« Il y a urgence à trouver une solution concrète au cloisonnement entre services répressifs et services de renseignement ».
Voici le constat fait par la Commission européenne dans le deuxième volet de sa communication. consacrée à "l'union sur la sécurité" (pour la premier volet, lire sur securiteinterieure.fr : Les premiers gardes-frontières européens sont déployés aux frontières de l’Union depuis le 6 octobre... et après ?) Ce cloisonnement est source de perte d’efficacité dans la lutte contre le terrorisme.
Au niveau européen, ces deux communautés, police – services de renseignement, sont représentées par le Centre européen de la lutte contre le terrorisme et par le Groupe antiterroriste.
La démarche retenue n’est pas de créer une superagence européenne de renseignement, mais de promouvoir les interactions entre les structures existantes.
Le Groupe antiterroriste étant toutefois de nature intergouvernementale, les leviers d’action sont limités et il appartient aux Etats de faire le nécessaire.
Pour ce qui du Centre européen de la lutte contre le terrorisme, la réforme envisagée est plus ambitieuse. Cependant, elle devrait s’opérer sans modification législative. La réforme d’Europol ayant eu lieu en mai 2016, il s’agit d’utiliser les ressources juridiques déjà présentes.
Quelle est la philosophie de la démarche entreprise ?
L’objectif ? Permettre une interaction plus systématique entre les deux communautés et, partant, une coopération opérationnelle accrue.
L’UE peut favoriser le rapprochement des deux communautés, aussi bien en perfectionnant ses mécanismes grâce à l’exploitation de toutes les possibilités de coopération prévues par les traités de l’UE, qu’en contribuant à instaurer une culture de la responsabilité commune ainsi que la volonté et la capacité de la concrétiser sur le plan opérationnel.
La stratégie ? L’ampleur des nouvelles menaces contre la sécurité impose de faire un pas de plus pour faire évoluer le Centre européen de la lutte contre le terrorisme et pour consolider le travail d’Europol.
En renforçant les deux axes suivis par le Centre européen de la lutte contre le terrorisme et le Groupe antiterroriste, en les gardant distincts mais en reliant les deux communautés, on obtiendrait, selon la Commission, un cadre de coopération antiterroriste efficace en Europe, sans qu’il soit besoin de créer de nouvelles structures.
Le principal problème demeure de tirer profit des avantages potentiels du partage d’informations et de renseignements pour obtenir de véritables résultats au plan opérationnel.
Il s’agit non pas d’apporter des innovations au niveau institutionnel, mais d’exploiter pleinement les possibilités de coopération prévues par les traités européens, ce qui pourrait amener un changement positif dans la manière de partager et de mettre en relation les informations, grâce à une coopération pluridisciplinaire.
L’éventail des options disponibles pour atteindre cet objectif est encadré par les compétences conférées dans les traités, la sécurité nationale étant du ressort des États membres. Dans un tel contexte, la Commission recherchera des solutions pratiques pour améliorer les échanges d’informations.
Quel est le problème identifié ?
La série d’attentats terroristes a mis en lumière la menace terroriste complexe et dynamique qui plane aujourd’hui sur l’Europe. Il est manifeste que des défaillances dans l’échange et l’exploitation des informations ont contribué à l’incapacité de prévenir les attentats et d’arrêter les terroristes suspectés.
Pourtant, la lutte contre le terrorisme et les formes graves de criminalité n’est efficace si les informations ne sont pas partagées en temps utile, entre les autorités concernées (services répressifs et de sécurité, y compris les douanes et les garde-frontières lorsque c’est utile).
Malgré cela, les progrès dans ce domaine sont laborieux et il existe toujours une fragmentation tant au niveau national que de l’Union, qui risque de laisser des vides dangereux pour la sécurité.
Si quelques progrès ont été enregistrés récemment et si les cellules antiterroristes des services répressifs collaborent davantage avec le Centre européen de la lutte contre le terrorisme d’Europol, la coopération entre les services répressifs et de sécurité est toujours inégale.
Les échanges entre services de sécurité ont lieu plus régulièrement par l’intermédiaire du Groupe antiterroriste (GAT), en dehors du cadre de l’UE, et les deux communautés demeurent cloisonnées pour les opérations.
