Un rapport sur le fonctionnement des statistiques européennes a été rendu et pour tout dire il est bon. Enfin presque. Côté point fort, il est possible de noter une bonne coopération entre Eurostat d’une part, et Frontex ainsi que les organisations internationales de l’autre. En outre, les statistiques produites présentent un niveau largement satisfaisant de cohérence, de qualité et de comparabilité. Quatre lacunes importantes sont toutefois à noter : le manque d’harmonisation de la définition de la population, l’actualité et la fréquence insuffisantes des statistiques, le manque de détails relatifs à certains thèmes ou groupes, et un manque de souplesse pour s’adapter à l’évolution des besoins politiques.
De quoi parle-t-on ?
Ce document constitue le cinquième rapport sur la mise en œuvre du règlement de 2007, et fait suite aux rapports de 2012 , de 2015 , de 2018 et de 2021. Il fournit des informations sur les progrès réalisés pour mettre en œuvre le règlement depuis 2021 et présente les prochaines étapes en vue d’une poursuite de l’amélioration de la qualité de ces statistiques.
Ce règlement de 2007 établit des règles communes pour la production de statistiques européennes sur la migration et la protection internationale dans l’Union. Ces statistiques portent sur la migration internationale, dont les flux migratoires, les stocks de migrants et l’acquisition de la nationalité. Sont également incluses les statistiques relatives à l’asile et à la gestion des migrations qui comprennent:
- les demandes d’asile, y compris celles des mineurs non accompagnés, les décisions de première instance et les décisions en appel d’octroi ou de retrait de différentes formes de protection internationale, et les personnes réinstallées dans l’Union;
- l’application du règlement Dublin III par les États membres;
- ·les ressortissants de pays tiers auxquels l’entrée sur le territoire d’un État membre a été refusée aux frontières extérieures ou qui ont été reconnus comme étant en situation irrégulière en application des lois nationales;
- les permis de résidence délivrés à des ressortissants de pays tiers, la durée de validité du permis et le motif de délivrance du permis; et
- les ressortissants de pays tiers qui font l’objet d’un ordre de quitter le territoire d’un État membre ou qui sont en instance de départ à la suite d’un tel ordre.
Principales évolutions
Après des améliorations continues jusqu’au rapport de 2018, la disponibilité et la qualité globale des données se sont stabilisées à un niveau élevé, comme indiqué dans le rapport de 2021.
Plusieurs améliorations techniques supplémentaires effectuées depuis 2021 ont permis de maintenir un niveau élevé de pertinence des produits statistiques.
Le 4 mars 2022, le Conseil a instauré une protection temporaire pour les personnes fuyant l’Ukraine à la suite de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine .
Alors que les dispositions juridiques du règlement prévoient la collecte de données trimestrielles sur l’octroi de la protection temporaire, la nécessité de disposer de statistiques supplémentaires, plus fréquentes et actualisées dans ce domaine est devenue une priorité. En conséquence, des statistiques mensuelles sur l’octroi de la protection temporaire et sur le nombre de bénéficiaires du statut de protection temporaire de tous les pays de l’Union et de l’AELE sont collectées sur une base volontaire.
La modification du règlement
Toutefois, en raison de l’évolution rapide des phénomènes sociaux et démographiques, notamment des migrations, de nouveaux besoins en statistiques européennes régulières plus actuelles et détaillées sont apparus.
En 2020, le règlement a été modifié afin de mettre à jour les statistiques sur l’asile et la gestion des migrations, en introduisant de nouvelles variables, des ventilations plus détaillées et des collectes de données plus fréquentes
En outre, la Commission a lancé une initiative en 2021 visant à réviser le cadre juridique applicable aux statistiques sur la population et le logement. Dans ce contexte, une évaluation du cadre juridique a mis en évidence plusieurs lacunes importantes. La Commission a donc proposé un nouveau cadre juridique, pour lequel la procédure législative est en cours.
Quel est le bilan à tirer ?
Le rapport observe que le règlement est bien mis en œuvre. Il en résulte la publication régulière de statistiques européennes globales de haute qualité sur la migration et la protection internationale, dont les institutions et les décideurs politiques de l’Union ont besoin à tous les niveaux.
Le respect de la législation et la qualité des statistiques font l’objet d’un suivi régulier et, aucun problème majeur de conformité n’est à relever.
Selon le type de données, le délai de fourniture de données à Eurostat va de deux à douze mois après la date de référence ou la fin de la période de référence.
Les procédures automatisées d’extraction au niveau national et le suivi régulier effectué par Eurostat visent à garantir la transmission ponctuelle des données. Les délais de transmission ont généralement été respectés, avec des tendances le plus souvent stables ou en légère amélioration depuis 2021.
D’autres problèmes non récurrents restent rares, par exemple, des perturbations isolées dues à l’indisponibilité du personnel ou à des pannes de systèmes informatiques.
Un bon niveau de cohérence et de comparabilité
Des lignes directrices concernant la méthodologie et l’établissement des statistiques sont en place depuis longtemps et sont régulièrement améliorées pour toutes les statistiques visées par le règlement. Elles permettent aux États membres d’assurer une comparabilité conforme à la législation de l’Union et aux recommandations internationales.
