La Commission européenne propose une nouvelle directive sur la lutte contre la corruption destinée à moderniser le cadre juridique anticorruption existant de l'UE. Le constat ? La corruption est un phénomène endémique et le droit actuel n’est pas adapté. Une proposition de directive, complétée par une communication, est donc présentée pour renforcer le cadre législatif et permettre par la même occasion une mise en conformité avec les nouvelles prescriptions internationales. Parmi les nouveautés : l’établissement d’un réseau anticorruption, l’application au phénomène de corruption du dispositif de protection des lanceurs d’alerte, la création d’une infraction d '"enrichissement par la corruption" et le relèvement des planchers des peines maximales.
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Quel est l’ampleur du phénomène ?
La corruption est par nature difficile à quantifier, mais même des estimations prudentes suggèrent qu'elle coûte à l'économie de l'UE au moins 120 milliards d'euros par an. Les données de l'enquête Eurobaromètre de 2022 suggèrent que 68 % des citoyens de l'UE et 62 % des entreprises basées dans l'UE considèrent que la corruption est répandue dans leur pays.
De 2016 à 2021, Eurojust a enregistré 505 affaires de corruption transfrontalière, ce nombre augmentant régulièrement au cours de cette période de 5 ans, ce qui confirme que la corruption progresse progressivement.
Quel est le problème ?
Or, malgré les avancées juridiques actuelles, des lacunes en matière d'application au niveau national et des obstacles à la coopération entre les autorités compétentes des différents États membres sont apparus.
Les autorités des États membres sont confrontées à des défis liés à la durée excessive des poursuites, à la brièveté des délais de prescription, aux règles sur l'immunité et les privilèges, à la disponibilité limitée des ressources, à la formation et aux pouvoirs d'enquête, pour n'en citer que quelques-uns.
En outre, la Commission européenne a commandé une étude visant à examiner le corpus législatif de l'UE en matière de lutte contre la corruption.
Le document publié le 3 janvier 2023 a conclu que "l'absence d'un cadre européen cohérent comprenant des dispositions pour tous les crimes liés à la corruption identifiés par les normes internationales constitue une source de défis législatifs et opérationnels dans la lutte contre les affaires de corruption transfrontalière", et qu'un alignement législatif plus étroit entre les États membres de l'UE, accompagné de mesures souples de soutien, aurait le plus grand impact sur la lutte contre la corruption.
D’où vient-on ?
La décision-cadre du 22 juillet 2003 du Conseil établit des exigences relatives à l'incrimination de la corruption dans le secteur privé.
La convention de 1997 sur la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires de l'UE ou des fonctionnaires des États membres de l'UE traite de certains actes de corruption impliquant ces fonctionnaires en général.
L'UE est partie à la convention des Nations unies contre la corruption (CNUCC), qui est l'instrument juridique international le plus complet dans ce domaine, combinant un large éventail de mesures pour prévenir et combattre la corruption.
Le discours sur l'état de l'Union 2022 place la lutte contre la corruption en tête de l' agenda de la Commission européenne, soulignant la nécessité de s'y attaquer à la fois au niveau de l'UE et au niveau national.
Le Parlement européen a également appelé à plusieurs reprises à davantage d'action de l'UE pour lutter contre la corruption.
Le Conseil lancé des appels similaires, notamment dans le cadre de la coopération pour lutter contre la grande criminalité internationale organisée.
La stratégie de l'UE de lutte contre la traite des êtres humains (2021-2025), adoptée en avril 2021, est étroitement liée à la stratégie de l'UE de lutte contre la criminalité organisée.
Il souligne que les groupes criminels organisés impliqués dans la traite des êtres humains exploitent de plus en plus des entreprises légales dans leurs opérations et sont impliqués dans d'autres crimes graves, tels que la corruption, pour soutenir leurs activités principales.
Pourquoi cette proposition ?
Le cadre juridique existant de l'UE en matière de lutte contre la corruption doit être mis à jour pour tenir compte de l'évolution des menaces de corruption et du droit international.
Cette proposition législative vise à mettre à jour le cadre législatif de l'UE, notamment en incorporant des normes internationales contraignantes pour l'UE, telles que celles de la CNUCC.
