Le système d’échange des casiers judiciaires se porte bien. C’est ce qui ressort d’un rapport d’évaluation sur le système européen dénommé ECRIS. Plusieurs millions de messages sont échangés par an à travers ce dispositif électronique. Quant à la France, elle est en haut de classement quant au nombre de messages échangés.
Tout n’est pas rose néanmoins, certains Etats sont aux abonnés absents et certaines demandent sont en souffrance.
- A lire également sur securiteinterieure.fr : L'ECRIS-TCN, un pas de plus vers le fichage des étrangers délinquants dans le "casier judiciaire européen"
A retenir : 6 faits marquants et 3 points noirs
- Le nombre de messages échangés a atteint 4,2 millions en 2019,
- Le nombre de demandes d’informations a triplé depuis 2017 pour atteindre 1 million rien qu’en 2019,
- L’ECRIS est utilisé à des fins autres que les procédures pénales tout aussi fréquemment qu’aux fins de procédures pénales,
- L’ECRIS n’est pas toujours utilisé pour demander des informations sur les précédentes condamnations : malgré l’augmentation spectaculaire du nombre de demandes en général, le problème récurrent dû au fait que certains États membres sous-utilisent l’ECRIS (ils n’ont envoyé pratiquement aucune demande ou ont envoyé un faible nombre de demandes),
- Autre point noir : en 2019, 190 000 demandes n’ont pas reçu de réponse dans les délais légaux, soit 18,4 % du nombre total des demandes. Ce nombre de réponses tardives est alarmant dans la mesure où il a augmenté de près de 14 fois par rapport à 2016,
- Plus grave, en 2019, plus de 42 000 demandes d’informations sont restées sans réponse. Ce chiffre correspondait à 4,1 % de l’ensemble des demandes.
De quoi parle-t-on ?
Le système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS) permet un échange d’informations entre les États membres sur les précédentes condamnations pénales prononcées par les juridictions pénales dans l’UE.
L’ECRIS est fondé sur une architecture décentralisée, dans laquelle les informations sur les casiers judiciaires sont échangées par voie électronique, exclusivement entre les autorités centrales des États membres.
Ce rapport est le second rapport statistique de la Commission sur les échanges, au moyen de l’ECRIS, d’informations extraites des casiers judiciaires entre les États membres. Il donne un aperçu de son utilisation entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019, en mettant l’accent sur 2019
Son but est de présenter la conformité des échanges des États membres avec le cadre juridique de cet ECRIS ainsi que de décrire les éventuels problèmes relatifs à l’efficacité du système.
D’où vient-on ?
L’ECRIS est devenu opérationnel en avril 2012. Il est réglementé par la décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil du 26 février 2009 concernant l’organisation et le contenu des échanges d’informations extraites du casier judiciaire entre les États membres et par la décision 2009/316/JAI du Conseil du 6 avril 2009 relative à la création du système européen d’information sur les casiers judiciaires.
Le 29 juin 2017, la Commission a adopté son premier rapport statistique couvrant la période comprise entre le mois d’avril 2012 et le 31 décembre 2016.
L’ECRIS, comment ça marche ?
Tout État membre qui condamne un ressortissant d’un autre État membre est tenu de transmettre dans les plus brefs délais, via l’ECRIS, toutes les informations relatives à cette condamnation à l’État membre appelé l’«État membre de nationalité».
Cet État membre de condamnation doit communiquer :
- toutes les informations relatives à cette condamnation (notifications sur les nouvelles condamnations) ;
- toutes les informations subséquentes (notifications sur les mises à jour).
L’État membre de nationalité tient un répertoire central de toutes les condamnations prononcées contre ses ressortissants par les juridictions pénales des autres États membres de l’UE.
Ce répertoire s’ajoute à celui recensant les condamnations éventuelles prononcées dans l’État membre lui-même.
Cet État membre de nationalité est aussi tenu de conserver de fournir des informations complètes sur les casiers judiciaires (réponses aux demandes) lorsqu’un autre État membre lui en fait la demande (demandes d’informations), dans de courts délais de 10 ou 20 jours.
A noter qu’il existe des différences significatives entre les activités ECRIS des États membres et leur charge de travail.
Certains États membres demandent beaucoup plus souvent des informations qu’ils ne sont invités à en fournir ;
- D’autres États membres sont confrontés à un nombre significatif de demandes, tandis qu’ils en envoient moins eux-mêmes:
- D’autres États membres envoient un grand nombre de notifications sur de nouvelles condamnations aux États membres de la nationalité du coupable, alors qu’ils envoient moins de demandes eux-mêmes.
90 % du nombre total d’interconnexions possibles… mais pas 100%
L’ECRIS est un système décentralisé dans lequel tous les États membres doivent être mutuellement interconnectés. Le nombre total possible d’interconnexions est 756 (27*28).
Le système ECRIS a démarré avec 173 interconnexions en 2012, sur 756 possibles (avec 28 États membres connectés). À la fin de l’année 2019, 670 interconnexions avaient été établies, soit 90 % du nombre total d’interconnexions possibles.
Néanmoins, l’objectif final n’est pas encore complètement atteint, étant donné que tous les États membres ne sont pas connectés les uns aux autres et qu’ils n’échangent pas d’informations avec la totalité des autres États membres via l’ECRIS.
Un nombre total de messages échangés en augmentation constante:
Si, en 2016, 2 millions de messages avaient été échangés par tous les États membres interconnectés, ce nombre a atteint près de 4,2 millions en 2019, avec en moyenne 348 000 messages par mois.