Les statistiques sur la migration internationale restent très cohérentes avec les statistiques relevant du règlement de 2013 . Les problèmes d’application de certaines définitions pour les statistiques sur les flux migratoires et l’acquisition de la nationalité sont malgré tout parmi les plus difficiles à résoudre.
Les statistiques sur l’asile et la gestion des migrations affichent généralement un degré élevé de respect des définitions énoncées dans le règlement. Certains problèmes spécifiques persistent dans quelques États membres, mais principalement au niveau des sous-catégories de ventilation.
Lorsque des comparaisons sont possibles à l’échelle internationale, on peut généralement constater un degré élevé de cohérence avec les données collectées et publiées ailleurs par des organisations nationales et internationales. Eurostat coopère étroitement avec l’Agence européenne pour l'asile et Frontex pour assurer la cohérence de la méthodologie et des statistiques avec les méthodologies mises en œuvre et les données collectées par ces agences.
Des (grosses) ombres au tableau
Les États membres maintiennent un niveau d’exactitude statistique constamment élevé, ou améliorent encore cet aspect. Des problèmes spécifiques d’exactitude continuent de se poser en ce qui concerne les données sur la migration internationale.
Il s’agit à la fois de problèmes de sous-couverture (lorsque des personnes ne font pas enregistrer leur lieu de résidence) et de sur-couverture (lorsque des personnes ne demandent pas leur radiation puisque, bien souvent, rien ne les y oblige ni ne les y incite). Pour améliorer encore l’exactitude dans ce domaine, certains États membres échangent des données et utilisent des techniques d’estimation et des sources de données administratives supplémentaires.
La liberté de circulation au sein de l’Union et les questions liées à la protection des données à caractère personnel entravent la poursuite de l’amélioration de la qualité des statistiques, en particulier concernant les mouvements intra-UE.
Surtout, une évaluation du cadre actuel des statistiques démographiques a mis en évidence quatre lacunes importantes: le manque d’harmonisation de la définition de la population, l’actualité et la fréquence insuffisantes des statistiques, le manque de détails relatifs à des thèmes ou groupes pertinents, et un manque de souplesse pour s’adapter à l’évolution des besoins ou aux nouvelles sources de données.
La Commission a donc proposé un nouveau règlement-cadre unique relatif aux statistiques européennes sur la population, qui consoliderait le cadre juridique et comblerait les lacunes observées.
Lacune 1: le probléme de la définition de la résidence
Bien que le règlement établisse des définitions communes des concepts statistiques clés, une certaine souplesse subsiste dans la définition de la population.
Les États membres appliquent actuellement trois concepts différents (résidence habituelle, résidence officielle et résidence légale) qui sont autorisés par le règlement, parfois en utilisant des concepts différents pour des ensembles de données différents.
Cette question essentielle a entraîné un manque de comparabilité et de cohérence dans les données provenant de différents États membres, ce qui a réduit la valeur ajoutée européenne. En outre, les statistiques collectées sur une base volontaire sont souvent incomplètes au niveau de l’Union en raison de l’absence de données provenant de quelques États membres. Il n’est pas donc as possible d’en obtenir une vision complète à l’échelle de l’Union.
Lacune 2: actualité et fréquence
Même si, dans l’ensemble, l’actualité s’est améliorée dans le cadre du règlement par rapport aux précédentes collectes de données entièrement volontaires, elle reste inférieure aux attentes des utilisateurs. Les données fournies par certains Etats sont moins actuelles que celles de publications nationales comparables dans la majorité des États membres.
Lacune 3: Adaptation des thèmes ou groupes sur le plan social
Le règlement est axé sur les besoins en données pour les priorités politiques qui étaient pertinentes au moment de son élaboration. Au fil du temps, les priorités ont changé, de sorte que les statistiques sur la migration internationale disponibles ne couvrent plus de manière adéquate les caractéristiques et les thèmes pertinents pour l’élaboration des politiques.
Le niveau de détail géographique est également insuffisant, notamment en ce qui concerne les flux migratoires au niveau régional.
Lacune 4: manque de flexibilité du cadre juridique
Outre les faiblesses examinées ci-dessus, la législation existante manque également de la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux besoins nouveaux et émergents en matière de statistiques. Les nouvelles sources de données dans les États membres et au niveau de l’Union (en particulier les données administratives, y compris les systèmes d’interopérabilité et les données détenues par le secteur privé) offrent des possibilités, mais la législation actuelle ne permet pas d’adopter de telles évolutions.
Et après?
Plusieurs facteurs législatifs sont à l’origine des lacunes importantes et ont permis de relever des redondances administratives dans le domaine de la conformité, de l’application et du suivi, étant donné que la législation actuelle repose sur trois actes juridiques différents.
La Commission a donc proposé un nouveau règlement-cadre relatif aux statistiques européennes sur la population et le logement. Elle soutient la mise en œuvre d’une définition harmonisée de la population, fondée sur des concepts d’estimation statistique solides, et permet l’accès aux sources de données disponibles qui amélioreront les processus de production et la qualité générale des statistiques sociales.
synthèse et traduction par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
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