Cet article constitue la deuxième partie. La première partie est intitulée : Covid-19 : résoudre l'équation impossible
Le confinement s’est opéré dans le plus grand désordre et le déconfinement a lieu, lui aussi, dans le chaos. C’est d’ailleurs ce qu’a regretté la France et ce, alors même que la Commission européenne préconise une approche coordonnée.
En réalité et contrairement à ce que claironne un certain discours souverainiste, la situation ne reflète pas une "soif de frontières" (nationales). D'ailleurs, cette volonté de les réouvrir le plus rapidement possible à présent est plutôt la démonstration inverse.
Pour autant, cette réouverture s'opère de manière différentiée, puisque chaque Etat instaure un régime particulier : ouverture totale ou, à l'inverse, partielle avec certains voisins, quarantaine obligatoire ou bien encore accords visant à créer des "bulles de libre circulation".
A regarder les choses de près, la volonté des Etats membres de réouvrir unilatéralement celles-ci est davantage la preuve d'une gestion particulièrement mal coordonnée de la réponse sanitaire au niveau européen.
En effet, les mêmes causes ont les mêmes conséquences : en 2015, le caractère essentiellement national des politiques migratoires a causé une réponse mal coordonnée de la réponse commune à apporter à la crise, générant le rétablissement désordonné des contrôles aux frontières intra-Schengen.
- A lire l'article de l'auteur de securiteinterieure.fr : Schengen à l’épreuve du coronavirus. Une crise pire que celle de 2015 ?
En 2020, le caractère essentiellement national des politiques de santé a causé une réponse mal coordonnée de la réponse commune à fournir à la crise sanitaire, créant une réinstauration des contrôles à ces frontières, sans surprise.
A nouveau, le caractère essentiellement national des mesures de déconfinement cause, sans surprise là encore, une réponse mal coordonnée de la réponse commune.
C'est donc la même logique du "laisser-passer" connue en 2015, que l'on retrouve en 2020 : confier, pour un Etat, la charge à ses voisins de gérer les effets néfastes d'une vue réponse sanitaire strictement nationale. La frontière germano-polonaise est un exemple.
Comme le précise un Alberto Alemanno, professeur de droit de l'UE, ce n'est pas le souci de libre circulation des citoyens européens qui anime les Etats, ce sont les retombées économiques de la libre circulation de touristes qui les préoccupent davantage.
Que contient exactement l'approche prônée par la Commission, pour sa part soucieuse de garantir l'espace de libre circulation, à la fois comme élément du marché intérieur et comme facteur de citoyenneté, figurant dans le paquet de mesures présentées ce mois-ci ?
De quoi parle-t-on ?
La Commission a présenté, dans sa stratégie stratégie européenne sur les frontières intra-Schengen et sur les frontières extérieures de l'UE, une communication invitant les États membres à s’engager sur la voie d’un rétablissement de la libre circulation transfrontière dans l’Union.
Le rétablissement du fonctionnement fluide du marché unique est une exigence fondamentale pour la reprise des économies de l’UE et notamment pour l’important écosystème touristique et les transports.
La Commission propose ainsi un paquet de mesures visant à restaurer l’écosystème touristique, qui constitue l’un des moteurs économiques, sociaux et culturels de l’Europe.
Cette communication définit des orientations relatives au rétablissement de la libre circulation et à la levée des contrôles aux frontières intérieures.
Elle est adoptée à côté d’une série de textes dont un recommande le maintien d’une restriction des déplacements aux frontières extérieures.
Quelle est la logique de la proposition ?
Au fur et à mesure de l’amélioration de la situation sanitaire, la Commission préconise d’évoluer vers un retour à la libre circulation sans restrictions.
Elle rappelle que le rétablissement de l’intégrité de l’espace Schengen qui constitue l’un des acquis majeurs de l’intégration européenne.
La levée des restrictions est essentielle à la reprise économique. Les restrictions à la libre circulation et la réintroduction des frontières intérieures nuisent au marché unique et au bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement.
Qui plus est, le mode de vie européen en pâtit, dans une Union où les citoyens peuvent se déplacer librement à travers les frontières, en tant que travailleurs, étudiants, membres d'une famille ou touristes.
Pour autant, le rétablissement de la libre circulation des personnes et la levée des contrôles aux frontières intérieures doivent être progressifs et fondés sur le critère essentiel de la sauvegarde de la vie et de la santé des citoyens.
C’est pourquoi, la situation épidémiologique constituera le critère majeur conditionnant la reprise des déplacements, qui s’accompagnera de mesures telles que des exigences en matière de sécurité sanitaire applicables aux différents modes de déplacement et d’hébergement, afin d’atténuer les risques pour la santé.
Une levée complète, mais progressive et surtout différentiée
À mesure que les États membres parviendront à réduire la circulation du virus, la Commission préconise une levée des restrictions générales à la libre circulation à destination et en provenance d’autres régions/zones situées dans des États membres.
Cela se passera si ces Etats présentent un profil de risque global similaire devront faire place à des mesures plus ciblées, en complément des mesures de distanciation physique, de traçage et de dépistage efficaces des cas suspectés.
De la même manière que les restrictions nationales font l’objet d’un assouplissement progressif, une approche graduelle devrait être envisagée en deux étapes.
Étape intermédiaire : une levée partielle des restrictions
Les restrictions de déplacement et les contrôles aux frontières devraient être progressivement levés sur la totalité du territoire de l’UE si l’évolution favorable de la situation épidémiologique dans l’Union se poursuit, notamment si l’on enregistre un faible taux de transmission du virus.
