Le 12 novembre : voici la date à laquelle les ministres de l’Intérieur vont valider la nouvelle « recommandation » à l’attention de plusieurs Etats, leur permettant de prolonger à nouveau, le rétablissement des contrôles aux frontières avec d’autres Etats membres (à lire sur securiteinterieure.fr: Schengen : mettre (enfin) un terme à la politique dite du "laisser-passer" ?). L’Allemagne, qui est l’un des 5 pays ayant réinstauré ces contrôles, s’est déclarée en faveur d’une telle reconduction, lors de la rencontre des ministres de l’Intérieur de ce mois d’octobre.
Le rétablissement des contrôles étant temporaire par nature, la période prévue dans la recommandation actuelle, celle du 12 mai 2016, est sur le point d’expirer. Il s’agira alors pour les ministres d’adopter une nouvelle recommandation validant ces contrôles pour une période de 6 mois.
Au vu du rapport remis par la Commission européenne en septembre et de la réaction des Etats membres ce mois d'octobre, tout porte à croire que ce prolongement aura bien lieu.
De quoi parle-t-on ?
5 États membres Schengen concernés ont instauré des contrôles aux frontières intérieures : l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, la Suède et la Norvège.
Conformément au nouveau mécanisme institué par la gouvernance de Schengen de 2013, la Commission a établi un rapport dans lequel elle juge ces contrôles conformes aux standards européens (à lire sur securiteinterieure.fr le Dossier spécial Schengen).
Plus exactement, les Etats ayant souhaité une « gouvernance politique » et non pas technocratique, ils ont émis une recommandation le 12 mai dernier ayant trait à l’instauration des contrôles et fixant les conditions de l’évaluation par la Commission.
Cette recommandation arrivant à expiration, la Commission a présenté un rapport destiné à permettre au Conseil d’adopter une nouvelle recommandation. Il existe un consensus entre les ministres, si bien que cette recommandation devrait être adoptée, ce qui n’empêche pas quelques grincements en «off» de la part de certains Etats.
D’où vient-on ?
Le 12 mai 2016, le Conseil a adopté, sur la base d’une proposition de la Commission, une recommandation relative à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures en cas de circonstances exceptionnelles mettant en péril le fonctionnement global de l'espace Schengen. C’est la première fois que l’on a recours à la procédure de sauvegarde spécifique visée à l’article 29 du code frontières Schengen.
Cette recommandation, qui concrétise le dispositif de la réforme de la gouvernance Schengen approuvée en 2013, s’adresse aux cinq États membres Schengen (Autriche, Allemagne, Danemark, Suède et Norvège) les plus touchés par les flux de migrants en situation irrégulière en provenance de la Grèce et ce, dans le contexte de la crise migratoire et des réfugiés sans précédent qui a commencé en 2015.
Elle a autorisé ces 4 États membres de Schengen (4 de l’UE et 1 hors UE) à exercer des contrôles temporaires proportionnés sur certains tronçons de leurs frontières intérieures pendant une période maximale de 6 mois à compter de la date d’adoption de la recommandation.
Que contient le rapport de la Commission ?
Y figurent les constatations que la Commission a faites après avoir contrôlé la manière dont les contrôles actuels aux frontières intérieures sont mis en œuvre, ainsi que le prévoit la recommandation du Conseil.
Il vise à déterminer si les contrôles aux frontières intérieures réintroduits par les États membres Schengen se sont limités à ce qui est strictement nécessaire et proportionné.
Il s’agit de voir si ce contrôles sont proportionnés au regard de la gravité de la menace pour l’ordre public et la sécurité intérieure que constitue le risque persistant de mouvements secondaires de migrants en situation irrégulière en provenance de Grèce, qui seraient susceptibles de se rendre dans d’autres États membres Schengen.
Il cherche également à déterminer s’il existe un changement de la situation rendant nécessaire une adaptation de la recommandation du Conseil.
Et quel bilan tirer ?
Pour la Commission, les contrôles aux frontières intérieures réalisés par l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, la Suède et la Norvège ont été proportionnés et conformes à la recommandation du Conseil.
Les flux migratoires sans précédent de demandeurs de protection et d’arrivées dans l’Union depuis l’automne 2015 ont soumis les États membres à une pression considérable. Les mouvements secondaires de migrants en situation irrégulière ont constitué une menace grave pour l’ordre public et la sécurité intérieure dans plusieurs États membres.
Il ressort en parallèle des informations fournis par les 5 pays concernés que ces contrôles aux frontières sont restés limités aux routes migratoires et aux menaces identifiées, se concentrant sur les tronçons frontaliers ou sur les menaces spécifiques. Il ne semble pas y avoir eu de contrôles hors des tronçons frontaliers énumérés dans la recommandation du Conseil.
En outre, ces contrôles ont été ciblés et limités quant à leur portée, à leur fréquence, au lieu où ils ont été effectués et à leur durée; ils ont été basés sur des renseignements et sur une évaluation des risques et spécifiquement adaptés au point de passage frontalier où ils ont eu lieu. Leur nécessité, leur fréquence, leur lieu et leur durée ont également été régulièrement évalués par les États membres Schengen concernés.
La coopération entre les autorités nationales de police et les garde-frontières des États membres Schengen concernés a été considérée comme étant bonne et efficace.
