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mardi 10 juin 2025

ARA 2025 : Frontex conjecture une aggravation de la situation migratoire aux frontières européennes

 


Le nouveau rapport annuel de Frontex sur l’état de pression migratoire actuel (Annual Risk Analysis – ARA) et à venir a été publié, et il ressort que les flux ne vont pas diminuer. Au contraire, ils risquent de s’accroître eu égard à l’instabilité politique des zones périphériques à l’Union européenne, voire à celles plus lointaines, conjuguée à une volonté d’instrumentaliser la migration par des Etats hostiles comme la Russie et la Biélorussie. Fait aggravant, la criminalité transnationale se développe, particulièrement dans la région des Balkans occidentaux.
Il importe aussi de garder à l’esprit que les risques pour la gestion intégrée des frontières européennes par voie aérienne, terrestre et maritime sont imbriqués et multiformes au point de constituer un continuum stratégique et opérationnel entre la sécurité intérieure et extérieure de l'Union.

Frontières orientales : une instrumentation migratoire persistante

Frontex note que la situation aux frontières extérieures terrestres orientales de l'UE restera tendue tant que l'agression russe contre l'Ukraine se poursuivra et que les migrants irréguliers seront utilisés pour exercer une pression sur l'UE. 
Face à ces préoccupations sécuritaires et au risque d'une migration instrumentalisée en provenance du Belarus et de la Russie, des mesures renforcées de contrôle des frontières et une législation modifiée ont été adoptées pour lutter contre les mouvements de migrants irréguliers facilités.
Compte tenu de la volatilité de la situation, les flux migratoires instrumentalisés en provenance du Belarus et transitant par la Russie demeurent un risque.
L'ampleur et la nature exactes de ces flux sont difficiles à prévoir, mais il est fort probable qu'ils augmentent encore, éventuellement en coordination avec les actions de la Russie.


Une persistance des pressions migratoires aux frontières du sud-est

Les facteurs traditionnels tels que les difficultés économiques, les migrations saisonnières et les incertitudes ethniques ou politiques continueront probablement à alimenter les flux migratoires, même si la sécurité s'améliore au Moyen-Orient. 
Les principales régions concernées sont la Turquie, qui restera une plaque tournante essentielle pour les migrations vers l'UE, en particulier via la mer Égée orientale et les Balkans occidentaux. 
Le corridor Libye-Crète pourrait également devenir un itinéraire clé, reflétant l'influence croissante de l'Afrique du Nord sur la dynamique des migrations irrégulières en Méditerranée orientale.

Frontex indique que le corridor pourrait facilement être pris pour cible par d'autres nationalités également. La consolidation d'une nouvelle route secondaire, qui a un impact direct sur les mouvements secondaires, risque d'entraver davantage le bon fonctionnement de l'espace Schengen et d'accroître les tensions entre les États membres.
Malgré une tendance à la baisse au cours des deux dernières années, les Balkans occidentaux resteront une zone de transit essentielle pour les migrants se dirigeant vers l'Europe occidentale. Les Syriens (30 %), les Afghans (14 %), les Turcs (9 %), les Marocains (7 %) et les Bangladais (4 %) sont les principales nationalités détectées sur les couloirs de circulation secondaires dérivant de la route des Balkans occidentaux en 2024.
Alors que les pays de l'UE ont pris des mesures pour aligner leurs politiques en matière de visas sur des contrôles plus stricts, les groupes criminels organisés (GCO) restent habiles à exploiter les failles.
Les migrants en provenance du Moyen-Orient (tels que les Syriens) et de l'Asie centrale et du Sud (tels que les Afghans, les Pakistanais et les Bangladais), y compris ceux qui possèdent des documents frauduleux, continueront à mettre à l'épreuve la sécurité des frontières de l'UE. 
Les incidents violents et les enlèvements associés au trafic de migrants dans les Balkans signalent la réapparition d'itinéraires dangereux contrôlés par des réseaux criminels qui cherchent à s'adapter aux opérations de police qui ont considérablement perturbé leurs activités depuis 2023-2024.

La région connaît également une augmentation de la criminalité transfrontalière, en particulier de la contrebande de drogues. L'Afghanistan reste une source majeure d'héroïne, tandis que la production de cannabis dans les Balkans devrait augmenter en raison de la proximité des marchés européens. 
La contrebande d'armes à feu est également une préoccupation croissante, les armes - qu'il s'agisse d'armes légères ou d'articles plus sophistiqués comme les pièces imprimées en 3D - étant introduites clandestinement dans la région, ce qui exacerbe les risques en matière de sécurité.

Frontières méridionales : une augmentation des flux à prévoir


Selon Frontex, les défis posés par les migrations sur la route de la Méditerranée centrale et dans les régions avoisinantes sont complexes et multiformes. L'instabilité politique, les conflits et les facteurs environnementaux dans les pays d'origine et de transit sont à l'origine d'une pression migratoire importante, qui devrait rester élevée.
La Libye, qui est le principal pays de départ, continue d'être un point névralgique. Des réseaux de passeurs bien établis, renforcés par la gouvernance fragmentée de la Libye et l'implication de multiples groupes criminels, indiquent qu'il est peu probable que la situation s'améliore à court terme.
En Afrique subsaharienne, l'instabilité politique, les conflits et les crises environnementales exacerbent les pressions migratoires.

