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mardi 12 septembre 2023

L’Europe se dote d’une nouvelle stratégie antifraude et d’un comité d’éthique pour protéger ses institutions de l'influence des lobbies

 


Dans la lignée de son rapport anti-fraude 2023, l’Union européenne se dote d’une nouvelle stratégie éponyme. Les principales mesures, l’utilisation d’outils informatiques pour lutter contre la fraude et le renforcement l’architecture antifraude de l’UE, s’inscrivent dans le sillage des observations du rapport. L’une des nouveautés majeures est certainement la création d’un comité chargé d’établir des normes en matière d’éthique et d’intégrité. Si les grandes lignes sont esquissées dans cette stratégie antifraude, elles sont précisées dans une communication. A retenir à ce sujet :

  • la création d’un organisme institutionnel,
  • l’élaboration d’une structure sous la houlette de cinq experts indépendants chargés d'alimenter cet organisme de leurs réflexions.

L’accent est mis sur les activités post-mandat d’anciens membres des institutions, ainsi que sur la transparence, notamment en ce qui concerne les réunions avec des représentants de groupes d’intérêts.



De quoi parle-t-on ?

La stratégie antifraude de la Commission (CAFS) est un instrument essentiel de la lutte antifraude.
Elle est accompagnée de son plan d’action, dont la dernière version remonte à avril 2019.
Le plan d’action révisé a pour but de renforcer toutes les étapes du cycle antifraude: la prévention, la détection, l’enquête et la correction. Il complète un certain nombre d’autres initiatives récentes ou en cours, comme la proposition relative à un organe interinstitutionnel chargé des questions d’éthique, le train de mesures anticorruption, la refonte en cours du règlement financier, le mécanisme de protection de l’état de droit et le mécanisme de conditionnalité.

D’où vient-on ?

La stratégie antifraude de 2019 précisait que le plan d’action serait revu et ajusté si nécessaire. Les nouvelles réalités auxquelles la Commission est actuellement confrontée dans les efforts qu’elle déploie pour protéger le budget de l’UE rendent une telle révision nécessaire. L’objectif est que l’UE dispose d’un plan d’action ciblé et efficace pour relever les défis croissants auxquels elle est confrontée dans le domaine de la lutte contre la fraude, tout en s’appuyant sur les travaux réalisés dans le cadre du plan d’action de 2019.

Où va-t-on ?

Chaque année, la Commission fera rapport aux autres institutions de l’UE et au public sur les mesures prises au niveau de l’Union et dans les États membres pour protéger les intérêts financiers de l’UE, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre du plan d’action. Des indicateurs seront élaborés en interne pour suivre les progrès accomplis.
Le plan d’action révisé sera mis en œuvre au cours de la période 2023-2026 et pourra être ajusté, si nécessaire.

Un thème phare : favoriser l’utilisation d’outils informatiques pour lutter contre la fraude

Le processus de consultation a abouti à la conclusion que la numérisation devrait être une priorité pour la Commission dans la poursuite de son programme de lutte contre la fraude. La Commission continuera donc d’étudier les possibilités d’accroître la numérisation et l’interopérabilité. Il est aussi nécessaire de renforcer et d’élargir l’utilisation des outils informatiques existants tels qu’Arachne, EDES, SUMMA et IMS, afin de prévenir et de détecter la fraude et d’enquêter sur celle-ci. La future configuration d’Arachne sera développée, à l’échelle de l’institution, à des fins de calcul du risque et d’exploration de données dans tous les modes de gestion, tandis que l’OLAF étudiera les solutions numériques permettant d'améliorer sa communication sur les enquêtes avec les autres services de la Commission et les agences exécutives.

Une priorité : renforcer l’architecture antifraude de l’UE

Il est prévu que la Commission continue de développer la coopération avec des partenaires clés, tels que les autorités des États membres et le Parquet européen, pour lutter contre la fraude. Elle renforcera également son soutien aux organismes décentralisés et aux entreprises communes, protégera les journalistes d’investigation, qui sont une source importante d’information, et étudiera la possibilité d’accroître la participation de la société civile à la lutte contre la fraude.
L’OLAF continuera de soutenir les services de la Commission et les agences exécutives par l’intermédiaire du FPDNet et en prodiguant des conseils sur les stratégies antifraude.
La politique antifraude doit, par ailleurs, être examinée dans le contexte général de l'action de l’Union. Il importe que les considérations antifraude soient davantage intégrées dans d’autres domaines d’action qui sont intrinsèquement liés à la lutte contre la fraude, comme l’état de droit et la lutte contre la corruption, et que les synergies soient davantage exploitées.

Renforcer la culture de l’éthique et de la lutte contre la fraude au sein de la Commission

Selon la stratégie, il est nécessaire de renforcer les connaissances en matière d’éthique. Il en est de même pour la lutte contre la fraude. Il importe de maintenir un niveau élevé de sensibilisation du personnel de la Commission sur ces questions.
La Commission renforcera progressivement la formation et la sensibilisation à l’éthique et à la lutte contre la fraude de manière globale, étant donné que ces deux thèmes vont de pair. La Commission améliorera aussi la base de connaissances antifraude et intégrera les considérations antifraude dans son processus de recrutement.