En outre, s’il n’est pas possible d’exclure une certaine incidence économique, le franchissement des frontières intérieures par le public semble avoir été entravé aussi peu que possible.
Et après ?
Au regard de la situation actuelle, la Commission estime que la nécessité de maintenir des contrôles temporaires aux frontières intérieures est encore présente et que cette mesure constitue une réponse appropriée à la menace identifiée pour la sécurité intérieure et l’ordre public en ce qu’elle permet de rétablir l’ordre dans le flux de personnes qui franchissent certaines frontières et prévient les mouvements secondaires.
Le rapport rappelle que ces contrôles doivent néanmoins, conformément à la recommandation du Conseil, rester ciblés, limités quant à leur intensité au minimum nécessaire, et de nature à entraver aussi peu que possible le franchissement des frontières intérieures respectives par le public.
Les États membres Schengen sont invités à fournir d’ici au 18 octobre 2016, dans leur prochain rapport, les informations utiles pour permettre à la Commission d’actualiser son évaluation.
Le 1er pays concerné par Autriche
Le 13 mai 2016, la Commission a reçu une notification des autorités autrichiennes l’informant que l’Autriche mettrait en œuvre la recommandation du Conseil et maintiendrait les contrôles aux frontières intérieures et aux tronçons de sa frontière terrestre avec la Hongrie et avec la Slovénie, conformément à la recommandation, du 16 mai 2016 au 12 novembre 2016.
Le 9 septembre 2016, la Commission a demandé un complément d'informations sur les contrôles effectués et sur leurs résultats, que l'Autriche lui a fourni le 13 septembre 2016. Pour la période allant du 16 mai au 31 août 2016, l’Autriche a communiqué le nombre total de refus d’entrée prononcés à la suite des contrôles (233) et le nombre total de demandes d’asile reçues (12 584).
Le 2e pays : l’Allemagne
Le 13 mai 2016, l’Allemagne a annoncé à la Commission son intention de mettre en œuvre la recommandation du Conseil. Elle a notamment mentionné les quelque 115 000 ressortissants de pays tiers ne remplissant pas les conditions d’entrée ont été découverts à sa frontière terrestre avec l’Autriche entre janvier et juillet 2016. Pur la opériode allant du 12 mai au 31 juillet 2016, le nombre total de refus d’entrée prononcés à la suite des contrôles (3 077) et, pour la période allant du 12 mai au 31 août 2016, le nombre total de demandes d’asile reçues (66 919).
Le 3e pays : le Danemark
Le 1er juin 2016 le Danemark a fait savoir qu’il maintiendrait les contrôles jusqu’au 12 novembre 2016 aux frontières intérieures, dans tous les ports danois depuis lesquels sont assurées des liaisons par transbordeur vers l’Allemagne ainsi qu’à la frontière avec l’Allemagne.
Pour la période du 12 mai au 11 septembre, le Danemark a communiqué le nombre total de personnes ayant fait l’objet de vérifications (1 074 406), le nombre total de refus d’entrée à la suite des contrôles (1 088) et le nombre total de demande d’asile reçues (1 489), en précisant celles qui ont été déposées aux frontières intérieures où avaient lieu les contrôles (747).
4e pays : la Suède
Le 2 juin 2016, la Suède a fait savoir qu’elle mettrait en œuvre la recommandation du 12 mai et qu’elle maintiendrait, à compter du 8 juin 2016, les contrôles aux frontières intérieures aux tronçons frontaliers concernés, c’est à dire au pont de l’Öresund et dans les ports de Trelleborg, Malmö et Helsingborg dans la région de police Sud et dans le port de Göteborg, dans la région de police Ouest.
Pour la période du 8 juin à la fin du mois d’août 2016, la Suède a fourni une estimation du nombre total de personnes ayant fait l’objet de vérifications (3 000 000), du nombre total de refus d’entrée à la suite des contrôles (640) et du nombre total de demande d’asile reçues (6 097), en précisant celles qui ont été déposées aux frontières intérieures où ont lieu les contrôles.
5e pays : la Norvège
Le 10 juin 2016, la Norvège a informé la Commission qu’elle maintiendrait les contrôles aux frontières intérieures aux tronçons concernés des frontières terrestres jusqu’au 12 novembre 2016. Pour la période du 12 mai au 11 septembre 2016, la Norvège a fourni les chiffres concernant le nombre total de refus d’entrée à la suite des contrôles (14) et le nombre total de demandes d’asile reçues (1 088), en précisant celles qui ont été déposées aux frontières intérieures où avaient lieu les contrôles.
synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
A lire aussi :
A voir par ailleurs le numéro du "Dessous des Cartes" (Arte) du 15 octobre 2016 : "Des frontières qui se referment ?"
A lire également sur securiteinterieure.fr :
- Pour le Sénat, la réforme de Schengen requiert un dispositif européen plus intégré et une surveillance renforcée des frontières
- Schengen : mettre (enfin) un terme à la politique dite du "laisser-passer" ?
- Dossier spécial Schengen de securiteinterieure.fr
A lire par ailleurs sur securiteinterieure.fr, le Dossier spécial "Crise des réfugiés" de securiteinterieure.fr
RAPPEL IMPORTANT PAR AILLEURS : l'angle retenu est celui de la sécurité, mais il convient de noter que cette crise revêt de nombreux autres aspects, humanitaires notamment (consulter à ce sujet la charte éditoriale de securiteinterieure.fr).
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