Difficile de faire pire « après le chaos total engendré par l’extension de la pandémie du coronavirus, lorsque chaque Etat membre a réagi en solo, sans aucune concertation européenne, ce qui a abouti à de sévères frictions politiques entre eux sans pour autant stopper la propagation de la maladie », pour reprendre les termes d’un célèbre commentateur de la vie du microcosme bruxellois.
Le Conseil européen a approuvé la feuille de route de la Commission visant à sortir du déconfinement de manière ordonnée et un élément reste à retenir : ne plus rééditer le désordre qu’a connu l’Union lors de la propagation du Covid-19.
Comme le notent avec justesse les chefs d'Etat et de gouvernement : "La propagation du virus ne s’arrête pas aux frontières et les mesures prises isolément sont nécessairement moins efficaces".
A retenir de cette feuille et de la communication qui l’accompagne :
- Une levée progressive et différentiée par zone des frontières intra-Schengen
- Un maintien de la fermeture des frontières extérieures pour au moins un moins, sans possibilité de réouverture à court terme.
- A lire sur securiteinterieure.fr : Schengen à l’épreuve du coronavirus. Une crise pire que celle de 2015 ?
frontière intra-Schengen franco-suisse (Haute-Savoie-Canton de Genève vers St Julien-en-Genevois)
D’où vient-on ?
- Le 10 mars 2020, les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne ont souligné la nécessité d’une approche européenne commune en ce qui concerne la COVID-19 et d’une étroite coordination avec la Commission européenne,
- Le 16 mars 2020, la Commission a adopté une communication recommandant une restriction temporaire aux déplacements non essentiels en provenance de pays tiers vers la zone UE+;
- Le 17 mars 2020, ces États sont convenus de mener une action coordonnée.
Tous à l’exception de l’Irlande ont pris des décisions nationales pour appliquer les restrictions en matière de déplacements.
Afin d’aider les États membres dans la mise en œuvre de ces restrictions, la Commission a adopté, le 30 mars 2020, des orientations concernant :
- la mise en œuvre des restrictions temporaires de déplacement;
- la facilitation des rapatriements en provenance du monde entier;
- le traitement des dépassements de la durée de séjour autorisée consécutifs auxdites restrictions.
- A lire sur securiteinterieure.fr : Covid-19 : la frontière extérieure de l’UE doit servir de cordon sanitaire
Ces orientations ont été élaborées à partir des contributions de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) et du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).
Le 16 mars 2020, la Commission avait recommandé une durée de 30 jours concernant la restriction temporaire.
Les décisions des États membres ont été prises à des dates différentes, mais la plupart étaient en vigueur le 20 mars 2020, ce qui signifie que la période d’application initiale de 30 jours arrivera à son terme prochainement.
Par ailleurs, lors de leur réunion du 26 mars 2020, les membres du Conseil européen se sont engagés à faire tout ce qui est nécessaire pour protéger les citoyens de l’UE et surmonter la crise, tout en préservant les valeurs et le mode de vie européens.
Ils ont appelé à préparer les mesures nécessaires pour revenir à un fonctionnement normal des sociétés et économies européennes..
Où en est-on sur le front des frontières extérieures ?
D’après la Commission, l’expérience des États membres les mesures prises pour lutter contre sa propagation nécessitent plus de 30 jours pour être efficaces. Au vu de la situation épidémiologique dans l’Union, la Commission appelle, dans sa communication à prolonger, de manière coordonnée, cette pour une période supplémentaire de 30 jours jusqu’au 15 mai 2020 .
Elle précise que :
- toute nouvelle prorogation de cette période devrait faire l’objet d’une nouvelle évaluation, en fonction de l’évolution de la situation épidémiologique.
- le champ d’application de la prorogation de la restriction devrait être identique à celui défini dans la communication du 16 mars 2020.
Et le déconfinement ? La mise en place d’un cadre commun
Les mesures de confinement étant maintenant en place depuis plusieurs semaines, la question se pose naturellement de savoir quand et comment elles pourront être assouplies.
Le calendrier et les modalités spécifiques varieront d’un État membre à l’autre, mais il est essentiel qu’il existe un cadre commun défini de manière concerté.
Un ensemble de critères sont à prendre en considération pour assouplir le confinement:
- 1. des critères épidémiologiques montrant que la propagation de la maladie a considérablement diminué et s’est stabilisée sur une période prolongée ;
- 2. des systèmes de santé disposant de capacités suffisantes (par exemple un nombre adéquat de lits d’hôpital et la reconstitution des stocks d’équipements) ;
- 3. des capacités de suivi, notamment des capacités de dépistage à grande échelle permettant de détecter et de surveiller la propagation du virus : traçage des contacts et possibilités d’isolement des personnes en cas de réapparition et de nouvelle propagation des infections.
3 principes fondamentaux servir de guide :
- Premier principe : les mesures prises devraient être fondées sur les connaissances scientifiques ;
- Deuxième principe : le respect et la solidarité entre les États membres restent essentiels, il existe une grande quantité de connaissances à partager entre les professionnels et les États membres et l’entraide est fondamentale en temps de crise.
Des exemples de solidarité se sont multipliés dans toute l’UE ces dernières semaines (le traitement de patients dans les services de soins intensifs d’autres États membres, envoi de médecins et d’infirmiers et infirmières, par exemple).
