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mercredi 29 mai 2024

L'Assemblée nationale propose d'étendre les compétences du Parquet européen à la criminalité environnementale transnationale

 


Le Parquet connait actuellement un succès opérationnel qui ne se dément pas. Selon un rapport de l'Assemblée nationale, une extension des compétences à la criminalité environnementale se justifie pleinement. D'un côté, le Parquet a montré sa crédibilité à réprimer la grande criminalité, de l'autre la criminalité environnementale présente une priorité politique et un défi d'ampleur. Aussi, ce rapport préconise d'étendre son mandat à ce type de criminalité, du moment qu'elle est grave et transnationale.


Pourquoi ce projet?

La criminalité environnementale fait l’objet d’une inquiétude croissante au sein de l’Union européenne. Elle figurait parmi l’une des dix priorités retenues par le programme de lutte contre la criminalité organisée de l’UE dans le cadre de la plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles dite EMPACT.
En 2020, Europol estimait par exemple que les revenus tirés par les organisations criminelles du trafic de déchets dangereux dans l’UE étaient compris entre 1,5 et 1,8 milliard d’euros, tandis que les profits générés par le trafic de déchets non dangereux pouvaient atteindre jusqu’à 10 milliards d’euros. La valeur mondiale du crime environnemental transnational est estimée à 213 milliards de dollar.

D'où vient-on?

Des règles minimales en matière de définition des infractions environnementales et des sanctions ont été instaurées dans l’Union par la directive du 19 novembre 2008 sur la protection de l’environnement par le droit pénal.
Toutefois, face aux résultats décevants de l’évaluation de cet instrument, et dans la lignée du Pacte vert, la Commission européenne a présenté une nouvelle proposition de directive en décembre 2021, qui a vocation à remplacer celle de 2008.
La directive pourrait être officiellement adoptée dans les toutes prochaines semaines.


Et au niveau national?


Deux rapports ont pointé les insuffisances de la réponse pénale en matière environnementale. Le rapport remis en 2022 par le groupe de travail de la Cour de cassation relatif au droit pénal de l’environnement  fait le constat d’une diminution du nombre d’infractions portées devant les tribunaux correctionnels et de la baisse des quanta de peine prononcées.

Le rapport de la mission d’évaluation des relations entre justice et environnement pointait en 2019 un certain nombre de facteurs participant à la faible judiciarisation des atteintes à l’environnement. En plus de la technicité de cette matière, la mission constatait la grande fragmentation du droit pénal de l’environnement éparpillé dans plusieurs codes différents.
La fragmentation tient également à l’articulation entre droit administratif et droit pénal et la préférence donnée aux sanctions administratives.

Afin de remédier à certaines de ces carences, le cadre juridique national a été étoffé. La loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée procède à une plus grande spécialisation des juridictions. Elle crée, dans le ressort de chaque cour d’appel, des juridictions spécialisées en matière d’atteintes à l’environnement.
Cette architecture juridictionnelle permet une réponse graduée en fonction de la gravité de l’atteinte environnementale et couvre l’ensemble du spectre des infractions environnementales, des infractions du « quotidien » aux délits les plus graves.


Vers un élargissement des compétences du Parquet européen?

L'Assemblée nationale rappelle qu'une extension des compétences du Parquet européenne à la poursuite des infractions liées à la violation des mesures restrictives de l’Union est soutenue par la Commission européenne, sur l’impulsion de la France et de l’Allemagne. La Commission a proposé, le 5 décembre 2022, un projet de directive, relative à la définition des infractions pénales et des sanctions applicables en cas de violation des mesures restrictives qui pourra constituer la base de la compétence matérielle du Parquet européen.


Or, l’extension des compétences du Parquet européen requiert l’unanimité au Conseil européen, après approbation du Parlement européen et consultation de la Commission européenne.


Une extension en matière environnementale?

L'Assemblée nationale indiqu'une extension de la compétence matérielle du Parquet européen apparaît cohérente avec sa mission de protection des intérêts financiers de l’Union, laquelle consacre actuellement 30 % de son budget à la protection de l’environnement et du climat auquel s’ajoute 37 % du montant total du plan de relance (soit plus de 275 Md€).

Ce qui distingue aujourd’hui le Parquet européen des autres dispositifs de coopération judiciaire en Europe, c’est sa capacité à définir lui-même une politique pénale au niveau européen sans être dépendant des saisines effectuées par les États membres. Selon l'Assemblée nationale, le doter de compétence en matière environnementale permettrait ainsi d’ériger la protection de l’environnement en priorité de politique pénale.

En outre, la mise en place d’un Parquet vert européen permettrait une action plus intégrée au niveau européen afin de remédier aux limites identifiées de la coopération judiciaire intergouvernementale.


Comment cette extension des compétences du Parquet aurait-elle lieu?


Conformément au principe de subsidiarité, l’extension de la compétence du Parquet européen est limitée par les traités aux infractions présentant un caractère transnational qui touchent au moins deux États membres et nécessitent dès lors la mise en œuvre d’une coopération judiciaire. En ciblant ainsi la criminalité environnementale grave et transnationale.

Cela permettrait ainsi d’intégrer pleinement le Parquet européen dans le dispositif de réponse juridictionnelle graduée prévu par le cadre national en fonction de la gravité des délits environnementaux.

Quant à la nouvelle directive actuelle en passe d'être adoptée pourrait servir de base à la compétence d’un futur Parquet vert européen.


Sur quoi exactement étendre les compétences du Parquet?

Selon l'Assemblée nationale, l'extension porterait sur les infractions les plus graves telles que les trafics de déchets, les trafics de substances dangereuses, réglementées ou interdites, ainsi que les trafics de faune et de flore protégées constituent les principaux domaines de développement récent de la criminalité organisée en matière environnementale. Ces trafics financent les organisations criminelles œuvrant aussi dans d’autres domaines et dont la répression est indispensable pour assurer la réalisation de l’espace de liberté de sécurité et de justice voulu par l’Union.

De plus, ces infractions représentaient les principales demandes d’entraide judiciaire effectuées par les États membres en matière environnementale, signe qu’il est nécessaire de renforcer l’efficacité de la coopération dans ce domaine.

synthèse du rapport par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr




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