Côté services répressifs : le centre européen de la lutte contre le terrorisme
Principal instrument de l’UE pour traduire la coopération sur le plan opérationnel, Europol a réalisé quelques avancées majeures en créant récemment le Centre européen de la lutte contre le terrorisme, le Centre européen chargé de lutter contre le trafic de migrants et le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité, Des ressources supplémentaires ont été mises à disposition, compte tenu des tâches nouvelles.
Même si Europol a démontré la valeur ajoutée qu’il peut apporter et a gagné en crédibilité auprès des services nationaux, ses moyens de lutte antiterroriste doivent être accrus pour qu’il puisse jouer pleinement son rôle.
Son Centre européen de la lutte contre le terrorisme est la charpente de l’action de l’Union contre le terrorisme: il est le centre d’information et de coopération qui aide les États membres, et il analyse le terrorisme, évalue les menaces et aide à élaborer les plans opérationnels antiterroristes.
Il a déjà contribué à augmenter le flux d’informations partagées entre les autorités répressives qui participent à la lutte contre le terrorisme, en adaptant les infrastructures aux besoins des professionnels de cette matière.
Une hausse du volume de données envoyées aux bases de données d’Europol a été constatée.
Mais dans son rôle de point focal chargé de recueillir et d’analyser les informations, son efficacité dépend de sa capacité de traiter rapidement des masses, qui peuvent être énormes, d’informations partagées à des moments cruciaux.
La solution : renforcer les moyens du Centre européen
Accroître les moyens du Centre européen de la lutte contre le terrorisme lui permettrait d’assumer un rôle plus proactif dans la prévention et la perturbation des actes terroristes.
Il s’agirait de détecter à temps les suspects et les réseaux, de trouver de nouvelles pistes d’enquête, de détecter les mouvements internationaux du financement du terrorisme et du trafic d’armes, de signaler davantage de contenus sur internet et d’aider dans les enquêtes, par l’intermédiaire de l’unité de signalement des contenus sur Internet, en optimisant ainsi les possibilités de brassage des informations afin de mieux identifier les risques et de réprimer les infractions.
Par exemple, Europol a relevé que certains des suspects impliqués dans le trafic de migrants le sont aussi dans d’autres infractions, telles que le trafic de drogue, la falsification de documents, les atteintes aux biens et la traite des êtres humains.
L'UE craint également que les routes et filières du trafic de migrants servent à faire entrer des terroristes potentiels (notamment des combattants terroristes étrangers) dans l’UE et que les organisations terroristes trouvent une source de financement dans le trafic de migrants.
1er axe : élargir l’accès d’Europol aux bases de données européennes
Pour renforcer les moyens actuels du Centre européen, l’idée est d’élargir l’accès d’Europol aux bases de données de l’UE. Il s’agit notamment du système d’information sur les visas et d’Eurodac, de futurs systèmes tels que le système d’entrée/sortie ou de l’ETIAS, ainsi que de la pleine exploitation de l’accès d’Europol au système d’information Schengen au titre de son mandat existant.
La Commission saisira l’occasion de la révision de la base juridique du système d’information Schengen pour proposer d’étendre l’accès d’Europol à toutes les catégories de signalements stockées dans le système et aux fonctionnalités afférentes.
Europol devrait aussi user de sa faculté de demander des données des dossiers passagers aux unités d’informations passagers dans les États membres.
Dans le cadre du processus lancé par la Commission en vue d’assurer l’interopérabilité des systèmes d’information, le groupe d’experts à haut niveau sur les systèmes d’information et l’interopérabilité devrait étudier les possibilités d’optimiser les recherches simultanées effectuées par Europol dans les bases de données pertinentes de l’UE lorsque c’est nécessaire à ses missions.
2e axe : étoffer davantage le Centre
L’expérience acquise avec les attentats de Paris et de Bruxelles indique que le Centre européen de la lutte contre le terrorisme a besoin de davantage de ressources financières, technologiques et humaines pour être en mesure de gérer et de traiter des volumes plus élevés d’informations et de renseignements en matière pénale.
Ces besoins augmenteront encore avec l’accès élargi d’Europol aux informations et aux bases de données. Aujourd’hui déjà, le centre n’est pas suffisamment équipé pour apporter une assistance aux États membres 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ce qui constitue un handicap majeur en cas d’évènements tels qu’un attentat terroriste de grande ampleur.