Cette approche doit être suivie et ouvrira la voie à de nouvelles mesures de solidarité au niveau de l’UE pour soutenir certains États membres plus durement touchés par la crise économique à venir.
Surtout, éviter le fiasco initial et opérer désormais une meilleure coordination
Troisième principe : les mesures devraient être coordonnées entre les États membres: un manque de coordination dans la levée des mesures restrictives pourrait avoir des effets négatifs pour tous les États membres et créer des tensions politiques.
Même si une approche unique, adaptée à tous, n’existe pas, les États membres devraient au minimum, avant d’annoncer la levée des mesures, s’en informer mutuellement.
La communication et les discussions devraient avoir lieu dans le contexte du dispositif intégré pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise.
Pour gérer avec succès la levée progressive des mesures de confinement existantes, le Conseil européen estime qu’il faudra appliquer une combinaison de mesures d’accompagnement notamment :
- 1. Récolte de données et élaboration d’un système solide de transmission d’informations: pour une meilleure gestion de la levée des mesures, il est essentiel que des données sur la propagation du virus, les caractéristiques des personnes infectées et guéries et leurs contacts directs potentiels soient réunies et partagées de manière harmonisée aux niveaux national par les autorités de santé publique ;
- 2. Création d’un cadre pour la recherche de contacts et le lancement d’alertes à l’aide d’applications mobiles.
Il s’agit d’avoir recours, dans le respect de la confidentialité des données, aux applications mobiles qui avertissent les citoyens du risque accru résultant d’un contact avec une personne testée positive à la COVID-19.
La Commission a adopté, le 8 avril 2020, une recommandation qui établit un processus associant les États membres pour une approche européenne commune («boîte à outils») concernant l’utilisation d’outils numériques.
Cette approche commune sera complétée par des lignes directrices de la Commission qui préciseront les principes pertinents en matière de protection de la vie privée et des données ; - 3. Augmentation des capacités de dépistage et harmonisation des méthodes de dépistage avec le développement de capacités durables de diagnostic de la COVID-19 dans les hôpitaux, la mise en place de programmes de dépistage, le déploiement de kits d’autodépistage ;
- 4. une fois le mesures de confinement progressivement levées, assurer une meilleure prise en charge des nouveaux patients COVID-19 ;
- 5. renforcer la disponibilité des équipements médicaux et de protection individuelle.
La concurrence entre les États membres et les partenaires internationaux a entraîné une hausse significative des prix.
Cela a mis en évidence l’importance d'une coordination pour garantir des approvisionnements adéquats dans l’ensemble de l’UE.
Parmi les mesures à prendre, la Commission fournit et des orientations en matière de pratiques anticoncurrentielles.
Sur le front des frontières intérieures à l’espace Schengen : encore et toujours de la coordination
Selon les chefs d’Etat et de gouvernement, il est nécessaire de lever de manière coordonnée.
Les restrictions en matière de déplacements et les contrôles aux frontières actuellement appliqués devraient être supprimés dès que :
- les situations épidémiologiques des régions frontalières convergeront de façon suffisante ;
- les règles en matière de distanciation sociale seront appliquées de manière généralisée et responsable.
La réouverture progressive des frontières devrait donner la priorité aux travailleurs transfrontaliers et saisonniers et éviter toute discrimination à l’encontre de ces travailleurs.
Les États membres voisins devraient rester en contacts étroits pour faciliter ce processus en étroite coordination avec la Commission.
Durant la phase de transition, il convient de redoubler d'efforts en vue de maintenir la libre circulation des marchandises et de sécuriser les chaînes d’approvisionnement.
frontière intra-Schengen franco-allemande (Moselle-Sarre vers Forbach)
Une ouverture différentiée selon les zones
Les restrictions en matière de déplacements devraient dans un premier temps être assouplies entre les zones où le niveau déclaré de circulation du virus est comparativement faible.
Le Centre européen de prévention et contrôle des maladies (CEPCM), en coopération avec les États membres, tiendra une liste de ces zones.
La Commission proposera également des orientations plus détaillées sur la manière de rétablir progressivement les services de transport, la connectivité et la libre circulation dès que la situation sanitaire le permettra, également dans la perspective de la planification des voyages pour les vacances d’été.
Quant à la réouverture des frontières extérieures et l’accès à l’UE de ressortissants de pays tiers, elles devraient intervenir dans un deuxième temps, tout en tenant compte de :
- la propagation du virus en dehors de l’UE;
- des risques de réintroduction.
synthèse des deux textes par securiteinterieure.fr
A lire aussi pour prendre du recul :
- La frontière franco-allemande au temps du Covid-19 : la fin d’un espace commun ? (Frédérique Berrod Birte Wassenberg, Morgane Chovet, The Conversation)
- Covid-19 : face à la crise économique, les dirigeants européens à l'épreuve de la solidarité
(Touteleurope) - Déconfinement: un feuille de route européenne (J. Quatremer - Coulisses de Bruxelles)
- The corona crisis and the overall imperative of precaution (Aike Würdemann - Euopeanblog.eu)
A lire également sur securiteinterieure.fr :
- Crise du Covid-19 : selon Europol, le cybervirus se répand de manière exponentielle
- Covid-19 : Europol met en garde contre une flambée épidémique de criminalité
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- Schengen à l’épreuve du coronavirus. Une crise pire que celle de 2015 ?
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