La région du Sahel est en proie à une escalade de la violence de la part de groupes islamistes militants.
Des pays comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger sont gravement touchés, et l'instabilité s'étend aux régions côtières de l'Afrique de l'Ouest. 
Le changement climatique aggrave les déplacements de population, en particulier au Soudan et en Somalie, où de graves sécheresses et inondations perturbent les moyens de subsistance. 
Ces pressions environnementales et économiques continueront d'alimenter les migrations internes et transfrontalières.
Pour l'UE, ces tendances représenteront une pression migratoire soutenue ou croissante, nécessitant une réponse stratégique à long terme. 
Le renforcement de la gestion des frontières, l'amélioration des réponses humanitaires et l'établissement de partenariats solides avec les pays africains seront essentiels pour atténuer ces pressions.
La Somalie comptait près de quatre millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays à la fin de l'année 2024. 
Cette instabilité régionale contribuera probablement à l'augmentation des flux migratoires vers l'Europe.


Frontières du sud-ouest : un changement significatif de la dynamique migratoire

D'après Frontex, les routes migratoires de la Méditerranée occidentale et de l'Afrique de l'Ouest restent les principaux points d'entrée dans l'UE, en raison des difficultés économiques, des conflits et de la criminalité organisée. Les flux migratoires varient selon les saisons. 
Le nombre d'arrivées est resté stable depuis 2020 sur la route de la Méditerranée occidentale, tandis que la tendance à la hausse sur la route de l'Afrique occidentale s'est poursuivie en 2024. 
Les réseaux de passeurs sur ces routes se sont adaptés.
Le rôle de la criminalité organisée, notamment en ce qui concerne le trafic de stupéfiants, est un problème persistant et important dans la région. 
La Méditerranée occidentale reste un corridor essentiel pour la contrebande de drogues, notamment de haschisch et de cannabis, de l'Afrique du Nord vers l'Espagne.
La route de l'Afrique de l'Ouest va de l'Afrique de l'Ouest aux îles Canaries, point de transit vers l'Espagne continentale.

Cette route est empruntée par les migrants économiques et par ceux qui fuient la violence dans leur pays d'origine.
La pression migratoire sur les îles Canaries devrait rester élevée en 2025, sous l'influence d'une interaction de facteurs tels que les pressions environnementales, les griefs socio-économiques, les conflits, la croissance démographique rapide et la faible gouvernance.

Frontex fait observer que la dynamique migratoire dans la région est en train de changer de manière significative. 
Les tensions entre pays voisins ont conduit à la fermeture des frontières et à des relations tendues. 
Il est probable que la région du Sahel restera un point focal critique pour l'attention internationale, l'UE et d'autres acteurs mondiaux cherchant à promouvoir la stabilité dans la région et à atténuer les risques qui déclenchent des déplacements forcés et des migrations massives.


Frontières aériennes : une inquiétude persistante de la fraude documentaire
 
Au cours de l'année à venir, la migration irrégulière par les frontières aériennes extérieures de l'UE devrait rester stable. 
Toutefois, l'augmentation des capacités de vol à partir des principaux pays d'origine, ainsi que l'expansion des routes aériennes via la Turquie et d'autres pays du Moyen-Orient et des Balkans occidentaux, pourraient intensifier la pression migratoire. 
L'ampleur de cet impact dépendra des développements géopolitiques, des conditions socio-économiques dans les pays d'origine et de la disponibilité des liaisons aériennes. 
Les migrations africaines et sud-asiatiques vers l'UE par voie aérienne devraient également augmenter en raison de l'évolution des tendances démographiques et économiques.
Les documents frauduleux restent l'un des principaux facteurs d'entrée irrégulière dans les aéroports de l'UE. 
Les réseaux criminels perfectionnent sans cesse leurs méthodes pour contourner les contrôles aux frontières, en fournissant des documents falsifiés sophistiqués.

Frontex fait remarquer que les aéroports de la péninsule arabique servent de points de transit principaux pour les migrants du Moyen-Orient, d'Asie centrale et d'Asie du Sud en route vers l'UE.
L'utilisation abusive des dispenses de visa de transit aéroportuaire (VTA) reste un problème, car certains migrants refusent les vols de continuation et tentent de demander l'asile ou de quitter illégalement les zones de transit.

Le resserrement des contrôles d'immigration et l'augmentation des expulsions sous la nouvelle administration américaine pourraient réorienter les flux migratoires vers l'UE. La migration vers les aéroports proches de l'UE, en particulier dans les Balkans occidentaux, pose un problème persistant car les politiques de visa ne sont pas alignées sur celles de l'UE. 
Certaines nationalités qui ne peuvent se rendre dans l'UE sans visa peuvent se rendre dans l'un de ces aéroports et tenter ensuite de franchir illégalement la frontière extérieure de l'UE. 
Même lorsque les pays des Balkans occidentaux ont aligné leur politique en matière de visas sur celle de l'UE, l'ouverture de nouvelles routes aériennes, en particulier vers les aéroports pivots du Moyen-Orient, peut entraîner une augmentation du nombre de migrants irréguliers potentiels arrivant dans ces pays avant de se rendre dans l'UE.

 

synthèse et traduction par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


 

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