La Commission réalisera une évaluation approfondie des besoins et prendra les mesures nécessaires pour apporter des renforts significatifs, notamment du personnel possédant des compétences linguistiques et informatiques spécialisées, et organiser des détachements de longue durée d’agents des autorités des États membres.
3e axe : renforcer la gouvernance interne du Centre
Pour renforcer les moyens actuels du Centre européen dans les domaines, l’idée est aussi de renforcer la gouvernance interne du Centre européen de la lutte contre le terrorisme.
Au vu de l’expérience positive du Centre européen de lutte contre la cybercriminalité au sein d’Europol, la Commission propose de créer un comité des programmes à titre d’instrument supplémentaire de gouvernance pour les travaux internes du Centre européen de la lutte contre le terrorisme.
Ce dernier disposerait ainsi d’un mécanisme directeur interne pour son action, abordant des aspects tels que son programme de travail, ses méthodes de travail et les bonnes pratiques.
Il réunirait les autorités répressives antiterroristes des États membres, la Commission et, si c’est utile et nécessaire, d’autres partenaires concernés, dont les agences et organismes de l’UE tels qu’Eurojust, Frontex et l’INTCEN du SEAE/de l’UE.
Il sera expressément mentionné qu’il n’y aurait aucun empiètement sur le mandat du conseil d’administration d’Europol.
4e axe : maximaliser des avantages de la coopération
Autre axe retenu, Europol a développé un réseau de partenaires en matière de coopération opérationnelle dans l’UE (Eurojust et Frontex) et au-delà (plusieurs partenaires majeurs tels que les États-Unis, l’Australie, la Norvège et la Suisse, ainsi qu’Interpol).
La Commission et Europol, en étroite collaboration avec le Service européen d’action extérieure (SEAE), étudieront les pistes en vue d’une coopération accrue avec d’autres pays tiers, notamment dans le cadre des initiatives visant à développer des partenariats antiterroristes avec des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
Ils devraient notamment examiner comment associer les experts en sécurité affectés dans les délégations de l’UE et améliorer la transmission des informations par les pays tiers (y compris par l’intermédiaire d’Interpol).
Côté services de renseignement : le Groupe antiterroriste
Parallèlement à l’évolution du Centre européen de la lutte contre le terrorisme, le Groupe antiterroriste a récemment été renforcé par une plateforme commune destinée à l’échange d’informations entre les services de sécurité des États membres et accompagnée d’une infrastructure sécurisée pour assurer des communications en temps voulu et sûres.
C’est là l’occasion de définir un niveau d’interaction entre cette plateforme et la communauté policière qui coopère au sein du Centre européen de la lutte contre le terrorisme chez Europol.
La solution : ouvrir le Groupe antiterroriste à une collaboration avec les autorités répressives
La Commission encourage les États membres à envisager d’ouvrir le Groupe antiterroriste, forum intergouvernemental de renseignement, à une interaction avec les autorités répressives qui coopèrent dans le cadre d’Europol (le Centre européen de la lutte contre le terrorisme).
Afin de pouvoir relier des éléments entre eux, une sorte de centre d’échange d’informations pourrait offrir une plateforme sur laquelle les autorités qui obtiennent des informations sur le terrorisme ou d’autres formes graves de criminalité transfrontière les partageraient avec ces autorités répressives.
Un tel centre d’échange d’informations ne constituerait pas une nouveauté dans le secteur de la sécurité européenne. Plusieurs États membres ont mis en place des procédures de coordination antiterroriste ou des «centres de fusion» au niveau national pour faire collaborer leurs services de sécurité et autorités répressives nationaux.
Ces dispositifs varient toutefois considérablement du point de vue de leur structure institutionnelle (entité spécifique ou organisme spécialisé) et de leur mandat (qui va de l’évaluation des menaces stratégiques à la coordination opérationnelle).
Les États membres seront invités à partager leurs expériences positives et les enseignements tirés au niveau national en créant des structures d’échange d’informations.
synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
A lire également sur securiteinterieure.fr le Dossier spécial terrorisme
Et vous êtes sûr de n'avoir rien oublié ?
De retrouver securiteinterieure.fr sur twitter par exemple ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
remarques et suggestions à formuler à securiteinterieure [à] securiteinterieure.fr
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.