L'objectif est de faire en sorte que toutes les formes de corruption soient incriminées dans tous les États membres, que les personnes morales puissent également être tenues pour responsables de telles infractions et que les infractions soient passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. En outre, la proposition comprend des mesures pour prévenir la corruption conformément aux normes internationales et faciliter la coopération transfrontalière, comme l'exige la CNUCC.
Une nouveauté : l'infraction d '" enrichissement par la corruption "
Les États membres de mettre ou d'avoir en place des organismes spécialisés dans la prévention et la répression de la corruption.
Ces organismes doivent être indépendants, disposer de ressources humaines, financières, techniques et technologiques suffisantes et disposer des pouvoirs nécessaires à l'exercice de leurs missions.
Ils doivent être connus du public et exercer leurs fonctions avec transparence, intégrité et responsabilité.
Concernant l’enrichissement résultant d'infractions de corruption, la directive du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux par le droit pénal établit des règles de base relatives à l'incrimination du blanchiment de capitaux.
Elle précise que la corruption doit être considérée comme une infraction sous-jacente au blanchiment de capitaux.
Toutefois, cette directive n'oblige pas les États membres à incriminer l'acquisition, la possession ou l'utilisation de biens issus de la corruption si une personne a été impliquée dans l'infraction dont proviennent les biens (c'est ce qu'on appelle l' "auto-blanchiment").
La présente proposition de directive introduit une telle exigence, créant ainsi l'infraction d '"enrichissement par la corruption". Pour cette infraction, le ministère public n'aurait qu'à prouver un lien entre le bien et l'implication dans la corruption, tout comme il aurait à prouver la corruption en tant qu'infraction principale aux fins de blanchiment d'argent.
Un renforcement des sanctions
La décision-cadre de 2003 fixe déjà un seuil minimal pour une peine maximale d'un à trois ans pour corruption dans le secteur privé. La Convention de 1997 sur la lutte contre la corruption prévoit pour la corruption d'agents publics, au moins dans les cas graves, des peines privatives de liberté pouvant donner lieu à l'extradition.
Cette proposition fixe la peine maximale minimale entre quatre et six ans, en fonction de la gravité de l'infraction, ce qui représente une augmentation par rapport aux peines susmentionnées au niveau de l'UE pour corruption.
En outre, la décision-cadre de 2003 prévoit déjà la possibilité qu'une personne condamnée pour corruption puisse être temporairement interdite d'exercer son activité commerciale. Cette proposition fixe un certain nombre de sanctions supplémentaires que les autorités compétentes devraient pouvoir imposer aux personnes condamnées pour une infraction de corruption.
Concernant la prescription des infractions pénales, proposition fixe la durée minimale des délais de prescription entre huit et quinze ans, selon la gravité de l'infraction.
La protection des lanceurs d’alerte
Les dénonciateurs peuvent fournir des informations précieuses aux autorités compétentes, leur permettant de prévenir, détecter et poursuivre efficacement la corruption.
Lorsque les lanceurs d'alerte signalent des infractions de corruption bénéficient d’une protection et d’un soutien nécessaires dans le cadre de la procédure pénale
Le dispositif de la directive du 23 octobre 2019 est utilisé. Cette directive établit des règles et des procédures pour protéger les personnes qui signalent des informations qu'elles ont obtenues dans le cadre du travail sur des violations du droit de l'UE dans des domaines politiques clés.
L’établissement d’un processus d'évaluation des risques et d’un réseau spécialisé
Au titre de soutien de la Commission aux États membres, elle établira un réseau de l'UE contre la corruption, qui rationalisera et soutiendra les réseaux existants et maximisera l'échange de bonnes pratiques entre les autorités et agences nationales, la société civile et les experts indépendants.
Un processus d'évaluation des risques adéquat est nécessaire, afin d'identifier et de traiter les lacunes et les secteurs les plus exposés au risque de corruption. La Commission, avec l'aide du réseau de l'UE contre la corruption et en étroite consultation avec les États membres, cartographiera les zones communes à haut risque d'ici 2024. Les résultats éclaireront l'évaluation nationale des risques par les États membres.
traduction et synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
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