entre les statistiques
produites par Europol et les statistiques officielles publiées par
Eurostat, notamment en ce qui concerne le nombre, l’âge et la
nationalité des victimes, les formes d’exploitation et le nombre de
suspects.
Bien qu’il existe des raisons objectives à ces
divergences, il est nécessaire de souligner l’obligation pour les États
membres de partager en temps utile les informations et les données
pertinentes avec Europol.
L’enregistrement des victimes est effectué
par diverses autorités et organisations des États membres, qui font
partie du système de collecte officielle de statistiques, tandis que
seules les autorités répressives signalent des cas à Europol.
Les
services répressifs nationaux ne signalent normalement pas à Europol les
affaires nationales, mais les affaires ayant une dimension
transfrontière.
Une répression à renforcer encore d’avantage
Le nombre total de personnes poursuivies et condamnées pour traite des êtres humains a augmenté.
En
2021-2022, au total, 8 804 personnes ont été poursuivies et 4 728
personnes ont été condamnées pour traite des êtres humains. Les
poursuites ont augmenté de 35 % et les condamnations ont augmenté de 57 %
par rapport à la période de référence précédente (2019-2020).
En
2022, les citoyens de l’UE représentaient 81 % de l’ensemble des
personnes poursuivies et 74 % de l’ensemble des personnes condamnées.
Néanmoins,
malgré l’augmentation globale, le nombre absolu de poursuites et de
condamnations reste faible, en particulier par rapport au nombre de
victimes enregistrées et de suspects.
synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
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