Une fluctuation du ratio notifications / demandes / réponses
Au cours des trois dernières années, les proportions entre les notifications relatives à de nouvelles condamnations, les demandes et les réponses aux demandes ont radicalement changé. En 2016, les chiffres étaient presque égaux pour chacune de ces trois catégories et s’élevaient à environ 350 000 par an et par catégorie. En 2019, le nombre de demandes d’informations et le nombre correspondant de réponses aux demandes étaient plus de trois fois plus élevés que le nombre de notifications.
En 2017, le nombre de notifications relatives à de nouvelles condamnations a diminué et s’est maintenu à environ 310 000 jusqu’en 2019.
En revanche, le nombre de demandes d’informations et de réponses aux demandes correspondantes a triplé depuis 2017, atteignant 1 million pour chacune de ces catégories en 2019.
Cette augmentation spectaculaire des demandes d’informations est principalement due à une évolution dans l’utilisation de l’ECRIS, lequel n’est plus essentiellement utilisé aux fins de procédures pénales, mais de plus en plus également à des fins autres que les procédures pénales.
A ce propos les années 2018-2019 ont marqué une évolution complète dans l’utilisation du système, lequel a commencé à être consulté aussi fréquemment aux fins de procédures pénales qu’à d’autres fins. Le nombre de demandes envoyées à d’autres fins a dépassé 500 000 en 2019, soit plus de 6 fois plus qu’en 2016. Le nombre de demandes aux fins de procédures pénales est resté stable aux alentours de 500 000 également.
L’accroissement des demandes envoyées à d’autres fins s’explique essentiellement par :
- la forte augmentation des demandes de particuliers au sujet de leur propre casier judiciaire – de plus de six fois depuis 2016, pour un total de 356 000 demandes,
- le nombre de demandes aux fins d’un recrutement pour des activités professionnelles ou des activités bénévoles organisées impliquant des contacts avec des enfants.
La France, dans le palmarès des pays qui notifient le plus
Le volume de notifications envoyées varie considérablement d’un État membre à l’autre, allant de près de 112 000 (Allemagne) à zéro notifications relatives à de nouvelles condamnations (Malte, Portugal) par an.
L’analyse de ces variations doit essentiellement tenir compte de deux facteurs: la taille du pays et le nombre de condamnations de ressortissants d’autres États membres (la population de ressortissants d’autres États membres).
Les États membres les plus actifs dans l’envoi de notifications sont :
La France, une baisse dans le hit-parade des pays qui demandent le plus d’informations
Le nombre global de demandes d’informations a triplé depuis 2017 pour atteindre 1 million en 2019.
Le volume de demandes envoyées varie considérablement d’un État membre à l’autre, allant de 745 000 demandes (pour l’Allemagne) à 6 demandes (Grèce) par an.
Le principal facteur à prendre en compte dans l’analyse de ces variations entre le nombre de demandes envoyées par les États membres est le nombre de ressortissants d’autres États membres résidant dans un État membre donné.
Les États membres les plus actifs dans l’envoi de demandes sont :
Le point noir de l’absence des réponses aux demandes
Là encore, le volume de demandes reçues et de réponses envoyées qui y correspondent varie considérablement d’un État membre à l’autre, allant de 179 000 (Pologne) à 646 demandes (Malte) par an.
L’analyse de ces variations doit essentiellement tenir compte de deux facteurs: la population totale par État membre et le nombre de ressortissants de chaque État résidant dans d’autres États membres.
Si tous les États membres répondent à des demandes de manière générale, en 2019 encore, plus de 42 000 demandes d’informations sont restées sans réponse.
Dans la plupart des cas, le nombre de réponses envoyées était légèrement plus faible que le nombre de demandes d’informations reçues, avec un écart moyen d’environ 4,1 %, contre 3,6 % en 2016.
Parmi les États membres ayant reçu le plus grand nombre de demandes en 2019, la Bulgarie est en tête de classement : elle n’a pas répondu à 53 % des demandes qu’elle a reçues (30 975), suivie de la Grèce à 38 % (19 564), et l’Italie à 8,9 % (9 720).
En outre, en 2019, 190 000 demandes ont reçu une réponse après expiration des délais légaux, soit 18,4 % du nombre total des demandes.
Cette tendance ne concerne que quelques États membres, en particulier ceux qui ont été confrontés à un volume considérable de demandes d’informations : la Pologne avec 55 % des réponses envoyées tardivement (99 000), la Roumanie (30 %; 50 000), et la Croatie (43 %; 24 600).
De plus en plus de ressortissants de pays hors UE dans le système
En moyenne, 92 % de l’ensemble des demandes portent sur des ressortissants de l’UE et environ 8 % concernent des ressortissants hors UE.
Bien que le pourcentage de demandes d’informations relatives à des ressortissants hors UE ait reculé depuis 2016, passant de 10 % à 7 % de l’ensemble des demandes en 2019, le nombre effectif de ce type de demandes est en hausse croissante et dépasse 69 000 en 2019.
En 2019, une législation complémentaire a été adoptée, établissant un système ECRIS-TCN centralisé permettant d’identifier efficacement le ou les États membres qui détiennent des informations sur le casier judiciaire de TCN condamnés dans l’UE.
Une fois opérationnel en 2023, ce système devrait favoriser des échanges plus efficaces d’informations sur les TCN via l’ECRIS et entraîner une augmentation sensible de ces demandes.
synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
A lire également sur securiteinterieure.fr la synthèse en français des rapports précédents :
- L'ECRIS-TCN, un pas de plus vers le fichage des étrangers délinquants dans le "casier judiciaire européen"
- Lutte antiterroriste : le chantier démarre pour étendre le "Casier judiciaire européen" aux personnes de nationalité hors UE
- L’Agence de sécurité des réseaux (eu-LISA) est "performante" et "de plus en plus importante"
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