Pourquoi un comité d’éthique ?

Dans son rapport spécial nº 13/2019 , la Cour des comptes a conclu que le Parlement européen, le Conseil et la Commission avaient mis en place des cadres éthiques globalement adéquats.
Toutefois, il n’existe à ce jour pas de normes éthiques minimales communes pour les membres ni de mécanismes formels d’élaboration, de coordination ou d’échange de vues entre les institutions en ce qui concerne les normes éthiques que leurs membres sont censés respecter. C’est cette lacune qu’il faut combler, en proposant la création d’un organisme d’éthique pour les membres de toutes les institutions de l’UE.

Pourquoi un comité d’éthique unique ?


L’une des recommandations du rapport spécial de la Cour des comptes sur les cadres éthiques du Parlement européen, du Conseil et de la Commission est  que les institutions auditées devraient déployer plus d’efforts pour partager les bonnes pratiques en matière d’éthique.
Dans sa résolution du 16 septembre 2021, le Parlement européen a souligné qu’«un organisme européen indépendant unique chargé des questions d’éthique permettrait de mieux assurer la mise en œuvre cohérente et intégrale des normes éthiques dans l’ensemble des institutions de l’Union afin de garantir que les décisions publiques soient prises au nom de l’intérêt général et de la confiance des citoyens dans les institutions de l’Union».

Avec la création de l’organisme d’éthique, il existera, pour la première fois, un mécanisme formel de coordination et d’échange de vues entre les institutions et d’élaboration de normes communes en matière d’éthique pour leurs membres.

Comment y parvenir ?


Un accord interinstitutionnel est proposé à cet effet.
S’appuyant sur l’expérience positive d’un accord antérieur conclu en 2014, l’accord interinstitutionnel sur un registre de transparence obligatoire conclu en 2021 entre la Commission, le Parlement et, pour la première fois, le Conseil, démontre la pertinence d’une approche interinstitutionnelle à cet égard.
L’accord interinstitutionnel du 25 mai 1999 entre le Parlement, le Conseil et la Commission relatif aux enquêtes internes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) est un autre exemple de la pertinence de l’approche interinstitutionnelle pour la mise en œuvre des règles en matière d’éthique et d’intégrité.

Comment sera composé ce comité d’éthique ?

Le comité d’éthique sera composé d’un membre de chaque institution participante.
Le niveau du représentant d’une partie est, en principe, celui d’un vice-président. Il est toutefois nécessaire de tenir compte des spécificités liées au rôle de chaque institution. C’est la raison pour laquelle l’accord proposé prévoit que chaque partie dispose d’une certaine souplesse pour nommer un représentant autre qu’un vice-président, lorsqu’elle ne dispose pas d’une telle fonction ou qu’un tel choix serait inapproprié.
Les travaux de l’organisme seront alimentés par cinq experts indépendants, qui auront la qualité d’observateurs et seront nommés par la Commission, en tenant compte de leurs compétences, de leur expérience dans des fonctions de haut niveau, de leur indépendance et de leurs qualités professionnelles.
Ces experts assisteront à chaque réunion de l’organisme et fourniront des conseils sur toute question éthique liée au mandat de l’organisme. Ils formuleront aussi un avis en vue d’un échange de vues de l’organisme au sujet de l’alignement des règles internes d’une partie sur les normes.

Quelles sont les missions de ce comité éthique ?

Le comité d’éthique a pour mission d’élaborer des normes éthiques minimales communes pour la conduite des membres.
L’organisme aura trois missions principales:

  • élaborer des normes minimales communes applicables à toutes les parties et leurs membres, et lancer la révision de ces normes;
  • procéder à des échanges de vues sur la base de l’évaluation de l’alignement des règles internes;
  • promouvoir la coopération des parties sur des questions d’intérêt commun
  • permettre les échanges avec d’autres organisme publics ou toute autre organisation internationale dont les travaux présentent un intérêt pour les règles et normes en matière d’éthique et d’intégrité.


Quels sont ses domaines d’intervention ?


L’organisme élaborera des normes minimales communes quant:

  • aux intérêts et actifs à déclarer;
  • aux activités accessoires/extérieures des membres;
  • aux normes applicables à la mise en œuvre du cadre commun, notamment le contrôle de la conformité et les mesures prévues en cas d’infraction;
  • aux normes applicables à l’acceptation de cadeaux, d’hospitalité et de voyages offerts par des tiers;
  • à l’acceptation de récompenses, de décorations, de prix et de distinctions honorifiques décernés en cours de mandat;
  • aux activités post-mandat d’anciens membres et à leur transparence
  • aux normes applicables aux mesures de conditionnalité et de transparence, notamment en ce qui concerne les réunions avec des représentants d’intérêts et leur publication.

Il est en effet essentiel d’encadrer ce dialogue de manière transparente, afin d’éviter tout risque, pour l’institution ou ses membres, qu’il puisse — même par inadvertance — être exercé au profit d’un groupe d’intérêt spécifique, avec d’éventuels effets préjudiciables sur la confiance du public et l’intérêt général de l’Union.
 

 synthèse du plan d'action et de la communication par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
 



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