Si une telle mesure n’est pas immédiatement possible, les restrictions de déplacement et les contrôles aux frontières devraient être levés pour les régions, les zones et les États membres qui présentent une situation épidémiologique favorable et suffisamment similaire.
Dans les cas où la situation épidémiologique est moins similaire, des sauvegardes et des mesures supplémentaires ainsi qu’un suivi pourraient être appliqués.
Étape finale : Levée générale des restrictions
Cette dernière étape interviendra lorsque la situation épidémiologique dans l’UE sera suffisamment favorable et homogène.
Elle consistera à lever toutes les restrictions liées à la COVID-19 et tous les contrôles aux frontières intérieures, tout en :
- maintenant les mesures sanitaires nécessaires qui sont en place à l’intérieur du territoire des États membres ;
- poursuivant la réalisation de vastes campagnes d’information.
Un processus de levée conditionnée à la réunion de deux critères
Le processus de levée des restrictions en matière de déplacements et de contrôles aux frontières intérieures nécessitera la mise en balance et l’équilibrage de différents critères, compte tenu des situations épidémiologiques spécifiques dans chaque État membre, qui peuvent à leur tour varier d’une région à l’autre. Cette base objective est essentielle pour permettre de lever les restrictions d’une manière non discriminatoire.
Pour la Commission, ce processus devrait également être souple, et prévoir la possibilité de réintroduire certaines mesures si la situation épidémiologique l’exige, voire de permettre une accélération de la levée des mesures si la situation le permet.
Le calendrier de ce processus sera également fonction du respect, par les citoyens, des mesures de distanciation physique.
Deux critères obligatoires
La suppression des restrictions en matière de déplacements et des contrôles aux frontières intérieures doit reposer sur l’examen attentif de la situation épidémiologique dans toute l’Europe et dans les différents États membres.
Les mesures à prendre à l’échelon national en vue de lever progressivement les restrictions en matière de déplacements devraient tenir compte cumulativement :
- de l’évaluation de la convergence des situations épidémiologiques dans les États membres
- de la nécessité d’appliquer des mesures de confinement, y compris la distanciation physique, tout en construisant et en maintenant la confiance dans les sociétés.
Plus exactement, les restrictions en matière de déplacements devraient d’abord être levées au sein de l’UE,
- dans les zones où l’on constate, sur la base des orientations données par l’ECDC, une amélioration constante de la situation épidémiologique,
- lorsque des capacités suffisantes en ce qui concerne les hôpitaux, les tests, la surveillance et les capacités de traçage des contacts, sont en place.
Un recours à une appli de traçage euro-compatible
Pour la Commission, la capacité de garantir que les mesures de confinement, telles que la distanciation physique, puissent être appliquées pendant toute la durée d’un déplacement.
En outre, la réalisation des tests et la montée en puissance de la capacité de dépistage, de traçage des contacts, ainsi que le recours à l’isolement et à la quarantaine en cas de suspicion de COVID-19 revêtent une importance capitale.
Enfin, elle considère que les applications de traçage des contacts sont utiles, conformément :
aux lignes directrices du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC),
aux orientations sur les applications soutenant la lutte contre la pandémie de COVID-19 en ce qui concerne la protection des données.
A ce propos, la Commission et les États membres ont publié un protocole sur les principes d’interopérabilité afin d’assurer que des applications approuvées de traçage des contacts.
Le cœur du réacteur : une approche coordonnée
Par ailleurs, la Commission recommande d’adopter une approche coordonnée des mesures de distanciation physique, parmi les États membres qui ont commencé à lever les restrictions en matière de déplacements. Plus exactement, les décisions concernant la levée des contrôles devraient être prises en concertation avec les autres États membres, en particulier avec ceux qui sont directement concernés.
Pour elle, il importe d’éviter dans la mesure du possible une situation dans laquelle des informations contradictoires se traduiraient par une confusion et un manque de respect de la distanciation sociale.
Á cet effet, les États membres pourraient par exemple veiller à la mise en place d’un site web unique, accessible aux fins d’une consultation préalable par les voyageurs, et à ce que, dès l’entrée sur leur territoire, les voyageurs reçoivent un SMS automatique contenant des informations.
Comment procéder concrètement ?
Depuis le début de la pandémie, la Commission et les États membres ont procédé à des échanges réguliers d’informations et de bonnes pratiques dans divers forums de discussion, notamment au niveau technique par l’intermédiaire du groupe d’information COVID-19 de la DG HOME de la Commission, et au niveau politique à l’occasion des vidéoconférences hebdomadaires organisées par la Commission.
Afin d’éviter la nécessité de créer un nouveau mécanisme ou une nouvelle plateforme de coordination, la Commission propose que l’élaboration de recommandations concrètes s’effectue dans les cadres existants et ayant démontré leur efficacité.
Ce travail pourrait, par exemple, être réalisé dans le cadre du dispositif intégré de l'UE pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise (IPCR), qui est actuellement en mode «activation totale».
synthèse par securiteinterieure.fr
Cet article constitue la deuxième partie. La première partie est intitulée : Covid-19 : résoudre l'équation impossible
A lire aussi pour prendre du recul :
- Covid-19 : le renforcement des contrôles aux frontières Schengen (Ségolène Barbou Des Places, La Club des Juristes)
- Covid-19 : déconfinement progressif en Europe (Touteleurope)
- We lived the European dream. Will any politician stand up for open borders? (Alberto Alemanno)
- Covid-19 : résoudre l'équation impossible
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